logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

Le shiKomori est-elle une langue sexiste ?

Le shiKomori est-elle une langue sexiste ?

Société | -   Contributeur

image article une
Dans les villes et villages comoriens, les exercices qui sous-entendent la capacité ou la détermination à diriger, prêcher, à réaliser un acte salutaire ou honorifique sont pensés uniquement pour les hommes. Hatubu (imam, oulèmas), mfaume wa mdji (chef du village), hakim (notable). Dans la langue elle-même, l’accent “e” qui caractérise les rimes féminines dans un texte en vers n’existe ni à l’oral ni à l’écrit.

 

Le shiKomori est une langue bantu qui s’apparente à la langue swahili. Étant dans son statut oral, il s’utilise dans les différentes manifestations coutumières, religieuses, sociales. Il regorge des proverbes, d’expressions figées, des syntagmes à valeur adjectivales dont certains d’entre eux sont sexistes. Le comportement sexiste de la langue comorienne s’observe presque dans tous les domaines.

La phonologie

Dans la langue elle-même, l’accent “e” qui caractérise les rimes féminines dans un texte en vers n’existe ni à l’oral ni à l’écrit. En comorien, le “e” se prononce comme “é” dans le mot français “télé”. Je cite à titre d’exemples les mots comoriens comme telele (à gogo), zigelegele (youyou), beshelea, tsengelea…

Milieu social

Socialement l’homme l’emporte sur la femme dans la mesure où, dans les villes et villages comoriens, les exercices qui sous-entendent la capacité ou la détermination à diriger, prêcher, à réaliser un acte salutaire ou honorifique sont pensés uniquement pour les hommes.

Hatubu (imam, oulèmas), mfaume wa mdji (chef du village), hakim (notable)…


Il serait difficile voire impossible qu’une femme exerce dans sa ville ou village comme hatubu, mfoma-mdji ou hakimu... Ensuite, quand on voudrait soutenir une personne étant dans une situation insupportable, on lui conseille de ne pas agir comme une femme, c’est-à-dire qu’elle devrait faire preuve de courage et de motivation tout au long de l’épreuve traversée : mwana mme zifuba zili. Ewe tsofanya hama mdru mzade ! Mdru mzade karengwa shahidi… Aux Comores, les hommes préfèrent ne pas agir comme une femme. Honte à celui qui se laisse conseiller par sa femme. Ola eutarumulwa ne mdru mshahe. Ola mdru mzade swafi.Mdru kadoshindana na mdru mzade. Mdru kadorenga ndrogowo za mdru mzade.

Toutes ces expressions sous-entendent qu’une femme est une personne de peu de considération avec qui on devrait notamment s’abstenir de discuter.

Honte à celui qui se laisse conseiller par la femme, shawiri-mama, emalaho ngatarumulwao ni wandrwazade qui sous-entendent qu’une femme n’est pas destinée à conseiller, à diriger...

Insultes

Nombreuses sont les insultes qui font référence à la sexualité féminine. Souvent, la femme se voit comparée à des choses malpropres, à des personnes prostituées, à des insectes malpropres. Elle n’est rien d’autre qu’une susu la madzi, djaya la madzi, mbwa ya madzi, shetwani-mamba, goma la mbiaba, kisirani, nyushuza.

Proverbes

Quelques proverbes comoriens traitent la femme d’un air méfiant, par ex. Pera landziani kaliyivu bure, mdru mshe tsihafani, mdru mshe hama ndzi. Elle n’attire pas de considération importante lorsqu’elle est plusieurs fois mariée. mdru mshe mkabaya-msi.

Différence de sexe par les morphèmes “me”, “she”

Les morphèmes “me”, “she” placés toujours après le nom portent occasionnellement une nuance péjorative déconsidérant la femme. Mdru mme/personne audacieuse, résistant. Ali mdru mme swafi Mdru mshe/personne faible moralement ou physiquement. Ali mdru mshe swafi ! Eroho neke ndume/ que l’âme soit résistante

Dénomination des maisons familiales ou des personnes mariées

Le fait de dénommer les hommes dans la langue comorienne relève de la domination de l’homme sur la femme. L’homme marié porte le nom de la maison familiale, p.ex. Namwende hoha nduza Halifa et non hoha nduza Fatima. Rilapva hoha nduza hadji Abdou et non hoha nduza hadji Zulfa.

L’homme se veut noble et se voit attribuer un titre honorifique. Hitswa-daho.

La femme est renvoyée, quelle que soit sa célébrité, à son rôle d’épouse. Dans la langue comorienne, la femme n’a point conquis encore la considération qui devrait lui revenir de droit dans le milieu social. Cela tient à ce que pendant longtemps, son importance est réduite à des considérations très faibles aussi bien physiquement que moralement. Elle n’est pas habile à diriger, à prêcher, à conseiller et à être source d’inspiration.

Abdou Djohar

Commentaires