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Liberté d’expression I Le délit dette presse, ce chape de plomb qui plane sur les journalistes comoriens

Liberté d’expression I Le délit dette presse, ce chape de plomb qui plane sur les journalistes comoriens

Société | -   Abdou Moustoifa

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Malgré la promulgation début 2022, d’un nouveau code de l’information, les journalistes comoriens risquent à tout moment d’être condamnés à de la peine de prison pour des délits de presse, dont la peine aurait dû, au pire, se résumer à une amende pécuniaire, comme cela se fait ailleurs.

 

Depuis deux mois, une affaire que l’on croyait tous classée a refait surface. Ce procès pour diffamation vise quatre journalistes dont le sort sera connu ce jeudi matin. Abdallah Mzembaba, Andjouza Abouheir, Toufé Maecha et Oubeidillahi Mchangama pourraient être condamnés à de la prison ferme pour avoir relayé des faits d’attouchements et d’agressions sexuelles non prouvés à l’Office de radio et télévision des Comores (Ortc).


Si ce risque de condamnation existe aujourd’hui, pensent de nombreux juristes, c’est surtout parce que les Comores font partie des rares pays qui n’ont pas dépénalisé le délit de presse. Celui-ci se définit comme toute infraction commise par voie de presse ou tout autre moyen de communication de masse. Ailleurs, on tend à le dépénaliser, en rendant la sanction pécuniaire et non pénale. Toutefois, dans le pays, en dépit des appels pour sa disparition, ce délit peut conduire son auteur en prison s’il est reconnu coupable. «Une disposition spéciale pour le délit de presse avait été prévue dans la loi de 1994 sur l’information, mais elle a été abrogée sans la moindre précision dans le code de l’information de 2022», regrette, Mounawar Ibrahim. Ce juriste continue de marteler que le délit de presse est une brèche ouverte pour museler la presse.

 

A l’entendre, en principe l’intention du législateur était de l’encadrer. Toutefois, dans la pratique, il est hélas mis au service des gouvernants et de leurs affilliés.
Et dans l’article 237 du nouveau code pénal, la diffamation commise envers les particuliers par l’un des moyens de diffusion publique, (la presse écrite, la radiodiffusion, la télévision…) est passible d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 150 000 à 300 000francs comoriens ou de l’une de ces peines. Toujours est-il qu’un certain nombre de conditions doit être réuni.

Disparition de la citation directe

Pour sa part, le code de l’information et de communication promulgué en 2022, garantit seulement aux journalistes quelques principes cardinaux comme la protection des sources dans l’article 159. « Nous avons certes milité pour la suppression du délit de presse dans le code, mais il revient au corps de trouver un régulateur franc. Nous devons nous asseoir pour établir les limites à cette liberté», plaide l’ex conseiller du Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa), Kamal’Eddine Saindou. Pour autant, a ajouté l’ancien co-fondateur de Kashkazi, l’emprisonnement d’un journaliste pour un délit de presse est une sanction exagérée, qui casse tout élan visant à aller plus loin dans la liberté de la presse.Dans la région, notamment à Madagascar, le processus de dépénalisation de ce délit a de fortes chances d’aboutir. Un projet de code de communication en étude, prévoit seulement une amende.


Le montant proposé est de 200 000 Francs comoriens (2 millions d’ariary). Un pas qui n’a toujours pas été franchi aux Comores.D’ailleurs, quelques jours après la promulgation du nouveau code de l’information, Me Abdoulabstoi Moudjahidi, avait vigoureusement dénoncé la disparition des garde-fous qui protégeaient le journaliste. « Ce texte ne protège plus nos journalistes contre les intimidations policières, les gardes à vue récurrentes. Au contraire, il signe l’arrêt de mort de la procédure qui obligeait le procureur en cas de délit de presse, de citer le journaliste à comparaitre devant le tribunal correctionnel après lui avoir accordé un délai de 21 jours pour préparer sa défense», alertait l’avocat le 19 janvier 2022.Comme quoi depuis ce jour-là, le journaliste comorien n’est plus protégé juridiquement, même s’il est tenu de livrer des informations vérifiées.

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