logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

La radio sous la révolution soilihiste. 1976 à 1978 I Un outil multifonctionnel pour le gouvernement

La radio sous la révolution soilihiste. 1976 à 1978 I Un outil multifonctionnel pour le gouvernement

Société | -

image article une
La radio à l’époque du feu Ali Soilihi Mtsachiwa occupait une place importante compte tenu de l’absence de la presse écrite et d’une télévision nationale. Elle était considérée comme un outil essentiel au service de la révolution. A l’occasion de la commémoration des 43 ans de la mort du Mongozi (Guide) révolutionnaire, le 29 mai, Al-watwan s’est approché des professionnels de l’époque : Touma Bacary, Faouzia Ali Amir, Mohamed Mzé, Irahim Ahmada Koutoub. Ils témoignent :

 

«A l’époque, j’étais le directeur général de la radio. L’objectif de cette communication visait à vulgariser le plan de développement et les objectifs intérimaires. L’objectif principal du régime était l’autosuffisance alimentaire par tous les moyens. Il fallait encourager les cultures vivrières par la conscientisation, la sensibilisation, la vulgarisation, à travers nos émissions. Durant la révolution soilihiste, la radio ne servait pas à faire des louanges comme certains ont pu le penser», a témoigné Fundi Mzé Mohamed
La radio proposait à l’époque plusieurs émissions politiques, culturelles ou sur les questions sociales.

Elle était captée à l’échelle internationale que ce soit au Sénégal, en Tanzanie et dans d’autres pays. «Ali Soilihi avait fait de la radio sa priorité, elle était directement dirigée par lui. Nous avions un animateur qui avait un accent différent du nôtre et j’étais obligé de le licencier pour son accent», se souvient fundi Mohamed Mzé. Ali Swalihi fut un homme qui a lutté contre l’analphabétisme. La langue qu’on nous apprenait n’était pas le français mais plutôt le shikomori».


«Ali Soilihi Mtsashiwa avait mis en place les comités dans les autres îles qui servaient de relais pour la transmission des messages. Il connaissait seulement les points essentiels de son discours et avait ce don de transmettre son message comme s’il l’avait sous ses yeux».L’ancien chef d’Etat avait fait de la communication un levier pour le développement car, selon lui, seule une bonne communication pouvait mener le pays vers les sommets.

L’émission 24 heures dans les régions ou «Saya chirini nanne harmwa yemabavu», était l’émission phare, rapporte Mohamed Mze, qui faisait le tour d’horizon pour informer la population des évènements du jour. Elle était très suivie».C’est le président lui-même qui intervenait, selon toujours la même source, dans cette émission. Il a été également le concepteur de son projet de communication. «On trouvait, notamment, le comité national, les comités régionaux qui avaient pour rôle non seulement de transmettre le message à la population mais aussi d’informer le président sur ce qui se passe dans le pays», précise Mohamed Mzé.

Pièce maitresse de son action.

L’un des membres de la «Jeunesse révolutionnaire» intervenant dans le domaine de la communication auprès du palais présidentiel, Ibrahim Ahamada Koutoub, revient sur la façon dont feu Ali Soilihi faisait sa communication. «Il avait cette aura et une facilité toute naturelle de passer ses messages en shikomori. Il évitait au maximum possible d’utiliser des mots ou expressions en français. C’était, pour lui, une façon de permettre aux citoyens de vite saisir ses discours», dit-il. Plusieurs termes sont nés à partir de l’émission tels que, par exemple, «Mudriya» et «Shariya mshindzi». «Ali Soilihi Mtsachiwa a toujours considérée la radio comme la pièce maitresse de son action. C’est pour cela qu’on y retrouvait des spécialistes de différents domaines : logistique, juridique, culturel, environnemental qui avaient la charge de scruter et exploiter la moindre information».


Pour Faouzia Ali Amir, jeune stagiaire à l’époque avant de devenir journaliste à la Radio Comores, Ali Soilihi considérait la radio comme un outil indispensable pour «faire triompher la révolution». «Etant jeune stagiaire à l’époque d’Ali Soilihi, j’ai assisté à l’exécution de Soulé Boina, un homme accusé de féminicide. Quand j’ai intégré Radio Comores, je travaillais dans la rédaction. Les conditions de travail répondaient aux normes. Pour le président, la radio était une grande priorité. On avait plusieurs émissions dont une émission de théâtre qui éduquait la population sur les mariages précoces, la délinquance et la lutte contre les violences entre autres».

Place aux journalistes

Une émission était dédiée à la lutte contre l’analphabétisme. «Si on trouve aujourd’hui, des personnes âgées qui savent manier leurs téléphones, cela est peut-être dû à cet apprentissage», explique Faouzia Ali Amir. Selon elle, la politique d’alphabétisation a sauvé des milliers de générations de Comoriens et de Comoriennes.
Pour Touma Bakary, l’une des plus belles voix de l’époque, la radio a bien aidé la révolution d’Ali Soilihi. Une chronique quotidienne était intitulée «24heures dans les régions» et sous-titrée «Informer et dévoiler les idéaux de la politique populaire du Mongozi».


Le président tenait à ce que toutes les couches de la population soient informées en temps réel de tout ce qui se passait dans chaque coin de l’archipel. Par la radio «le camarade président a su imposer sa politique populaire et révolutionnaire à la population. En cas de faute technique ou autres, le Raïs était le premier à informer les responsables. Je l’ai vécue lors d’une erreur à l’annonce d’un journal en français. Le président a appelé mes supérieurs lesquels ont interrompu l’émission».
Un comité dénommé «Utrangazaji Ulezi» avait le rôle de produire des émissions culturelles, religieuses, de santé publique, entre autres. «Le Mongozi avait mis en place trois équipes de communication qui ont assuré la communication populaire. La radio de l’époque n’avait qu’un rôle de sensibilisation axée sur l’importance de sa nouvelle vision», a fait savoir Papa Djambaé.

En dehors des ondes, les comités régionaux ont été les premiers à véhiculer les initiatives révolutionnaires qui seront transmises à la radio. «Il y avait trois équipes. Une chargée du théâtre révolutionnaire, (théâtre yawu Fwakuzi), une autre de la chronique «Saya chirini na’ne harmwa ye mabavu’ et l’autre sur le palais présidentiel», a-t-il commenté. La radio a été mise au service du développement économique.

Nourina Abdoul-Djabar et Yahya Zakaria

Commentaires