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Le président de la Haute autorité de communication audiovisuelle de Côte d’ivoire et président du réseau des instances africaines de régulation de la communication :«Les dix jours que j’ai eus à passer à Moroni ont été très studieux»

Le président de la Haute autorité de communication audiovisuelle de Côte d’ivoire et président du réseau des instances africaines de régulation de la communication :«Les dix jours que j’ai eus à passer à Moroni ont été très studieux»

Société | -   A.S. Kemba

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René Bourgoin estime qu’il y a «nécessité de créer des cadres de formation et de renforcement des capacités auxquels devront se soumettre, même les plus expérimentés». De même, il soutient que la régulation des médias n’est pas chose aisée. «Chaque jour, il y a des avancées technologiques, des révolutions technologiques qui complexifient la régulation du secteur. Le texte proposé dans le cadre de cette révision que nous avons menée, l’équipe nationale des experts, l’équipe des experts nationaux et moi-même, ce texte-là, permettra une réelle prise en compte des défis que nous connaissons actuellement».

 

Dans sa démarche de revoir le Code de l’information et de la communication, le CNPA a fait appel à vous. En quoi consiste exactement votre mission?


Je souhaite, dès l’entame de cette interview, m’acquitter d’un devoir de civilité. Celui d’exprimer ma profonde gratitude et mes sentiments les plus respectueux à l’endroit du président de l’Union des Comores qui m’a fait l’insigne honneur de me recevoir en compagnie de mon homologue, le président Aboubakari Boina. Les échanges que nous avons eus m’ont permis de m’apercevoir de la vision élevée du président de l’Union quant aux choses de la communication et de l’information. J’ai été impressionné par la connaissance fine qu’il avait de ce secteur, une connaissance aiguë. Les conseils que nous avons reçus du président de l’Union, nous les conservons précieusement et ils nous serviront d’orientation pour nos actions futures.


Je voudrais, ensuite, remercier madame la ministre de l’Information pour sa totale disponibilité et sa volonté réaffirmée de faire franchir un cap qualitatif au secteur de l’information dont elle a la charge. Madame la ministre de la Promotion du genre, de la Solidarité et de l’Information nous a fait l’honneur non seulement de nous recevoir, mais également d’assister à l’atelier, à la cérémonie de clôture en personne, à la cérémonie d’ouverture par le truchement d’un représentant désigné, le directeur de l’information.
Mes plus vifs remerciements à mon frère, mon homologue, le président Aboubakari Boina du CNPA de m’avoir proposé d’intervenir à l’occasion de la révision du Code de l’information et de la communication de l’Union des Comores. Il lui a semblé, je suppose, qu’en en raison de ma petite expérience dans les domaines du droit et de la régulation des médias, je pouvais être de quelque utilité dans ce processus de révision du Code de l’information et de la communication. C’est donc un appui multiforme qu’il m’a été demandé d’apporter.

En découvrant la situation des médias dans notre pays, quel constat pouvez-vous faire sur le secteur? 


Les dix jours que j’ai eus à passer à Moroni ont été très studieux comme vous pouvez l’imaginer, parce que le travail à effectuer revêtait une très grande importance. Il ne m’est donc pas possible de prétendre, en quelques jours, avoir une opinion exhaustive sur la situation des médias aux Comores et de poser un constat incontestable en la matière. Ce que je peux dire, néanmoins, par rapport à ce qu’il m’a été donné de constater, c’est que, comme partout au demeurant, il y a d’excellents journalistes, reconnus comme tel par la population et d’autres hélas qui ne font pas preuve de la rigueur indispensable à l’exercice responsable de cette noble profession.


Il y a nécessité de créer des cadres de formation et de renforcement des capacités auxquels, tous, devront se soumettre, même les plus expérimentés. Comme pour toutes professions, l’humilité est reine. Quelles que soient les compétences et l’expérience, se soumettre à des sessions de formation a pour effet, sinon d’apporter une plus-value, mais au minimum de réviser les acquis. Ce qui n’est pas négligeable. En ce qui concerne la situation des médias, il est indiscutable qu’elle mérite d’évoluer. C’est d’ailleurs le sens de la révision du code de l’information et de la communication que le gouvernement a ordonné. Donc cette révision procède de ce que la presse a un besoin de changement, d’évolution. Avec la révision en cours, la situation des médias dans l’Union des Comores s’améliorera très significativement.


Le constat que je pose sur le secteur est simple. S’agissant de ce qu’on peut appeler la presse traditionnelle, il y a l’obligation de respecter la «Charte de Hamramba», qui est la charte de déontologie des journalistes des Comores. Donc, les journalistes doivent exercer leurs activités au regard du respect de cette charte. Une fois qu’un journaliste exerce son activité librement, ayant pour principale boussole les textes en vigueur, mais notamment sa déontologie, la déontologie qui gouverne sa profession, le travail ne peut qu’être bien fait. La difficulté réside dans la presse en ligne, dans la presse numérique. Là, il y a une vraie difficulté. Cette difficulté n’est pas propre à l’Union des Comores. C’est une difficulté que connaissent tous les pays du monde.

Et c’est pour cela que la régulation de la communication, la régulation de la communication audiovisuelle et numérique, et évidemment, j’inclus la régulation de l’information, mais dans mon entendement, la communication englobe l’information. Donc, la régulation des médias n’est pas chose aisée. Elle est très complexe. Chaque jour, il y a des avancées technologiques, des révolutions technologiques qui complexifient la régulation du secteur. Le texte proposé dans le cadre de cette révision que nous avons menée, l’équipe nationale des experts, l’équipe des experts nationaux et moi-même, ce texte-là, permettra une réelle prise en compte des défis que nous connaissons actuellement.Et je peux prédire d’ailleurs que le texte, s’agissant peut-être du tout dernier texte en la matière, inspirera d’autres pays qui souhaitent procéder à une révision de leur législation dans le domaine.

On dit souvent que les Comores ont pris du retard dans l’encadrement de la presse. Selon vous, quelles seraient les mesures à prendre pour rattraper ce retard ?


One peut nier le fait que la nécessité d’adapter le régime juridique de l’information et de la communication aux nouveaux enjeux et défis du secteur était patente. Et c’est précisément parce que les plus hautes autorités des Comores en avaient une claire conscience qu’elles ont instruit le CNPA d’engager cet indispensable processus de révision du Code de l’information actuellement en vigueur. Quelles mesures urgentes et immédiates peuvent être prises? Là-dessus, je répondrai de façon nette en relevant que les dispositions nouvelles, au vu de leurs importances et de leur impact, ne sauraient s’accommoder de mise en œuvre parcellaire. Elles forment un tout et tout le nouveau cadre juridique qui doit s’appliquer. Et cela pourrait aller vite.

Avec internet, les réseaux sociaux et l’Intelligence Artificielle, les habitudes d’information changent. Comment un pays comme le nôtre peut-il s’adapter à ces évolutions?


Cette question revêt une grande importance car, effectivement, avec l’Internet, les réseaux sociaux et l’Intelligence Artificielle, les habitudes changent. Je dois dire, d’emblée, que les défis liés à l’usage des réseaux sociaux, de l’Intelligence Artificielle, sont des défis contraignants, propres à tous les pays du monde. Aucun n’y échappe.
C’est la manière d’y faire face qui change. En Europe, ils ont adopté, depuis 2021, le Règlement sur les Services Numériques plus connu sous son acronyme anglais de Digital Service Act, en abrégé DSA.


En Afrique, au niveau du RIARC, nous avons opté pour une approche moins procédurale, plus pragmatique et prévoyant un dialogue renforcé avec les grandes plateformes numériques. Cela donne des résultats encourageants, d’autant que les nouveaux pouvoirs dévolus aux régulateurs permettent à ceux-ci de faire bloquer l’accès à Internet à tous les acteurs du Net qui contreviendraient aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. L’avant-projet de Code révisé qui vient d’être élaboré prévoit tous ces aspects et également ceux de l’usage de l’Intelligence Artificielle. S’agissant d’un Avant-projet, il ne serait pas bienséant d’entrer dans les détails mais je voudrais, néanmoins, relever le fait que toutes les parties prenantes ont fourni un travail de qualité, aussi bien l’équipe des experts nationaux que les organisations professionnelles du secteur sans omettre les représentants étatiques. Tous se sont fortement impliqués et c’est à saluer.


La question de l’intelligence artificielle doit être considérée avec une attention particulière. Nul ne peut en nier les effets bénéfiques, dans tous les domaines. Mais les effets néfastes d’une application malveillante constituent un réel danger pour nos pays avec les DeepFakes et autres atteintes à l’intégrité de l’information. Le projet de révision du Code aborde ces questions-là, de façon assez pragmatique, sans aucune atteinte à la liberté d’expression, mais de telle sorte que la loi soit appliquée et bien appliquée.

Certains journalistes sont, parfois, accusés de faire plus d’opinion que d’information. Comment trouver le bon équilibre entre liberté d’expression et respect des règles du métier?


Je dois reconnaître n’avoir pas fait le constat que certains journalistes sont accusés de faire plus d’opinion que d’informations. En réalité il n’y a, là, rien de répréhensible à priori. Un principe sacro-saint du journalisme enseigne que les faits sont sacrés et le commentaire libre. Les journalistes ont toujours exercé leur métier librement dès lors que cela se fait dans le respect des règles que les journalistes se sont eux-mêmes données et, également, dans le respect des lois du pays. L’équilibre à trouver entre liberté d’expression et respect des règles professionnelles n’en est pas un, en réalité, car les deux doivent absolument aller de pair. Comment trouver le bon équilibre entre liberté d’expression et le respect des règles du métier? C’est la problématique qui se pose au journaliste. En réalité, il n’est pas interdit de faire plus d’opinion que d’informations, les deux peuvent aller de pair.

Si vous deviez résumer vos recommandations en une phrase, que faudrait-il absolument mettre en place pour que nous ayons une presse forte, indépendante et crédible?
En une phrase, je dirais qu’il est essentiel de doter l’institution de régulation du secteur de la communication, de réelles prérogatives institutionnelles et d’un pouvoir véritable de sanctions.

Propos recueillis par
A.S.Kemba

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