Les habitants de la capitale, Moroni, vivent au rythme d’incidents inquiétants provoqués par des individus souffrant de troubles mentaux ou d’addictions. Dans une rue du nord de la ville, se trouve par exemple un fou qui menace parfois de casser voitures et motos à l’aide d’une barre métallique. Au centre, un autre joue le policier qui régule la circulation routière.Ces personnes, souvent livrées à elles-mêmes, errent dans les rues, sur les marchés et dans les places publiques. Plusieurs citoyens disent craindre pour leur sécurité, après avoir été menacés ou agressés. Jadis, l’un d’eux avait même frappé à mort un enfant tenant la main de son père. Face à cette situation, le ministère de l’Intérieur et la direction générale de la police nationale reconnaissent la gravité du phénomène. «Nous sommes bien conscients du problème, qui ne touche pas seulement Moroni mais aussi les autres localités du pays», explique Kaissane Nassif, directeur général de la police et de la sécurité nationale. Selon lui, l’augmentation du nombre de ces cas s’explique par l’absence de structures adaptées et le manque de moyens techniques et matériels pour encadrer ou prendre en charge ces personnes.
«Ces individus devraient être orientés vers des services de soins et de réinsertion, mais nos institutions ne disposent pas encore de tels dispositifs », regrette-t-il. La loi, ajoute-t-il, limite aussi l’action des forces de l’ordre. «Nous ne pouvons pas réprimer une personne qui n’a pas conscience de ses actes. Une infraction suppose un élément légal, matériel et moral. Or, quand la moralité est absente, l’action policière devient compliquée», note-t-il. Le responsable souligne également la difficulté d’identifier ces personnes, souvent sans papiers ni famille connue. «Lorsqu’elles sont arrêtées, il faut souvent contacter leurs proches pour qu’ils viennent les récupérer. Nous ne pouvons pas les maintenir en détention longtemps, car elles ne répondent pas pénalement de leurs actes», poursuit le patron de la police nationale. Malgré ces contraintes, la police assure agir dans la mesure du possible, notamment en procédant à des interpellations et en menant des campagnes de sensibilisation contre la consommation de drogue et d’alcool. « La solution ne peut venir de la police seule. Il faut une action conjointe avec les médecins, les psychologues et les services sociaux », insiste Kaissane Nassif.
Sur le terrain, les témoignages se multiplient. À Mkazi, Salim Abdallah raconte avoir assisté à l’agression d’une femme par un homme souffrant de troubles mentaux. «Il rôdait souvent dans le quartier, une cigarette à la main. Un jour, il a attaqué une jeune femme qui sortait de chez sa mère. Une voisine est intervenue, mais il l’a poussée violemment. Elle s’est blessée au genou et au thorax», témoigne-t-il. À Moroni encore, un autre habitant, résidant à Bangoi Kuni, dit avoir échappé de peu à une agression par un homme ivre. «C’était vers 22 heures, près de la borne-fontaine de Zilmadju. Il m’a bloqué le passage et a voulu me frapper. J’ai pu m’enfuir grâce à un ami», témoigne-t-il. Ces scènes, autrefois isolées, deviennent fréquentes. Entre le manque de structures psychiatriques, l’absence de politiques publiques de prévention et la montée de la consommation de stupéfiants, le pays semble démuni face à un phénomène qui menace autant la sécurité des citoyens que la dignité des malades eux-mêmes.