Le rapport annuel de Reporter Sans Frontières (Rsf) devient un refuge pour lui, expédiant toute la responsabilité de la dégringolade au classement général aux seuls gouvernants. Il observe, par contre, l’omerta, sur l’autre observation de la même organisation notamment, l’absence d’infrastructures. Alors que c’est là où réside en partie, le nœud du problème. Car elle determine sa survie.
Balloté, pris à la gorge entre son existence et le principe de la liberté, le journaliste comorien vit ces derniers temps un instant de doute. Ne sachant pas quoi prioriser. Comme le paradoxe de l’œuf et de la poule, se disputant lequel des deux est né en premier. En réalité, le journaliste comorien fait face à un corps en décomposition et en total abandon. L’Etat semble se désengager et les professionnels, notamment les aînés, lui tournent progressivement le dos. L’urgence n’est-elle pas d’essorer ce corps avant qu’il ne soit totalement imbibé ?
On ne s’improvise pas journaliste. Ni, on ne le devient pas par la force du temps. On l’apprend. De même dans le milieu du football. On ne devient pas entraineur, parce qu’on se nomme Zidane, Messi ou Ronaldo. L’on devient manager parce qu’on l’apprend et que l’on te délivre une autorisation pour l’exercer. L’on pourrait me rétorquer qu’il n’est pas rare de voir ailleurs des acteurs du showbiz, des romanciers, voire même des médecins, se convertir en journalisme. Mais la case formation est primordiale. Pourquoi la règle doit être l’exception aux Comores.
Une restructuration approfondie de la profession
Ainsi, faire l’impasse sur un métier aussi redoutable que le journalisme, c’est comme armer un militaire et le lâcher par la suite dans la nature. Professionnel des médias et pouvoir publics se devaient de se ressaisir car la responsabilité est partagée et que l’un ne peut se tenir sans l’autre. Comme l’a si bien noté le journaliste américain et fondateur du New York World, Joseph Pulitzer. «Notre République et sa presse graviront ensemble les sommets ou bien elles iront ensemble à leur perte». L’appel sans cesse du chef de l’Etat pour une restructuration approfondie de la profession doit trouver un écho favorable chez les travailleurs de l’information qui sont le plus concernés. Car les maux sont légion. À commencer par un déficit de formation. L’on n’est pas sans savoir que plus de 80% du personnel qu’emploient la presse et les médias audiovisuels du pays n’ont jamais eu une quelconque formation dans le domaine. Qu’il y a une sorte d’exploitation (le mot est certes fort) dans certains organes de presse et audiovisuels de la place. Des jeunes exploités par certains patrons des médias sans une forme d’engagement contractuel comme le recommande le droit du travail. Que dire des inégalités criantes entre ceux qui sont dans le privé et ceux qui travaillent dans le public.
La disparité dans le public lui-même selon lequel, l’on est fonctionnaire ou contractuel. Et si l’on parle d’une carrière inexistante et d’un statut qui se cherche ! On peut citer les exemples à n’en plus finir. Face à l’ampleur de la plaie et l’urgence d’y trouver des remèdes, nos discours doivent évoluer et que les reformes soient imperatifs. Journalistes et pouvoirs publics ne peuvent pas se dérober de leurs responsabilités. Ils doivent surtout éviter la politique de l’autruche. La situation qui prévaut est à l’image d’un pays qui se fait construire des routes, se dote d’un code, s’offre de véhicules, et qui dit à la population – allez ! Libre à chacun de s’en saisir une et se mettre sur la route –sans daigner, aucun instant, à la formation pour la conduite. L’on ne pouvait pas dire que les conséquences ne seront pas prévisibles. Je réitère la suggestion que j’ai défendu auprès du président de la République à l’occasion des vœux de la presse suite à sa réélection. Les assises de la presse et des médias audiovisuels sont à la fois une nécessité et une urgence. Surtout pour le nouveau cap que le pays s’est fixé. Notamment, la vision du chef de l’Etat de faire des Comores un pays émergent à l’horizon 2030.
La presse ne peut pas rester en marge. Car point de développement sans une presse aguerrie et émancipée dans toutes ses formes. Et pour en arriver-là, les réformes approfondies sont un passage obligé.
Maoulida Mbaé