Mardi 9 octobre 2018 à Moroni. C’est aux alentours de 9h que nous avons pris la route, direction, le quartier de Magudju précisément dans l’atelier de “fundi” Gachi. D’emblée, nous sommes attirés par le bruit assourdissant des machines. A notre arrivée, un apprenti nous reçoit : “Mon fundi est à l’intérieur, lui seul est habilité à répondre à vos questions”, dira-t-il. A l’intérieur, une seule machine, trois ouvriers dont deux qui s’affairaient aux finitions d’une nouvelle porte.
Nous avons les pires difficultés à faire réagir le responsable de l’atelier. Après insistance, il fini par lâcher : “vous ne cessez de venir nous bassiner vainement”. Par “Vous”, il fait allusion aux journalistes qui viennent prendre les témoignages des artisans “sans que cela change grand-chose à leur réalité”. En jugeant la mine déconfite de “fundi” Gachi, on comprend que la fourniture régulière de l’électricité n’aura pas suffi à apaiser son mécontentement. Il finira par l’avouer. “Nous souhaitons que les pouvoirs publics cessent de s’équiper à l’étranger. Nos produits attendent dans nos menuiseries pendant que les gens se fournissent en Tanzanie, à Dubaï des mêmes œuvres prétextant que les nôtres sont chères”. Excédé par notre insistance, notre interlocuteur finira par nous indiquer la porte. Direction, quartier de Hadudja vers une autre menuiserie. Nous y trouvons deux menuisiers. Un troisième devait rappliquer depuis l’épicerie d’à côté.
Forte hausse, meilleure qualité…
Mouhtar Mohamed soutient que la fourniture régulière du courant a eu un impact “considérable sur ses activités”. “Les années précédentes, il nous était difficile de travailler à cause des coupures du courant. On pouvait fabriquer tout au plus une seule porte ou un seul lit en trois jours. Ce problème est enfin résolu. Actuellement, on peut même fabriquer deux à trois lits ou portes en une journée. Nous remercions le gouvernement en place qui a rendu cela possible”, dira Mouhtar Mohamed qui refusera, cependant, de commenter l’impact financier de la fourniture régulière du courant. Il reviendra volontiers sur l’argument selon lequel, “les Comoriens préfèrent dépenser une fortune pour se rendre dans les pays étrangers pour y faire leurs emplettes prétextant que nos produits sont hors de portée. Nos œuvres sont peut-être plus chers mais il faut prendre en compte la cherté de l’électricité, les impôts, etc.”. Sans compter, autre argument, toujours selon notre fundi, que les produits fabriqués localement seraient “de loin d’une bien meilleure qualité puisque ailleurs, on utilise du bois moins fiable”. Mouhtar Mohamed qui tient cette menuiserie depuis deux ans explique que le travail commence de 7 h jusqu’à 18 h soit douze heure de temps quotidiennement et soixante douze heures par semaine. “Il nous arrive d’être là jusqu’à tard dans la nuit”, révélera notre source.
Comme outils de travail, on peut voir une raboteuse, une toupie, une scie à ruban qui fonctionnent, tous, à l’électricité. Ici, on fabrique des chaises, des portes, des placards, des tables, des lits, des canapés. Plusieurs d’entre eux sont finis et rangés et attendent que les clients viennent les récupérer. Qu’en est-il de la matière première à savoir le bois? “Nous achetons le bois à Kandzile, Nyumamilima ya Mbadjini, Djumwashongo, et Mvuni”, nous dit-il. De manière générale, il n’y aurait pas de prix standards. “Ils dépendent de la demande du client”, précise-t-il. C’est ainsi qu’un lit de deux places peut coûter 100.000 Kmf et 200.000 kmf pour trois places. Installé à côté de la station Mouzdalifa, Soilihi Mohamed est sculpteur depuis sept ans. Ici, on trouve que le rétablissement de la fourniture électrique a donné un nouvel élan aux activités des menuisiers bien que son travail de sculpteur ne demande pas nécessairement du courant.” Je sculpte les portes avec des ciseaux à bois, compas à calibrer, équerre et un marteau”. La régularité du courant est du pain béni pour lui dans la mesure où, les menuisiers font de plus en plus appel à lui pour, par exemple, un travail de rabotage.
Le lendemain soit mercredi 10 octobre 2018, dans l’après-midi, nous prenons la route du quartier Zilimadju à la rencontre de Soudjay Ahamada. Intense activité dans l’atelier. Il faut dire que pas moins de sept menuisiers y sont à l’oeuvre entre 6 h à 15 h pour les apprentis, et jusqu’à 17 h pour le fundi. A coté des “bienfaits” du retour de l’électricité, il déplorera des factures “salées” et “un Etat qui ne cesse de réclamer des patentes sans aucun effort consenti de sa part pour améliorer notre quotidien”. Comme ses homologues, il reviendra sur l’”affaire” des meubles achetés à l’etranger.
Oiseau rare,même si…
“Pire, l’Etat autorise également les citoyens à faire comme lui en se procurant les meubles à l’étranger. L’on se demande qui va acheter les nôtres ne serait-ce que pour nous permettre d’avoir les moyens de payer les patentes”, s’interroge Soudjay Ahamada. A ce propos, il estime qu’on leur demande plus qu’ils ne gagnent, ce qui les pousserait à vendre leurs produits encore plus chers. “Nous devons régler la facture d’électricité, payer le loyer, la patente, nourrir la famille, le tout avec toujours moins de clients. On se trouve dans l’obligation de vendre nos produits chers pour satisfaire toutes ces obligations”. Conséquence, le client, chez certaines menuiserie est devenu, de plus en plus, l’oiseau rare, d’autres “croulent sous les commandes, en rejettent certaines”. Mais dans ces cas là, le client a du mettre le prix.
Faïdat Moissi, stagiaire
(avec Mohamed Youssouf)