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Le représentant de l’Unicef, Dr Marcel S.Ouattara : Des progrès notables, mais nous devons fournir encore plus d’efforts

Le représentant de l’Unicef, Dr Marcel S.Ouattara : Des progrès notables, mais nous devons fournir encore plus d’efforts

Société | -   Abdallah Mzembaba

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Dans le cadre de la journée internationale des droits de l’enfant demain 20 novembre, le représentant du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) nous a accordé une interview où il revient notamment sur les différentes missions qui leurs sont dévolues. Santé, éducation ou encore protection sociale, Dr Marcel S. Ouattara fait le tour et dresse un état des lieux de la situation dans le pays. Si dans certains domaines des avancées ont été enregistrées, certains secteurs souffrent d’un accompagnement suffisant des autorités voire de la population et des familles.

 


Le monde célèbre le 20 novembre la journée internationale des droits de l’enfant, où en est la situation aux Comores?


 

Il y a eu des progrès importants sur les dix-quinze dernières années. Le taux de mortalité infantile a été réduit de 50% entre 1990 et 2018. On enregistre par ailleurs une évolution bien qu’en dents de scie sur la vaccination avec un taux de couverture qui avoisine 90%. Pour ce qui est du volet nutrition, un enfant de moins de 5 ans sur neuf est affecté par la malnutrition aigüe, et un enfant sur vingt-cinq, soit 4%, souffre de malnutrition aigüe sévère. Mais avoir ces données c’est déjà une avancée notable pour apporter des solutions à ce problème et entreprendre des actions correctrices. Nous appuyons le gouvernement pour la mise en œuvred’un programme important dans soixante neuf villages avec l’appui de la Banque mondiale. Dans ces villages, un dépistage et un traitement de la malnutrition sont faits. Il y a par exemple plus de douze mille enfants qui sont dépistés par an et près de mille cinq cent pris en charge. L’idée est d’accroitre le dépistage de la malnutrition et de l’étendre sur l’ensemble du territoire. Les agents communautaires ont été formés dans ce sens. Il faut aussi noter que dans le cadre de ce programme, la promotion de l’allaitement maternel est faite. Ces actions sont menées sous l’égide du ministère de la Santé.


Et pour les autres secteurs?


 

Au niveau de la santé de la mère et de l’enfant, nous avons enregistré une réduction importante de la mortalité maternelle et néonatale. Nous essayons par ailleurs d’appuyer le ministère pour réhabiliter et équiper progressivement les maternités. Nous allons intervenir cette année dans huit sites supplémentaires. Quatre vingt agents ont été formés sur la prise en charge intégrée du nourrisson et de la mère. Dans le même temps, nous appuyons aussi la mise en place de la méthode kangourou qui peut suppléer les couveuses qui nécessitent de l’électricité. Pour ce qui est de l’accès à l’eau potable, nous avons contribué à améliorer l’accès à des toilettes hygiéniques et passé dans la zone d’intervention d’une couverture en toilettes hygiéniques de 9 à 15% en un an. Nous avons aussi appuyé près de cinq cent ménages vulnérables pour avoir des toilettes hygiéniques. Il y a également eu un état des lieux de l’eau-hygiène-assainissement dans toutes écoles du pays.
Cette étude révèle que dans les quatre cent vingt six écoles publiques et privées du primaire et du secondaire couvertes par l’étude, 43% des élèves n’ont aucun service d’eau potable. 81% des élèves ne peuvent pas se laver les mains à l’école. 43% des élèves n’ont pas accès à des toilettes. Des chiffres assez troublants, le travail qui reste à faire est donc énorme. Pour ce qui est de la protection sociale, une étude de vulnérabilité a été menée il y a quelques années et elle a permis d’identifier les zones de vulnérabilité. Nous avons entrepris avec le commissariat national au Genre chargé de la Protection sociale, un petit projet pilote consistant à donner du cash aux familles vulnérables pour voir si ça peut aider à améliorer l’accès des enfants à leurs droits.
   


Qu’en est-il au niveau de l’Education?


 

Là, les progrès sont très importants. Le taux net de scolarisation avoisine les 85% ce qui est notable et le taux de couverture du préscolaire se situe entre 28 et 35%, ce qui est aussi remarquable. Mais les efforts doivent être poursuivis pour arriver successivement à des taux de plus de 90% et plus de 50% voire plus. Avec les exécutifs des trois îles, nous avions un projet de scolarisation d’enfants déscolarisés ou qui n’ont jamais été à l’école mais là il arrive à terme après deux ans. Le projet financé par la Fondation qatari Eac (Educate A Child- Eduquer un enfant) a permis de scolariser 3.000 enfants déscolarisés ou qui n’ont jamais mis les pieds à l’école. Mais au-delà du projet lui-même, ce sont les mécanismes mis en place qu’il faut sauvegarder pour assurer la pérennité de l’accès des enfants non scolarisés à l’âge légal ou déscolarisés à une éducation de qualité qui somme tout leur droit. Au niveau des manuels scolaires, nous avons appuyé le ministère de l’Education à produire et distribuer 27.000 manuels scolaires et guides du maitre du préscolaire 128.000 manuels de français et de mathématiques pour les élèves du primaire. Il y a aussi eu des kits scolaires pour les élèves. Dans le même temps, nous avons aidé à mobiliser des ressources assez importantes (près de 4,5 millions de dollars américains du partenariat mondial pour l’éducation - Pme, phase1). Nous avons la possibilité de mobiliser 5 millions de dollars dans la phase 2 du programme dont 2,3 sont déjà disponibles). Nous avons aussi un financement de Dubaï Care à hauteur de 2 millions de dollars destiné à la petite enfance pour que chaque école puisse avoir deux classes du préscolaire.

 


Les écoles coraniques rénovées ont été mises en place depuis un certain moment, où en est-on actuellement?


 

Il s’agit plutôt d’”enseignement” et non d’”école” coranique renovée. L’enseignement coranique rénové c’est dans les textes de politiques éducatives comoriens. L’idée est d’avoir une école préscolaire qui permette d’avoir l’enseignement de la religion mais aussi les apprentissages précoces tels que les jeux, l’hygiène ou encore la socialisation avec les autres enfants de 3 à 6 ans. Actuellement, on a un taux de couverture d’à peu près 28% au niveau du public. L’objectif avec le ministère de l’Education était d’arriver à un taux de 35%. Avec l’aide de Dubaï Care, on a pu mobiliser 865 millions de francs comoriens ce qui devrait permettre au ministère de l’Education d’avoir une couverture assez importante. Il faut comprendre que c’est un projet du ministère de l’Education nationale. L’Unicef n’est là qu’en appui afin d’apporter ses connaissances dans le préscolaire.  


De nombreux enfants subissent des agressions, les Ong et le Service d’écoute notamment dénoncent le comportement de la justice qui selon eux fait preuve de laxisme. Quel est votre avis sur le sujet?


 

Près de cinq cent vingt enfants ont été victimes de violence sur l’ensemble du pays en 2017 selon les chiffres des centres d’écoute. Une enveloppe de 200.000 euros de l’Union européenne a été déboursée pour appuyer le gouvernement et les services d’écoute dans la prise en charge médicale des enfants victime de violence.
Au niveau de l’Unicef, nous appuyons la prise en charge au niveau de la justice. Ne pas porter plainte est la pire chose qu’on peut faire. Il faut bannir les arrangements. C’est une deuxième violence après celle faite sur le physique d’un enfant. Il faut dénoncer ces cas et se rapprocher de la justice même si je vous concède que les procédures judiciaires sont généralement plus longues que ne le voudrait le citoyen lambda.


Les familles doivent se rapprocher des services d’écoute ou les contacter via les numéros verts (1760 et 1770). A notre niveau, nous faisons un travail de plaidoyer. Le reste appartient à la justice. Nous n’avons pas de données nous permettant de dire que la justice est laxiste. Maintenant il faut voir comment faire une bulle entre les différents acteurs pour lutter contre ce fléau touchant les enfants. Il en est de même également pour les mariages précoces . Le ministère de la Justice planifie de former les cadis pour que la loi soit respectée parce que le code de la famille aux Comores interdit le mariage avant 18 ans. L’enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples qui date de 2012 fait état de près de 16,4% de filles âgés de 15-19 ans vivant en union avec un homme et 10,1% ayant eu une naissance vivante. Des données plus récentes parlent de 6% de mariages précoces.


Dans de nombreuses écoles les structures en place ne permettent pas l’accès à des enfants handicapés ce qui rend encore compliqué une situation déjà chaotique puisque la majorité d’entre eux n’est pas scolarisée. Est-ce qu’il y a des changements de mentalité à ce propos?


 

Depuis 2017 nous avons entamé avec le ministère de l’Education une sensibilisation sur l’éducation inclusive et cela concerne tous les enfants souffrant de handicap tant physique, visuel qu’auditif. Il s’agit de faire en sorte que tous les enfants souffrant de handicap aient aussi leur droit à l’éducation réalisée. Nous avons fait venir des Ong qui travaillent sur les déficiences visuelles et auditives notamment. Et dans le projet de réhabilitation des écoles, nous avons créé des rampes d’accès pour les enfants qui souffrent de handicap physique. A titre de données collectées 89% des enfants vivant avec un handicap à Ngazidja ne sont pas scolarisés. A Ndzuwani et Mwali on est respectivement à 40 et 26,94% d’enfants handicapés non scolarisés. Ce sont des chiffres qui remontent à 2014-2015.



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