La marche pacifique, initiée par l’Ong Hifadhu, le 09 décembre dernier a, comme un symbole, commencé au Lycée Saïd Mohamed Cheikh de Moroni pour finir au Conseil de l’île de Ngazidja. Deux hauts lieux de l’éducation et de l’Indépendance du pays. Elle a vu la participation des représentants des différentes associations et partenaires de Hifadhu ainsi que de certaines écoles de la capitale.
“Non à la violence”, scandait la centaine d’enfants participant à cette marche. “Actions et prières pour stopper les violences faites aux enfants”, pouvait-on lire sur la banderole des élèves de l’école Les Pouffins. “Mwana tsi mdrumshe wotekeleza shahawa” (l’enfant n’est pas un objet de satisfaction des pulsions sexuelles), brandissaient de leur côté les élèves de Ahli Souna Waldjamaa.
Quant à ceux d’Enoumeco, ils invoquent carrément le “malheur à celui qui frappe ou qui viole un enfant !” Oustadh Kassim, de l’école Enoumeco, s’est confié sur la nécessité d’”encadrer les enfants dès leur jeune âge. Leur faire comprendre la gravité des actes de violence et d’agressions sexuelles, et leur apprendre en même temps à les dénoncer”. À ce propos, un numéro vert (1710), de l’opérateur Telma, a été lancé, et vient ainsi s’ajouter à celui déjà existant de la société Comores Telecom (1760).
2018 : année de l’enfant comorien
Pour rappel, cette campagne massive, menée par Hifadhu et ses associations sœurs (Cap, Fahar & Nour, Mwana Tsiwa Mdzima, Subuti Wambe et Djama), intervient après le constat ces dernières années de la recrudescence, en Union des Comores, des cas de violence à l’égard des enfants. On parle de “192 cas de viols et violences faits aux enfants enregistrés en 2016, contre 165 en 2015”, rien qu’à Ngazidja. La responsable du service d’écoute de Ndzuani, Fatima Bacar, avance le chiffre alarmant de 192 cas recensés dans l’île en 2017.
Elle met l’accent sur 1 cas d’inceste et sur 25 cas de filles mères. “3 petites filles en gestation sont actuellement soumises à des mesures de réintégration. Il ne faudrait pas que ces grossesses prématurées leur enlèvent leur statut d’enfants et les empêchent de poursuivre leur scolarité”, soutient-elle. Fatima Bacar appelle à “mettre fin aux petits arrangements entre familles et à l’impunité”.
Les six Ong citées, face à des chiffres aussi effrayants, entendent faire de 2018 l’”année de l’enfant comorien”. Ensemble elles ont rédigé et signé, le mardi 28 novembre dernier au Jardin de la paix, une déclaration dite “Déclaration de Moroni sur la violence contre les enfants”. Main dans la main, elles œuvrent pour “éradiquer les violences faites aux enfants en Union des Comores”.
Elles sollicitent, pour ce faire, l’appui de l’État dans leurs multiples “actions de sensibilisation, de prévention, et d’accompagnement des victimes”. Mais, par-dessus tout, elles souhaitent “l’application ferme des lois existantes en matière de violences faites aux enfants, notamment la loi Mourad”, souligne Rahamatou Goulam, présidente de Hifadhu. “On ne peut concevoir le développement du pays sans la protection des nos enfants”, renchérit-elle.
La présidente de Hifadhu, Rahamatou Goulam, a salué dans son allocution les efforts des associations sœurs et des différents partenaires de Hifadhu (Unicef, Unfpa, commissariat au Genre, Comores Telecom…), notamment l’Ascobef qui a ouvert une cellule de “prise en charge médicale et psychologique des victimes”.
Elle appelle le gouvernement à intensifier les actions entreprises ces dernières années, et sollicite la “mise en place d’un centre d’hébergement provisoire” pour accueillir les victimes. La “première mère du pays” compte enfin interpeller les leaders religieux, politiques et d’opinions sur cette question, et verser le débat lors des prochaines assises nationales. Cette lutte, dit-elle, “concerne tout le monde”.