Le dernier vétéran de la lutte anti-apartheid, Desmond Tutu, a rendu l’âme dimanche 26 décembre à l’âge de 90 ans. Compagnon de lutte aux côtés de Nelson Mandela et Walter Sisulu, membre de l’Anc (Congrès national africain), Desmond Tutu est aussi connu pour son rôle magistral en Afrique du Sud au sein de la commission «Vérité et réconciliation» dont il a dirigé les travaux avec brio pendant deux ans (1996-1998).
Un bouclier des faibles
Desmond Tutu, c’est surtout ce grand adepte du bien-vivre qui a consacré toute sa vie à se faire toujours le bouclier des faibles, allant jusqu’à mettre en péril sa vie pour défendre les minorités bafouées, les déshérités ou les populations en détresse comme en témoigne son combat intact en faveur des Palestiniens. «Si vous êtes neutres dans les situations d’injustice, vous avez choisi le camp de l’agresseur», avait-il dit, appelant à toujours lutter contre toute forme de discrimination et d’atteinte à la dignité humaine. «Une vie vraiment significative et pleine de sens», a écrit le Dalaï-Lama, l’autre prix Nobel de la Paix, dans un message émouvant adressé au gouvernement et au peuple sud-africain.
La presse internationale a relayé en boucle, dimanche et lundi, la disparition du Prix Nobel de la Paix 1984. «Un soutien inébranlable pour tous les sans-voix», selon Antonio Guterres. De l’Onu à l’Union africaine en passant par l’Union européenne, les hommages s’accumulent. Chefs d’Etat et de gouvernements saluent la mémoire d’un grand homme qui s’était mis au service des autres et fait de la lutte contre les injustices son combat de prédilection en Afrique du sud et dans le monde.
Les hommages pleuvent à travers le monde au lendemain de l’annonce du décès. «C’est un nouveau chapitre de deuil dans l’adieu de notre nation à une génération de Sud-Africains exceptionnels qui nous ont légué une Afrique du Sud libérée», a souligné le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, parlant également «d’un homme d’une intelligence extraordinaire, intègre et invincible contre les forces de l’apartheid» qui a pris fin aux années 1990. «Un mentor, un ami et un phare moral pour moi et pour beaucoup d’autres», a souligné, de son côté, l’ancien président américain, Barack Obama.
Guérir les âmes et réconcilier les cœurs
Desmond Tutu a bien inspiré les grands fondateurs du mouvement panafricaniste et de l’Organisation de l’Unité africaine en 1963, devenue Union africaine, créée officiellement en 2002 à Durban (Afrique du Sud). «Un homme de foi convaincu du pouvoir de la réconciliation grâce à une justice réparatrice, il était un berger de la paix», a souligné le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat. «Une source d’inspiration», selon le président français, Emmanuel Macron, qui ajoute que le combat de Desmond Tutu «pour la fin de l’apartheid et la réconciliation sud-africaine restera dans nos mémoires».
Boris Johnson, le premier ministre britannique, parle «d’une figure essentielle de la lutte contre l’apartheid et de la lutte pour la création d’une nouvelle Afrique du Sud», ajoutant que «nous nous souviendrons de lui pour son leadership spirituel et sa bonne humeur irrépressible».Les medias internationaux ont loué les qualités idéalisées par Desmond Tutu. «Ce petit diable d’homme en robe mauve n’a cessé, au nom de la justice et de l’équité, d’importuner les pouvoirs établis, de prendre à partie les gouvernants, de tourmenter les puissants», a écrit le quotidien français Le Monde.
Instituteur, homme politique, père de quatre enfants et auteur de plus d’une dizaine d’ouvrages dont No future without forgiveness (pas d’avenir sans pardon), Desmond Tutu fait partie de ces êtres rares qui encouragent les hommes à toujours se pardonner pour guérir les âmes et réconcilier les cœurs. «Soyez gentils avec les Blancs, ils ont besoin de vous pour redécouvrir leur humanité», a-t-il un jour déclaré, appelant les Sud-africains à ne donner une marge à la haine contre l’autre.
Les Comores ont tiré avantage du combat et de l’héritage de Desmond Tutu
Confrontée à la sécession de l’île de Ndzuani en 1997 et à la prise du pouvoir par l’armée en 1999, les Comores avaient bénéficié du soutien constant de l’Afrique du sud dirigée à l’époque par Thabo Mbeki. Les négociations de Pretoria de décembre 2000 ont permis de poser les bases des futurs pourparlers inter-comoriens qui ont abouti à la signature, en février 2001, de l’Accord-cadre pour la réconciliation aux Comores.
L’héritage de Nelson Mandela et de Desmond Tutu a été perpétué des années durant par la nation arc-en-ciel à travers ces dirigeants, Thabo Mbeki en tête. L’Afrique du sud a joué un rôle pacificateur dans la résolution de nombreuses crises en Afrique comme en Casamance, en Côte-d’Ivoire, en République démocratique du Congo et aux Comores après la double crise séparatiste et institutionnelle intervenue aux années 2000. Le pays de Mandela parrainera les premiers échanges entre les autorités centrales et les chefs du mouvement séparatiste.
Confrontée à la sécession de l’île de Ndzuani en 1997 et à la prise du pouvoir par l’armée en 1999, les Comores avaient bénéficié du soutien de l’Afrique du sud dirigée à l’époque par Thabo Mbeki. Les négociations de Pretoria de décembre 2000 ont permis de poser les bases des futurs pourparlers inter-comoriens qui ont abouti à la signature en février 2001 de l’accord-cadre pour la réconciliation aux Comores. Guidé par l’amour, la philosophie et la pensée des icônes de la lutte anti-apartheid, Thabo Mbeki était bien déterminé à mettre l’expérience de son pays au service des pays à la démocratie et aux institutionnelles fragiles.
L’ancien président sud-africain interviendra même après l’Accord de Fomboni, en mai 2001, pour consolider les termes de l’accord et va grandement peser pour faciliter l’organisation du referendum constitutionnel de décembre 2001. Alors que les conflits de compétences empoisonnent les relations entre l’Union et les îles, Thabo Mbeki fera même le déplacement à Moroni en décembre 2003 pour la signature des accords de Beit-Salam qui mettront fin à la crise de défiance Union/îles.
Tirant les recettes du plus long combat vers la liberté, "les Comores considèrent Desmond Tutu, Grande figure de la paix et de la justice, prix Nobel de la Paix en 1984 et Vétéran de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud", d’après un communiqué du ministère des Affaires étrangères qui a présenté "ses sincères condoléances au gouvernement et au peuple de la République d’Afrique du Sud, ainsi qu'aux familles éplorées".