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Migrants Comoriens en Libye : De retour chez eux

Migrants Comoriens en Libye : De retour chez eux

Société | -   Faïza Soulé Youssouf

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Ils sont arrivés. Hier, nous titrions avec précaution, “la fin de calvaire des 86 migrants comoriens ?”, tant la date d’arrivée des comoriens qui se trouvaient dans des centres de rétention en Libye changeait. Ils sont finalement arrivés hier à l’aube vers 04h du matin. Deux étaient gravement malades et ont été évacués à l’hôpital. Un mineur se trouvait parmi les 89 migrants, qui voulaient rejoindre l’Europe à partir de la Libye. Un cadre du ministère de l’Intérieur a indiqué “qu’un comorien avait réussi à prendre la fuite, là- bas, au pays de Kaddafi”.

 

L’Aéroport international Moroni prince Saïd Ibrahim (Aimpsi) était déjà pris d’assaut par une cinquantaine de personnes lorsque nous sommes arrivés sur place, aux environs de 22 heures.  Des éléments des forces de l’ordre, des médecins, des agents de la Sécurité civile, du Croissant rouge ; mais, plus marquant, une bonne vingtaine de familles confuses, interloquées, s’y trouvaient.

Dans l’allée, des bus de l’armée nationale, six au total, et des ambulances du Croissant rouge, de la Sécurité civile, et de la Santé militaire. Ce qui n’était jusque là qu’une rumeur, de plus en plus consistante, prenait une certaine ampleur.

Le gouvernement aura pourtant, toute la journée du mercredi, essayé par tous les moyens de canaliser l’information, refusant de confirmer l’arrivée, tant attendue, des ressortissants comoriens recensés depuis déjà un mois dans des centres de rétention en Libye, ou de donner une information, quelle qu’elle soit, sur leurs identités ou leurs villes d’origines.

Malgré tout, il n’aura pas réussi à enlever ce maigre espoir qui pousse un parent – femme, homme, enfant – à investir, des 1 heure du matin, le mardi, l’aéroport international, en dépit des incertitudes.


Beaucoup d’argent

Ces femmes, ces hommes, ces enfants étaient assis de part et d’autres, certains étendus à même le sol, épuisés mais pas résignés, à l’écoute des miettes d’informations que quelqu’un, n’importe qui, voudra bien leur donner. Personne, bien sûr, ne viendra. Du moins, aucun officiel.

Alors que nous sondions les familles, revêtus des gilets des agents de l’Aimpsi, qui ne nous auront finalement servis à rien, deux voix nous interpellent. “Savez-vous à quelle heure atterrit l’avion ?”, demande une dame dans la force de l’âge, un bébé entres les mains. “Vers 01 heure du matin”, lui répondrons-nous, sans conviction. Il était, à ce moment-là, 23 heures.

La dame, accompagnée de son mari, vient du Mbwankuwu. Ils sont là depuis 9 heures du matin. “C’est la deuxième fois que nous venons. Nous étions déjà ici le 7 décembre”, dit le monsieur. Comme la plupart des personnes présentes la nuit du mercredi au jeudi à l’aéroport, ils ne savent pas si leur enfant fait partie du contingent de migrants comoriens attendus. Mais ils espèrent.


Prêts à repartir

Une autre femme, Moinaecha, issue du Mbwankuwu, espère elle aussi que ses deux enfants se trouvent dans l’avion. Une jeune femme de 19 ans, et un jeune homme de 20 ans. Celui-ci, dira-t-elle “donnait rarement de ses nouvelles. Nous savons qu’il se trouvait en Libye sans plus de détails. Il a quitté le pays en 2015, est parti à Dar es Salaam, ensuite Nairobi, de là il ira au Niger, puis atterrira en Libye”. Elle reprendra : “c’est mon fils parce que je l’ai élevé mais sa mère est morte. La vie était dure donc il est parti”.

Combien de francs ce périple a-t-il coûté ? Elle nous regardera et dans un profond soupir, répondra : “beaucoup”. Combien ? “Seuls ceux qui sont là-bas (France, ndlr) pourront le dire”.
Et votre fille alors ? “Nous avions plus de nouvelles d’elle, elle nous appelait de temps à autre. Elle ne nous faisait pas part d’une quelconque violence”. Elle s’arrêtera avant de se reprendre : “elle se plaignait mais seulement de la qualité de la nourriture, seulement cela”. En espérant que ce ne “soit juste que cela”, de la nourriture de mauvaise qualité et aucune atrocité.

 

 

 

Vers 23 heures 15, les médecins se réunissent pour répartir les tâches. Cinq colonnes composées chacune d’un médecin sont prévues. C’est la seule information notable que nous réussirons à avoir cette nuit-là. L’autorité aéroportuaire viendra annoncer à la presse qu’elle n’est pas autorisée à couvrir l’événement, sans plus de précisions, si ce n’est celle-ci : “ordre venu d’en haut”.

Nous attendrons dehors l’arrivée du charter affrété par l’Organisation internationale pour les migrations (Oim), qui n’interviendra que vers 4 heures du matin. Dès son atterrissage, les familles, inquiètes, se précipiteront pour essayer de distinguer, de loin, un proche, ce qui était chose impossible. 89 migrants comoriens en provenance de Libye descendront du charter.

Parmi eux, un mineur. Ils seront pris en charge dès leur descente par les services de santé. Deux personnes seront évacuées à l’hôpital.
Un cadre du ministère de l’Intérieur a indiqué “qu’un comorien avait réussi à prendre la fuite, là bas, au pays de Kaddafi” et ne fait donc pas partie des 89 hommes et femmes arrivés hier.

Les autres qui étaient en bonne santé physique ont été directement acheminés dans leurs villages et remis à leurs familles.
Peu après l’atterrissage, une femme  travaillant à l’aéroport en pleurs surgit de la piste. Un de ses collègues dira simplement que “certains, à la vue des migrants ont craqué. Tel cet homme, qui n’avait que la peau sur les os, qui avait du mal à marcher, il faisait peur, son visage faisait peur, on avait l’impression de voir ses entrailles (marumbo)”.

Plus tard dans la journée d’hier, Al-watwan a joint Moinaecha, pour lui demander si ses enfants étaient arrivés. Elle répondra : “oui, ils sont arrivés mais quand l’appel (du voyage) retentira, ils repartiront”.


Fsy et Dsd

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