Le porte-parole de Beit-Salam a invité cinq médias de la place, samedi 10 août à la présidence de la République, pour aborder deux principaux sujets : la nomination du nouveau gouvernement et les futures élections législatives et communales. Mohamed Issimaila justifiera d’abord le choix d’une nouvelle équipe gouvernementale, constituée de jeunes, par «le besoin assumé» de rajeunissement de la classe dirigeante, estimant que cela «marque un pas ambitieux » vers la préparation inéluctable de la relève politique dans le pays.
«Une culture de la relève»
«Il y a une volonté de préparer de nouveaux dirigeants, et de donner un nouveau cap à la gouvernance en confiant des responsabilités à des jeunes et la gestion du pays à une nouvelle génération de politiques pour insuffler une dynamique nouvelle», a résumé l’ancien enseignant de philosophie, ajoutant que «ce gouvernement est le reflet des ambitions du président» qui souhaite, selon lui,« instaurer une culture de la relève» d’abord dans la haute superstructure avant que cela se généralise ensuite dans les autres services et qu’elle devienne enfin la règle dans toutes les entités de l’Etat.
S’agissant du deuxième sujet évoqué en préliminaire, l’ancien ministre de l’Education a sonné haut et fort l’implication de l’opposition, qui doit, selon lui, retrouver sa place dans le processus de préparation et d’organisation des futures échéances électorales. A l’entendre, l’opposition a un choix à faire : participer aux élections ou subir le processus qui doit inévitablement être engagé « quoi qu’il arrive » pour que le pays soit en bon ordre avec les délais constitutionnels.
«La politique de la chaise vide ne rend service à personne car, de toute façon, et quoi qu’il arrive, ces élections doivent se tenir, le pays a des rendez-vous électoraux à honorer, ceux qui bouderont le processus électoral ne peuvent pas bloquer la machine et empêcher la tenue des élections mais l’idéal serait que tout le monde prenne part aux discussions pour éviter le fait accompli et parer à d’éventuelles contestations futures», a souligné Mohamed Issimaila pour qui «personne, du pouvoir ou de l’opposition, ne peut empêcher l’organisation des futurs scrutins car cela reviendrait à remettre en cause, voire à renier nos grands principes démocratiques et compromettre nos rendez-vous électoraux».
Après dix minutes d’explications, le porte-parole de Beit-Salam a eu à répondre à diverses questions plus particulièrement celle relative au décret N°24-107/Pr portant sur la « refonte » du Secrétariat général du gouvernement qui a suscité des incompréhensions et souvent des controverses dans de nombreux milieux du pays. Il a d’abord appelé à dépassionner le débat et à «analyser avec objectivité» le décret, estimant «qu’il n’y a rien de nouveau dans le fond du texte, comparé à celui de 2014 ». Le décret en question avait fait l’objet d’intenses travaux engagés quelques jours après la nomination du gouvernement, début juillet.
Un décret préparé au début du mois de juillet
Mohamed Issimaila fera ainsi savoir qu’entre «le fond et la fonction matérielle» du secrétariat général du gouvernement «il y a une organisation matérielle de la fonction et non un changement de fond dans sa nature propre. Il n’y a pas de nouveautés, il y a seulement des pôles et d’autres nouveaux services qui sont créés comme le département de la communication» pour faciliter, selon lui, la coordination des activités du gouvernement dans le cadre de l’animation, du pilotage et du contrôle des actions de l’Etat et l’ensemble de ses démembrements.
«Mais, dites-moi, qu’est ce qui a changé ? Ce sont les mêmes compétences techniques, les mêmes missions exercées par Nourdine Bourhane sous Sambi et Saïd Mohamed sous Ikililou. Et cela n’a jamais suscité des remous», a-t-il expliqué. «Il y a eu seulement une réorganisation matérielle du secrétariat avec l’introduction de pôles et services pour servir de catalyseur dans le pilotage stratégique de l’action du gouvernement, garantir efficacement la cohérence des décisions à tous les niveaux et assurer durablement la mise en conformité de tous les actes administratifs des toutes les autorités de l’Union et des îles», a ajouté l’ancien ministre qui a appelé à ne pas personnaliser le débat «en jugeant les gens en fonction de leurs liens de parenté».
Au sujet des visas du secrétaire général du gouvernement sur les décisions des chefs des exécutifs élus des îles, notre interlocuteur juge « un argument infondé », précisant que le décret prévoit seulement «un contrôle de légalité et non un pouvoir d’opportunité». Autrement dit, le secrétaire général n’a aucun pouvoir d’influence sur les décisions que souhaiteraient prendre les gouverneurs des îles, ni une compétence pour leur imposer sa volonté. Il s’agit, selon Mohamed Issimaila, d’une tâche purement technique qui consiste à s’assurer de la conformité des actes pris par les entités insulaires. Le conférencier insistera encore une fois que le secrétaire général a le devoir réglementaire de vérifier si toutes les décisions sont conformes au cadre normatif et à l’ordonnancement juridique du pays avant de procéder à leur enregistrement dans le Journal officiel.
Un juriste contacté affirme, dans ce cas précis, en ces termes : «En France, les mairies, les conseils régionaux et les départements sont des collectivités locales élues, des maires élus, des présidents des conseils régionaux élus et des conseils départementaux élus avec des administrations propres et une autonomie de gestion mais tous leurs actes administratifs sont soumis à un contrôle de légalité par le pouvoir central via un service logé au bureau du premier ministre qui agit par délégation. Il s’agit en fait d’une mise en conformité des actes administratifs qu’ils prennent et non d’une mise sous tutelle des décisions qu’ils souhaiteront prendre».
Un rôle administratif et des tâches techniques
Et Mohamed Issimaila d’ajouter : «faire croire que le visa du secrétaire général est synonyme de pouvoir hiérarchique sur les gouverneurs, cela relève de l’absurdité, c'est surtout faire preuve d'une méconnaissance totale de notre coutume administrative. Le contrôleur financier vise lui aussi toutes les décisions des gouverneurs ayant une incidence financière. Et le contrôleur financier le fait pour de raisons de cohérence avec l’exécution du budget de l’Etat, cela ne fait pas de lui une autorité hiérarchique ».
Quant à la délégation des pouvoirs au secrétaire général du gouvernement et surtout sa compétence d’évaluer les ministères, Mohamed Issimaila parle «d’un faux débat» car «tous les ministères, partout dans le monde, sont régulièrement évalués constamment pour mesurer le niveau de mise en œuvre des actions du gouvernement. Ce rôle a toujours été assuré chez nous par le secrétariat général en tant qu’organe de coordination des actions du gouvernement». Et lui de conclure sur cet aspect : «il y avait même une direction d’évaluation des ministères en 2014, alors qu’il y avait, à l’époque, des vice-présidents élus, le fond n’a pas changé, l’évaluation interne et régulière des actions des ministres est une tâche technique qui n’a rien à avoir avec le contrôle classique de l’action du gouvernement exercé constitutionnellement par l’Assemblée ».