Depuis quelques années, un phénomène discret mais révélateur s’est ancré dans les habitudes des marchés comoriens, en particulier au grand marché de Volovolo, la sous-traitance informelle de tâches ménagères autrefois réalisées à la maison. Piler les feuilles de manioc, éplucher les oignons ou encore râper les noix de coco sont désormais devenus de véritables petits métiers pour de nombreux vendeurs et vendeuses.
Autrefois, les ménagères achetaient leurs produits bruts et les préparait à la maison. Aujourd’hui, elles trouvent un soulagement dans ces services qui leur épargnent un temps précieux. Submergées par le travail et les responsabilités familiales, elles sont de plus en plus nombreuses à solliciter ces sous-traitants du quotidien. Achrafi Soili, la trentaine, est devenue une figure incontournable du marché grâce à son service de transformation de noix de coco. «Cela fait trois ans que je suis là. J’ai ramené une machine pour râper la noix de coco, avant les gens le faisaient à la main. Depuis, beaucoup m’ont suivi, mais je suis fier de faciliter la vie des clients», explique-t-il avec fierté. Un peu plus au sud de ce grand marché de la capitale, on retrouve Maman Samira. Femme de plus de cinquante-ans, Maman Samira s’est spécialisée dans l’épluchage des gousses d’ails.
A bon marché
«J’achète mes gousses d’ails la veille, je les laisse tremper, puis je commence à les éplucher dès le matin. C’est devenu mon quotidien», confie-t-elle. Elle estime que cette forme de sous-traitance existait déjà auparavant mais avait perdu de son ampleur, avant de revenir en force ces dernières années. Du côté des clients, c’est le soulagement. Souvent partagées entre le travail et le fait de s’occuper des enfants, les clientes voient en ces « nouveaux services, une grande satisfaction». «Je suis mère de quatre enfants et je travaille aussi. Honnêtement, je n’ai même pas le temps de venir au marché. Quand je peux acheter des produits déjà préparés, cela me soulage énormément», explique l’une d’elles, venue acheter de l’ail avec empressement.
Ce modèle d’emploi, bien qu’informel, permet à bon nombre de familles de subvenir à leurs besoins. Au petit marché, bien que la pratique soit moins répandue, certaines femmes âgées s’y consacrent entièrement. Maman Fateh témoigne : «J’épluche les feuilles de manioc, et mon mari les pile. C’est un travail d’équipe. On fait ce qu’on peut pour gagner notre vie honnêtement». Simama Youssouf, mère de trois enfants et qui travaille dans l’administration, dit être très reconnaissante surtout envers ceux qui pillent les feuilles de manioc. «C’est un grand service qu’ils nous rendent sinon, ça nous serait très compliqués de préparer ce genre de repas en milieu de la semaine. Imaginez une femme comme moi qui travaille tous les jours jusqu’à 14h30, le temps d’arriver à la maison et de vouloir préparer ce type de repas, me serait carrément impossible vu le temps que le pilage prend. J’encourage également ceux qui râpent les noix de coco», apprécie-t-elle, le sourire aux coins des lèvres.
Dans ces activités de sous-traitance, on retrouve également des femmes qui tranchent à la main le chou chinois au marché avant de le vendre. Tout comme certaines se proposent d’éplucher les bananes pour les clients en y ajoutant 1000 francs au prix d’achat. On retrouve également des jeunes engagées dans ce type d’activités de sous-traitance. Que ce soit dans le pilage des feuilles de manioc ou encore, dans le râpage des noix de coco, ces jeunes estiment que «c’est plutôt mieux que de virer dans des futilités». Pour certains, c’est une fierté de trouver de quoi occuper leurs journées.