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Droit et Actu : La religion d’Etat (on se répète)"

Droit et Actu : La religion d’Etat (on se répète)"

Société | -   Contributeur

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On aurait cru assister à une scène de l’inquisition. Ce lundi était présenté en comparution immédiate des citoyens comoriens dont on faisait le reproche d’avoir prié l’Aïd le vendredi 1er septembre alors même que les autorités publiques l’avaient fixé au samedi 2.

 

L’on peine tout de même à trouver l’infraction qui leur serait imputée. Mais qu’importe, voilà qu’une fois encore, la foi est décrétée. Cela en devient insupportable. Pire encore, cela est tout simplement inconstitutionnel.

 


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À ce propos, que dire que nous n’avons pas déjà dit ? Comme une impression de prêcher dans le vide. La répétition en devient lassante. Mais, paraît-il, la bonne pédagogie est à ce prix.

Pourtant, s’il est indéniable que la Constitution comporte des dispositions complexes, celle-ci est d’une relative simplicité.

Alors, encore une fois, répétons ! Les débats d’écoles jurisprudentielles ici importent peu. Il est un fait. Chaque citoyen est libre de pratiquer le culte qu’il souhaite, au jour où il choisit pour adorer le Dieu de sa foi. Sous la seule réserve, de ne pas troubler l’ordre public, la croyance est libre aux Comores.

Le peuple souverain s’en est assuré. La Cour constitutionnelle l’a confirmée. La liberté religieuse est constitutionnellement garantie. S’il plaît au législateur, de proclamer un rite islamique officiel, il ne saurait l’imposer au peuple. Le seul destinataire possible d’une telle injonction de foi ne peut être que l’État.

Encore une fois, l’Islam sans que soit précisé d’ailleurs s’il s’agit du sunnisme chaféite est bien la religion d’État. Mais, elle n’est que ça. Si elle inspire des règles, c’est à propos de celles qui régissent l’Union. Autrement dit, cela ne concerne que les règles qui s’appliquent à l’Etat, personne morale, et à ses démembrements.

Que les autorités veuillent imposer une date de fête de l’Aïd, soit ! Mais qu’elles le fassent à l’égard de l’État. Qu’elles contraignent les fonctionnaires à prier à telle date, les ministres de telles manières, les députés vers telle direction. Ce serait déjà absurde mais au moins, éventuellement, constitutionnel.

Au nom du respect de la Constitution, qu’on lâche la grappe aux citoyens ! Puis, de grâce, que l’on ne vienne pas affirmer qu’il s’agit des exigences de la loi sur les pratiques religieuses.

Répétons que cette loi n’est pas applicable en l’état. L’on peut même affirmer que, pour certaines dispositions, elle n’existe tout simplement pas dans l’ordonnancement juridique.

Là aussi, la Cour constitutionnelle s’en est assurée. Il est presque évident que demain les autorités recommenceront avec la police de la foi et des mœurs. Comme hier, encore, on détruisait une mosquée. Il est alors tout aussi évident, que nous recommencerons, aussi. Comme, la semaine dernière, nous ferons la promotion de nos chères libertés. Ce n’est pas une obsession. C’est le droit.

L’État à une religion, ce qu’a proclamé le constituant. Grand bien lui fasse. Mais le peuple est libre de croire comme de ne pas croire. D’en afficher son culte ou préférer la discrétion du recueillement. D’être prosélyte ou discret. C’est à sa guise. C’est sa liberté.

Soyez sans crainte, l’ordre public n’en sera pas renversé pour si peu. Cet ordre public qui a tenu et qui tient envers et contre tout : la corruption, les détournements de fonds, les irrégularités électorales, la neutralisation de la Cour constitutionnelle, la tournante, les assises, les morts en kwassa, la vie chère, le chômage…

Alors, penser qu’il rompe pour une prière ? Tout de même…

Mohamed Rafsandjani, Constitutionnaliste, Doctorant en droit public, Chargé d’enseignement à l’Université de Toulon

 

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