Samedi 11h à Séléa dans la région de Bambao. Ibrahim Bakar sexagénaire se trouve dans son champ, préoccupé par le funeste sort qui touche la vanille. La journée est ensoleillée. La sueur au front, un bâton lui sert de support, il ne se laisse pas décourager par la chaleur accablante.
Originaire de Séléa, Ibrahim Bakar est président d’une association d’agriculteurs chargée de la vente en groupe de produits agricoles. Il fait état de cette maladie qui ravage la vanille dans sa région. Selon lui, c’est une infection différente de celles que nous connaissions jusqu’ici.
Elle a commencé l’année dernière et ravage presque toutes les lianes, qui une fois piquées, jaunissent et sèchent au fil du temps. Une fois piquée, nous coupons la liane et nous la brûlons pour éviter qu’elle ne transmette la maladie à d’autres dit-il.
Le regard dans le vide, il ajoute “ce champs était plein de vanille”, dit-il montrant une grande étendue autour de nous, “mais l’infection a tout ravagé et il ne reste que quelques plantes ici et là”.
Après avoir découvert la maladie, les cultivateurs de la région ont informé les autorités qui disent chercher des parasitoïdes naturelles.
Lire aussi : Agriculture : Un insecte attaque la vanille et commence à faire des dégâts
“Nous n’accepterons pas des produits chimiques” insiste l’agriculteur. Selon lui, elle touche plusieurs parcelles sous différentes formes. “J’ai plusieurs champs, et avant cette maladie, j’avais des employés, j’arrivais à récolter entre 200 à 250 kilogrammes. Mais vu que la vanille n’avait pas de valeur ces dernières années, je l’avais délaissée et cultivais l’ylang ylang. Avec cette maladie, je ne crois pas atteindre les 100 kilogrammes cette année” dit-il, le regard lointain, surement nostalgique. Il estime que cette année la récolte ne sera pas abondante à cause de cette de la cochenille du vanillier.
Manque d’appui à la recherche agricole
Pour sa part, Youssouf Daoud agriculteur souligne que cette maladie est grave car elle envahit toute la liane. Et les feuilles et les lianes disparaissent. Il dit être “inquiet”, surtout que c’est après la hausse du prix de la vanille que cette maladie intervient.
J’ai trois parcelles de champs, je récolte 40 kilogrammes par an et cette année, si la maladie ne fait pas beaucoup de ravages, je dois récolter plus. J’appelle le gouvernement à vite trouver une solution.
Selon lui, si la maladie prend du terrain c’est surtout à cause de la sécheresse. “Lorsqu’il pleut, l’eau de pluie nettoie les lianes et le ravageur disparait” fait-il savoir.
Pour sa part, le Dr Issa Mze Hassani, entomologiste agro écologue chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, la pêche et l’environnement (Inrape), explique que cette maladie, la cochenille du vanillier, dont l’espèce est la Conchaspis angraeci est une espèce nouvelle pour les Comores. Selon lui, elle a été découverte pour la première fois dans l’océan indien précisément à l’île de la Réunion en 1997.
Il y a à peine un mois, suite à la demande des agriculteurs, on a fait des échantillonnages à Ngazidja et on a découvert la maladie fait savoir le chercheur. Il pique la vanille, suce la sève de la vanille, par la suite la feuille et la liane sèche et au bout de six à douze mois la liane va disparaitre explique l’entomologiste.
Ce sont les régions de Bambao et Hambuwu notamment à Séléa et Hetsa ya Hambuwu qui sont les plus touchées. Hamahame et Mbude spécifiquement à Mandza sont également touchés, mais pas dans toutes les parcelles. La vanille des Comores étant reconnue comme une vanille bio, les responsables ne vont pas utiliser des produits chimiques pour lutter contre cette maladie.
Nous allons chercher des parasitoïdes naturelles pour faire une lutte bio, sinon on va faire des essais avec des huiles essentielles extraites des plantes pour éradiquer cette maladie.
Il indique que cette année les lianes ont donné des fleurs mais il se pourrait que l’année prochaine la liane disparaisse complètement.
Le Dr Issa Mze Hassani, chercheur de l’Inrape déplore le manque d’appui à la recherche.
“Aux Comores la recherche agricole n’a pas sa place, elle n’est pas appuyée du tout. Personnellement, je travaille avec des projets régionaux. L’Etat comorien n’appuie pas la recherche, ce qui gangrène notre travail, nous ne faisons pas du travail sur le terrain, encore moins des analyses. Il est donc impossible de développer le secteur agricole s’il n y a pas d’appui à la recherche liée aux maladies, au développement des cultures, à la diffusion des systèmes culturales et la sensibilisation des agriculteurs, or avec le changement climatique et les invasions biologiques, les choses ont changé on doit vraiment accompagner l’agriculteur et l’agriculture si on veut développer le secteur” pense-il tout haut.