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Mohamed Abdou Mhadjou, directeur général de l’Ortc I «Nous voulons retrouver la confiance des Comoriens de la diaspora»

Mohamed Abdou Mhadjou, directeur général de l’Ortc I «Nous voulons retrouver la confiance des Comoriens de la diaspora»

Société | -   Abdallah Mzembaba

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Depuis sa nomination à la tête de l’Office de la radiotélévision des Comores (Ortc) le 14 septembre 2021, Mohamed Abdou Mhadjou a dû faire face à certaines crises et surmonter certains défis. À l’approche de son premier anniversaire en tant que patron de l’Ortc, Al-watwan lui a accordé une interview où l’intéressé revient, entre autres, sur la gestion de son personnel, les avancées techniques de la boîte, la ligne éditoriale, les projets qu’ils comptent mettre en œuvre, mais aussi sur les difficultés financières auxquelles il doit faire face.

 

Presque un an après votre nomination, quel constat avez-vous établi à la tête de l’Office ?


On avait plusieurs objectifs pour cette année 2022 dont le renforcement des capacités du personnel. Et sur ce niveau, nous y sommes parvenus à hauteur de 70%. Le personnel a bénéficié de plusieurs formations aussi bien ici avec des experts internationaux qu’à l’étranger. Ce sont des partenariats avec l’Union européenne et la France. On a revu notre cadre organique et on a installé un centre de formation des agents. S’agissant de la radio et de la télé, nous sommes maintenant en mesure de dire que nous couvrons la majeure partie du territoire et c’était là aussi un objectif que nous avions. Cela faisait plus de 15 ans, soit depuis Hamada Madi Boléro, que l’île de Mwali ne captait pas la radio nationale. Aujourd’hui, elle est couverte à 80% au niveau de la radio.

 À Ngazidja, on avance très bien et fin de cette année, on installera un émetteur à Funga pour couvrir les régions de Mitsamihuli et Mbude qui sont quasiment les seules régions non-couvertes par notre radio. Pour ce qui est de Ndzuani, nous sommes à 60% de couverture. Quant à la télévision, nous pensons que plus de 80% du territoire sera couvert d’ici fin 2023. Il s’agit là de la TNT, de notre premier partenaire, la République populaire de Chine. Pour revenir à Mwali, il n’y a jamais eu de voiture mise à la disposition de l’équipe sur place depuis Bolero, aujourd’hui, ils en ont une. Ce mois-ci, nous inaugurerons un plateau pour le journal télévisé. Ce dernier est financé par nos propres fonds et monté par Nextez. On a formé nos agents puisqu’on devra changer de système, mais ils sont déjà prêts. Sur l’aspect financier, l’Ortc empruntait de l’argent auprès des banques pour payer les agents qui ne dépendent pas de la subvention de l’État.

 Il y avait aussi des prêts impayés auprès des particuliers et de l’Anrtic, nous les avons tous liquidés. Il y avait aussi le souci de la masse salariale. Je me suis toujours demandé, pourquoi le budget de fonctionnement de l’Ortc est celui de l’ancienne Radio Comores. La masse salariale est de 36 millions par mois alors que la ligne budgétaire est de 18 millions par semestre. On a engagé des négociations avec les autorités pour aboutir à 36 millions par mois grâce à la nouvelle ligne budgétaire issue de la loi rectificative. Néanmoins, il y a encore des agents qui dépendent de nos recettes internes pour être payés et cela nécessite 5 millions de francs par mois. Les difficultés sont omniprésentes, mais les engagements de l’État sont aussi à louer.

On sait que l’établissement fait face à d’immenses défis structurels et organisationnels. Mais par où commencer dans un premier temps pour permettre à l’Office de renouer avec la qualité de ses services ? Dans ce sens, jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas de statut encadrant le personnel de l’Ortc.


Je vais d’abord commencer par le statut. La principale difficulté sur ce sujet, ce sont les salaires. Les indices posent d’énormes problèmes, mais il y a des négociations qui sont en cours pour que l’on puisse obtenir quelque chose qui soit en adéquation avec notre propre réalité et la réalité du pays. Dans le même temps, on essaie d’avoir un statut interne pour résoudre les nombreux problèmes auxquels nous faisons face et gérer au mieux notre travail dans le respect des textes et de chacun. Sur un autre registre, nous avons négocié avec le groupe Thema qui gère l’image de l’Ortc, pour avoir plusieurs chaînes. Partir sur la chaîne classique, une sur la culture et une autre Arabe. Sur le long terme et quand les conditions le permettront, nous comptons mettre une chaîne d’informations continues, seulement ça dépend de plusieurs facteurs. Mais c’est en étude. Il faut des idées avant les moyens. 

Il y a un personnel pléthorique avec une production faible. Qu’est-ce qui explique ce paradoxe et comment comptez-vous y remédier ?

Il faut d’abord stopper le recrutement fantaisiste. J’aurais aimé recruter des gens, mais je ne peux pas. Mon prédécesseur a signé 80 décisions de recrutement à la veille de son départ. Ceux qui sont là doivent comprendre que s’ils ne travaillent pas correctement, on ne pourra pas les défendre, d’autant que nous devons adapter notre personnel avec notre réalité et nos objectifs. Nous avons des gens qui font une semaine entière sans venir travailler. Évidemment, avec ces gens, il faut passer à l’action et cela se traduit par des avertissements, des retenues de salaires et si le comportement ne change pas, les licencier. Nous sommes dans le dilemme de respecter les textes, parce que l’objectif n’est pas de licencier, mais de rentabiliser la boîte et le métier.

On me reproche comme vous dites d’avoir recruté des gens, mais la seule personne que j’ai embauchée, c’est mon chauffeur personnel puisque ceux de la boîte servaient déjà dans d’autres services. L’autre personne recrutée depuis que je suis là, c’est Ali Djaé et ce n’est pas ma décision, mais celle du ministre de l’Intérieur. Il y a des agents appelés « les rebelles » et ces derniers ont été recrutés par mon prédécesseur. Les agents en question, 57 en tout, ne sont pas payés sur la base de la subvention de l’État comme leurs 370 autres collègues, mais sur la base de nos recettes internes. Comme vous le voyez, je ne suis pas à l’origine de l’asphyxie financière dans laquelle se trouve l’Ortc. Notre antenne radio de Ndzuani par exemple était comme une radio indépendante, nous avons réglé ce problème. Ils avaient 170 agents dont six femmes de ménage pour deux salles. On était obligé de licencier certains. Ici, il y a plusieurs chefs et cela inclut des indemnités, on a dû revoir notre cadre organique également.

Il se pose un problème de démotivation du personnel à cause notamment des salaires misérables des agents. Que comptez-vous faire pour améliorer les conditions de vie et de travail des agents ?


Comme je l’ai dit plus haut, la loi rectificative nous accorde désormais 36 millions de francs par mois, mais il n’y aura pas de répercussion au niveau des salaires. Cependant, je me prépare pour la loi de finances 2023 pour avoir une augmentation. On a besoin de spécialistes audio-visuel dans cette boîte, mais nous n’avons pas les moyens de les recruter. Le salaire de chaque agent licencié sert à augmenter, même si ce n’est pas beaucoup, le salaire de ceux qui sont toujours dans la boite. Même chose pour ceux qui partent à la retraite. Pour les conditions de travail, particulièrement au niveau des transports, c’est ma voiture personnelle qui assure le ramassage des agents et transporte ceux qui vont sur le terrain pour les reportages. Nous avons 37 millions de crédits sur la ligne d’investissement par trimestre.

Nous espérons que le ministre des Finances nous aidera à obtenir cet argent et si c’est le cas, cela aura des répercussions sur les agents. Je rappelle que nous avions mené des discussions avec un concessionnaire ici pour l’achat de bus. Le précédent ministre des Finances nous avait donné son accord, mais depuis, il a été remercié. Avec son successeur, nous essayons de finaliser ce projet parce que sans cela, c’est quasi impossible d’acheter une voiture avec nos propres fonds.Je tiens à souligner que nous avons un groupe électrogène offert par les Chinois et nous devons l’utiliser lors des journaux télévisés et de la matinale, et ce, même quand il y a du courant de la Sonelec. Le groupe en question nécessite 40 litres par heure. Les autorités doivent nous accompagner davantage, parce qu’il s’agit de la télé nationale. 

Quels sont les nouveaux produits à mettre en place à court et à moyen terme pour fidéliser et accroître l'audience ? La ligne éditoriale est pointée du doigt par les journalistes et vous n’hésitez pas à écarter certaines personnes. D’ailleurs, l’un des meilleurs éléments de la maison est écarté des JT, que lui reprochez-vous ? Pourquoi cette décision ?

Plusieurs membres de la diaspora se sont désabonnés de l’Ortc. Les gens doivent comprendre que nous n’avons pas une télé internationale, mais nationale, même si elle est vue à l’étranger. D’où l’intérêt de discuter avec les membres de la diaspora pour renouer avec eux et regagner leur confiance. Nous allons, dans ce sens, installer une unité de production à Paris, à Marseille, à Lyon et à Nice pour voir ce qui se passe là-bas, accompagner les Comoriens dans leur quotidien et montrer ce qu’ils font. Nous allons également renforcer l’unité de production ici dans la maison mère. Ceux qui regardent notre télé veulent voir ce qui se passe dans nos localités et pas seulement à Moroni. L’idée est que l’unité de production soit autonome. 

Une équipe sera sur le terrain ce mois-ci pour décrire la réalité des Comoriens. Il ne faut pas uniquement parler de politique. Plus de 400 000 clients potentiels sont en France et avec eux, nous gagnons 1,050 € par abonnement. Cette manne, si on arrive à l’obtenir, renforcera notre travail. Néanmoins, il faudra aller d’une stratégie à une autre pour arriver à nos fins. Et pour le moment, avec les clients qu’il nous reste, nous prenons cet argent pour payer les agents dont je vous ai parlé. Pour ce qui est de mes décisions, je rappelle qu’on ne recrute pas des présentateurs télé, mais des journalistes. Par conséquent, nous utiliserons nos agents là où le besoin existe. Je tiens également à souligner qu’ici certaines personnes ne veulent pas que la relève émerge. Tout ce que je peux dire, c’est que mes agents ne doivent pas mélanger politiques et travail.

Pour la première fois de son histoire, le pays a pris part à une Coupe d’Afrique des Nations. Avant l’événement, vous avez vous-même annoncé que la compétition sera diffusée dans vos antennes. Pourtant, l’Ortc a brillé par son absence. Comment expliquez-vous tout ça et pourquoi les Comoriens n’ont pas eu droit à des explications de votre part ?

Je me suis expliqué dans une de nos émissions de la matinale quelque temps après cet échec. Je rappelle que j’ai effectué un voyage au Cameroun pour un atelier sur les droits de diffusion et les méthodes de capitalisation afin que la Can soit rentable pour nos télés. Je suis revenu, mené des discussions et le Conseil des ministres a fini par valider la diffusion de la Can contre un chèque de 130 millions de francs comoriens. On m’a officiellement signifié que l’argent ne sera pas un problème. J’ai contacté la Caf qui nous a indiqué comment verser l’argent, seulement ce n’était pas à nous de le faire, mais au gouvernement. Sur tout ce qui est technique, nous étions prêts, mais à la fin le ministère des Finances n’a pas versé l’argent. Ce n’est pas à moi de m’expliquer parce que j’avais assuré le relais et nous étions prêts techniquement. S’il y a des explications, c’est au ministre des Finances et celui de l’Intérieur de les donner. Nous ne sommes que des techniciens. 

 

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