Hachemi Ben Abdou Hassane (étudiant au Sénégal)
Priorité au quotidien de tous les jours
“Je suis convaincu par la pertinence d’une telle initiative qui consiste, rappelons-le, à faire le bilan de nos 42 ans d’indépendance. C’est un moyen efficace pour nous situer par rapport aux besoins de la population et de nous projeter dans l’avenir afin d’éviter les erreurs commises dans le passé.
S’agissant d’assises qui interviennent à un moment où l’on parle de plus en plus du développement du pays, sachant que les organisateurs cherchent à s’assurer du caractère inclusif, notamment la présence des partis politiques et de la société civile, l’initiative ne peut que présenter des perspectives de changement de notre pays.
L’émergence, c’est d’abord le problème de la faim, de l’insécurité et de la santé sans oublier les infrastructures routières, vu la recrudescence des accidents sur la route, ou encore l’éducation. A mon avis, au lieu d’un tribunal pour juger, les assises devraient plutôt faciliter la politique de l’émergence. Outre l’amélioration du quotidien des Comoriens, l’autre priorité pour moi, c’est la question de Mayotte.
En 42 ans, excepté les discours, nous n’avons enregistré aucun résultat. Qu’a-t-on fait et que faut-il faire pour ramener Mayotte dans son giron naturel ? Autre chose, de loin, nous entendons les interventions des uns et des autres concernant la tournante. Il s’agit d’un point très sensible qu’il faudrait aborder avec les plus grandes précautions. Je me réserve le droit de ne pas donner mon point de vue sur cette question.”
Nazzar Salim (diplômé en tourisme et hôtellerie, chômeur)
L’emploi des jeunes avant tout
“Les assises ? Je suis diplômé depuis 2012 et je me retrouve au chômage depuis 2013. Jusqu’à présent, je n’ai rien vu venir raison pour laquelle, si on me dit que ces assises peuvent changer la donne, je n’y vois pas d’inconvénient. Au contraire, il s’agit d’une initiative que le pays n’a jamais connue. Il faudrait au moins l’expérimenter avant de commenter les résultats mais je ne comprends pas ceux qui les rejettent avant même qu’elles aient lieu.
Il s’agit d’une opportunité que nous ne devons pas juger avant d’avoir eu les résultats. Selon ma compréhension, les assises ne sont à l’avantage ni du gouvernement ni de l’opposition. C’est une voie que les autres pays ont suivi à l’image de l’île Maurice pour amorcer leur développement. Sans les assises, est-ce que les choses sont différentes ?
Pour moi la priorité reste indiscutablement la lutte contre le chômage des jeunes en particulier. Chaque année, des étudiants finissent leurs études à l’Université des Comores comme dans les autres pays qui accueillent les Comoriens.
Les vraies assises, la vraie émergence, ce ne sont pas les hôpitaux, les routes et autres réalisations qui ne serviraient à rien sans une population vivante. Il faut donc mettre l’accent sur le chômage. Ce n’est pas du tout normal de trouver des jeunes diplômés depuis six ans mais qui vivent toujours aux crochets de leurs familles en 2018. Tous les jours, on nous parle des aides saoudiennes, mais au lieu de nous verser des milliards, les Saoudiens ne peuvent pas venir avec des usines pour créer des emplois ?”
Mohamed Djaouhar (taximan)
La priorité est ailleurs
“Je le dis clairement, ces assises ne m’inspirent rien de probant parce qu’à la base, on nous assurait un caractère inclusif et au final nous constatons que plusieurs corps de métiers sont absents. L’idée en soi n’est pas mauvaise, mais comment on peut croire à la bonne foi du régime alors que la Cour constitutionnelle est tout simplement supprimée.
Les actes diffèrent des paroles et le désespoir a pris le dessus sur tous les autres sentiments. Aux Comores, le plus grand fléau, c’est la faim. Les familles se réveillent le matin sans aucune piste pour garantir le repas des enfants. Ces derniers vont à l’école sans rien manger, y retourne l’après-midi avec les mêmes conditions. Je suis taximan et je ne peux pas vous dire combien de fois, des jeunes filles pleurent de faim devant moi.
Les délinquants sexuels ont trouvé leur terrain de chasse et s’en donnent à cœur joie. Je prends l’exemple de mes propres enfants, s’ils mangent à leur faim, ils ne me posent aucun problème. Les gens galèrent pour manger une fois par jour alors qu’ailleurs, manger trois fois par jour est une obligation.
Tout ce que vous pouvez construire, bâtiments, infrastructures ne serviront à rien si la population vit avec le désespoir. Quand je vois un ministre ou un député qui accepte de payer 4000 francs pour un kilo d’oignon, je me dis que je n’attends rien de particulier pour ces assises. Ils devraient au préalable jeter un œil sur le quotidien des Comoriens avant de s’intéresser sur ce qui va advenir dans le futur.”
Kassuda Mirhane (femme au foyer)
Pas touche à la tournante
“Je dois dire que j’entends le bruit autour des assises mais en réalité, je ne me suis pas suffisamment intéressée aux débats. A en croire les réactions de certains, ces assises prennent l’allure d’un tribunal or, les pilleurs de ce pays sont innombrables et certains ont fait la prison. Ce n’est pas pour cela qu’ils n’ont pas récidivé en cas d’opportunité et d’ailleurs généralement ils sortent de prison au bout de deux ans.
Il faudrait plutôt faire en sorte que les gestionnaires ne puissent pas commettre ces forfaits au lieu de chercher à les emprisonner. Quant aux assises proprement-dites, l’idée de faire un bilan est salutaire du moment où, le régime en place ne cherche pas à supprimer la tournante et à prolonger le mandat du président.
A vrai dire, que ce soit Azali Assoumani ou un autre, le plus important c’est de créer des emplois pour nos maris et nos enfants. Si le gouvernement n’est pas en mesure de le faire, qu’il ramène des multinationales capables d’embaucher les Comoriens.
Pour le moment, force est de constater qu’aucun projet d’envergure ne porte sur l’emploi et ceux qui ont la chance de travailler, le font avec des salaires indécents. Je reconnais que tout le monde ne peut pas être embauché par le gouvernement, mais plusieurs Comoriens s’adonnent aux métiers artisanaux. Le gouvernement devrait les accompagner.”
Ibrahim Ali Bouja (agent de sécurité)
Que l’opposition soit présente
“42 ans après l’indépendance, le pays est toujours dans la léthargie. On a qu’à regarder l’état actuel du pays pour s’en convaincre de la nécessité d’organiser ces assises. Pour moi, le changement c’est lorsque nous aurons une justice fiable et indépendante, une éducation renforcée et réformée et une santé de qualité.
Si les recommandations des assises arrivent à prendre en compte ces secteurs et que le régime s’y met pour trouver des solutions, on peut alors parler de développement. Quant à l’opposition, je tiens à lui dire que c’est en étant sur place qu’elle peut manifester son refus concernant les points qu’elle rejette.”