Il existe autour de Mayotte une dérive politique inquiétante : une tentative persistante de réécrire l’Histoire, alimentée par des responsables pressés de travestir le droit et le destin du peuple comorien. Ils sélectionnent ce qui les arrange, déforment la réalité, prétendent que la question reste ouverte, comme si l’intégrité territoriale des Comores n’avait pas été scellée devant le monde entier en 1975.Continuer d’alimenter ce faux débat, le brandir comme un enjeu encore négociable, constitue une démonstration d’impuissance politique : une énième tentative désespérée de cacher le désastre de la présence française à Mayotte. Car nul ne peut ignorer désormais que Mayotte, séparée de son archipel depuis un demi-siècle, ne connaît ni stabilité institutionnelle, ni prospérité, ni horizon éclairci.En appui de ces tentatives vaporeuses gravitent des voix qui se disent « révolutionnaires », promptes à attaquer les Comores et à alimenter la discorde, mais étrangement silencieuses lorsqu’il s’agit des crises à répétition que subissent les Mahorais. Leur indignation est à géométrie variable, et leur prétendue défense du peuple s’éteint dès que la vérité dérange leurs intérêts.
La réalité est pourtant brutale :sur cette île, des centaines d’enfants sont séparés de leurs parents expulsés, abandonnés à leur sort dans une précarité absolue. Des mineurs errent, sans protection ni avenir, sacrifiés sur l’autel d’une politique qui nie la dignité humaine.Pendant ce temps, on encourage l’exode massif des Mahorais vers la métropole : Mayotte se vide de ses forces vives, de sa jeunesse, de son âme. Une île où l’on ne rêve plus de demain, où le présent n’offre que peur et survie.Mayotte s’inscrit au cœur de l’un des corridors maritimes les plus stratégiques de l’Indo-Pacifique. Pour la France, l’île constitue un ancrage militaire essentiel, une extension de puissance sur l’océan Indien, ainsi qu’un levier européen au travers de son statut de région ultrapériphérique.
À cela s’ajoute un enjeu énergétique majeur : les profondeurs du canal du Mozambique recèlent des gisements d’hydrocarbures prometteurs. Ce potentiel alimente les rivalités et les calculs stratégiques autour du devenir de Mayotte.En 1975, les Comores ont accédé à l’indépendance sur la base du principe d’unité de l’archipel.
Ce choix souverain, reconnu par la communauté internationale, n’a pourtant pas été pleinement respecté. Mayotte en est le témoin et la blessure restée ouverte.
Depuis, le contentieux est devenu un marqueur des relations entre Paris, Moroni et l’ensemble du continent africain. Il rappelle tout de même qu’aucune puissance ne peut durablement faire taire l’Histoire.
Dans les eaux séparant Anjouan de Mayotte, des centaines de vies se sont éteintes dans le silence.
Des enquêtes journalistiques internationales ont révélé que certains naufrages, loin d’être de simples tragédies, seraient liés à des pratiques d’interception agressives, susceptibles d’avoir provoqué la mort de beaucoup de comoriens. Des familles sont brisées dans l’indifférence et la mer, elle, continue de témoigner d’un drame trop souvent dissimulé sous les impératifs sécuritaires. Aucune stratégie durable ne saurait ignorer ces morts.Aucun discours sur la puissance ne saurait prévaloir sur la dignité humaine.Mayotte demeure le dernier dossier de décolonisation inachevée au monde, un dossier qui continue de faire des victimes.La France n’aime pas entendre des pistes de sortie lorsque cela ne vient pas de ses propres cénacles parisiens.
Mais hasardons-nous !
Une sortie par le haut exige d’abord un retour à la responsabilité politique et diplomatique.Le rétablissement d’un dialogue structuré entre la France, les Comores et l’Union africaine permettrait d’aborder le dossier dans un esprit d’apaisement, en reconnaissant qu’une approche progressive, réaliste et respectueuse des équilibres régionaux est la seule voie crédible.Il est tout aussi essentiel d’affronter l’urgence humanitaire.Une coordination opérationnelle en mer, centrée sur le secours et la préservation de la vie, ainsi qu’un engagement de transparence sur les enquêtes relatives aux naufrages, constitueraient un signal fort car la dignité humaine n’est pas négociable.
Dans un second temps, une ambition économique partagée donnerait du sens au rapprochement. La valorisation régionale des ressources marines, énergétiques et portuaires pourrait s’inscrire dans un cadre partenarial incluant la France, les Comores, l’Union européenne et les acteurs africains. Les chanbres de commerce de la région ont beaucoup échangé sur ce sujet. Une telle coopération renforcerait la stabilité de l’ensemble de la région.
Enfin, reconnaître l’unité géographique, historique et culturelle des Comores, tout en construisant un mécanisme d’intégration progressive et ordonnée de Mayotte, permettrait de concilier à la fois les exigences du droit et les aspirations de la population de l’archipel.
La France est aujourd’hui devant un choix historique : celui de prouver que la refondation de son lien avec l’Afrique peut être crédible, sincère et respectueuse.
Mayotte n’est pas un sujet que l’on peut expédier. C’est un test de vérité.Car la manière dont ce dossier sera traité dira, pour longtemps, si la puissance d’une nation se mesure à la force de ses ogives nucléaires…ou à sa fidélité à l’Histoire, à sa capacité à honorer l’humanité.Continuer ainsi à isoler Mayotte de son environnement naturel, c’est continuer à payer des fortunes…sans aucun retour sur investissement.Le comble c’est que Paris connaît l’absurdité de sa position, mais persiste et péche par orgueil colonial.
AHMED ALI AMIR
