La lutte contre la propagation du Coronavirus à Ndzuani a sans doute encore de beaux jours devant elle. Dit en d’autres termes, la traque des gendarmes contre les contrevenants au port du masque et contre les non-vaccinés risque de s’étaler encore dans le temps, au vu des résultats obtenus au fil du temps. Et là se pose la question, d’une part, de l’efficacité de l’action des forces de l’ordre, et d’autre part de l’appropriation de cette lutte par la population elle-même.
Un cercle vicieux
Les habitants de Ndzuani (des grandes villes essentiellement) ont pris l’habitude de jouer au chat et à la souris avec les gendarmes. Plusieurs jours, voire semaines, peuvent s’écouler sans que, dans la rue, personne ne se fasse interpeller pour non port du masque. Et soudain, un matin, ou une après-midi, voilà la maréchaussée qui rafle sans annonce au préalable les passants sans masque. Elle remplit alors plusieurs fois son pick-up de gens non masqués, les déposent à la gendarmerie, les fait débourser 2 500 fc chacun, puis les relâche. Mais comme il faudra attendre plusieurs jours ou semaines avant une autre opération du genre, les gens semblent alors « oublier », puis circulent de nouveau sans protection.
Et voilà comment naît un cercle vicieux. « Moi j’ai été chopée par les gendarmes il y a trois jours dans un taxi, à côté du marché, sans mon masque. Ils m’ont dit de descendre et d’embarquer dans leur voiture à eux pour aller à la gendarmerie. J’ai refusé, leur répliquant que j’éprouverai de la honte. Ils se sont mis en colère et l’un d’eux m’a demandé si je n’étais pas au courant pour le port du masque. Je lui ai répondu qu’ils n’avaient pas non plus averti qu’ils descendraient aujourd’hui… »
Fausse carte de vaccination
Cet échange fébrile entre une restauratrice, habitant au quartier Alliance à Mutsamudu, et des éléments du Pign (Peloton d’intervention de la gendarmerie nationale), la semaine dernière, a heureusement fini en douceur, la dame ayant à la fin seulement écopé d’un avertissement. Mais il en dit long sur l’efficacité des méthodes employées jusqu’ici par les veilleurs de l’ordre.Port du masque, mais aussi, désormais, carte de vaccination. Les jours qui ont suivi la publication du décret présidentiel portant « ouverture des divers rassemblements et incitation à l’atteinte de l’immunité collective », le zèle a été au rendez-vous, du côté des hommes en uniforme, pour « le faire appliquer ». Cela passait par un contrôle des véhicules, une irruption dans les services administratifs, les commerces ou les établissements financiers pour débusquer les contrevenants au passe sanitaire.
L’on a même vu des gendarmes demander leurs cartes de vaccination à de simples passants, dans la rue. Les contrevenants pouvaient être redirigés vers un centre de vaccination, ou être amenés à la gendarmerie. Mais au fil des jours, l’assiduité a laissé place à la lassitude du côté des corps habillés. Et au sein de la population, certaines mauvaises habitudes ont encore la peau dure, comme celle qui consiste à acheter une carte vaccinale au noir, au lieu de se faire vacciner gratuitement. «Tu ne peux pas imaginer le nombre de fausses cartes de vaccination qui circulent ! Moi-même je l’ai, et je connais d’autres personnes qui les ont. Certaines n’ont même pas payé de l’argent, ils les ont juste reçues d’un ami… », nous témoigne un habitant de la médina de Mutsamudu, qui croit malgré tout avoir «déjà eu les symptômes de la Covid-19 ».
Pourtant, la pandémie ne cesse de gagner du terrain. Les chiffres du ministère de la santé le montrent clairement : 615 cas actifs recensés au 31 décembre, 382 cas deux jours avant, et 288 cas actifs la veille, 28 décembre. Soit plus qu’un dédoublement des cas en seulement quatre jours, alors qu’il y a un exactement un mois, le 5 décembre, Ndzuani ne comptait que 3 cas actifs de Covid-19. A cette date-là, le « schéma complet de vaccination » dans l’île était de 24,6 %. Aujourd’hui, un mois plus tard, et après l’ultime campagne d’ « incitation à l’atteinte de l’immunité collective», il est tout juste passé à 25 % (contre 33% pour Ngazidja et Mwali).
Autrement dit, dans l’île, la dernière campagne de vaccination n’a servi qu’à allonger la liste des vaccinés de seulement 1 249 personnes, c’est-à-dire de 0,4 %, faisant passer le nombre total des personnes ayant reçues les deux doses du Sinopharm de 87 242 à 88 491, sur une population cible évaluée à 354 371 personnes. Comme dirait l’autre, il y a encore du pain sur la planche.