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Moussa Adam : «Nous avons su établir la frontière entre la politique et les actions humanitaires»

Moussa Adam : «Nous avons su établir la frontière entre la politique et les actions humanitaires»

Société | -   Maoulida Mbaé

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Deux mois après la célébration du 5e anniversaire de l’association Uzuri Wadini, son président, le prédicateur Moussa Adam Mbaliya, nous a accordé une interview dans laquelle nous avons abordé plusieurs sujets : sa genèse, ses activités, son financement et l’appel au don pour Mayotte, entre autres.

 

Pouvez-vous nous faire un bref résumé de votre parcours ?

Je m’appelle Moussa Adam Mbaliya. Je suis né et j’ai grandi aux Comores, où j’ai effectué toute ma scolarité avant de partir en Égypte poursuivre mes études à l’université Al Azhar. En 2010, je me suis installé à Mayotte. Avant cela, j’ai été directeur de l’école franco-arabe de Mdé pendant trois ans, tout en enseignant l’arabe et l’anglais au collège de Salimani ya Itsandraya. Actuellement, je travaille pour Kwezi Tv, depuis 2014, dans le domaine commercial, tout en animant des émissions religieuses. Parallèlement, je préside l’association Uzuri Wadini, fondée en 2019 à Mayotte, avant de s’étendre aux autres îles en 2020.

L’association Uzuri Wadini vient de célébrer son 5e anniversaire. Quel est votre sentiment ? Et comment se porte l’association ?

En effet, nous avons célébré le 5e anniversaire de l’association en février dernier. Aujourd’hui, nous pouvons tirer un bilan positif et fier. En quatre ans, nous avons atteint tous les objectifs définis dans notre plan d’action. À présent, nous entamons la sixième année avec la même ferveur. Le but principal de l’association Uzuri Wadini est de promouvoir le retour du paya lashiyo (école coranique), non seulement pour enseigner le Coran, mais aussi pour inculquer le respect et les règles de vie sociale inspirées de l’Islam. Bien sûr, nous n’allons pas simplement reprendre le paya lashiyo tel qu’il existait en 1980, mais nous l’adapterons aux réalités contemporaines, en mettant en valeur le rôle qu’il joue dans la construction de la personnalité de nos enfants.

À Moroni, où est implanté le siège social, le bureau emploie un personnel travaillant à temps plein. Quel est le rôle de ce personnel et comment est-il rémunéré, étant donné que l’association est à but non lucratif ?

Le siège social de notre association se trouve à Moroni, où neuf salariés travaillent à temps plein. Leur rôle consiste à assurer le bon fonctionnement des projets de l’association. Ils supervisent également le management des 56 salariés répartis dans les îles, car nous employons des maîtres coraniques dans les écoles que nous construisons. Ceux-ci sont payés au salaire minimum du pays, soit 50 000 francs par mois. Quant à la masse salariale, elle s’élève à 3 500 000 francs par mois, y compris pour le personnel du siège. Tous les salaires sont régulièrement versés sur les comptes bancaires de l’association, domiciliés à la Meck Moroni. Une fois de plus, notre objectif principal reste le soutien aux écoles coraniques et aux maîtres qui y enseignent.

D’où provient le financement de l’association ?

Le financement provient de deux sources : les fonds collectés lors des événements organisés par l’association et les revenus générés par diverses sociétés que j’ai créées. Avant la création de l’association Uzuri Wadini, j’ai d’abord lancé une société, Uzuri Wawunono, spécialisée dans la médecine prophétique, avec un siège à Moroni et des branches en France et à Mayotte. Un an plus tard, j’ai ouvert une boutique de prêt-à-porter, Mufayima Zaharusi, à la Coulée de lave à Moroni, puis un supermarché, Uzuri Washahula, toujours à Moroni. Les revenus générés par ces activités commerciales sont entièrement reversés à l’association pour financer ses projets. Le budget de l’association est donc constitué à 80 % des revenus des trois sociétés et à 20 % des fonds collectés.

Dans quels domaines l’association intervient-elle le plus ?

L’association intervient principalement dans la construction et le financement des écoles coraniques. Elle soutient plus de 200 orphelins et aide une dizaine de personnes en situation de précarité. Elle participe également aux efforts humanitaires en cas de catastrophes. Ce fut le cas lors de la crise sanitaire de la Covid-19, où nous avons apporté une aide à l’hôpital de Samba, et après le cyclone Kenneth qui a frappé le pays.

Comment se passent les relations entre votre association et le gouvernement comorien ?

Les relations avec le gouvernement comorien et le gouvernement français sont bonnes, notamment grâce à ma double nationalité. L’association Uzuri Wadini est enregistrée sous la loi de 1901, et elle a obtenu les autorisations du ministère de l’Intérieur de l’Union des Comores. En retour, nous avons l’obligation de respecter les lois des deux pays. Uzuri Wadini est une association apolitique. Nos actions sont exclusivement humanitaires, et c’est ce qui explique l’absence de tensions avec l’État comorien depuis sa création. Nous avons su établir une frontière nette entre la politique et nos actions humanitaires.

Que répondez-vous à vos détracteurs qui vous accusent d’opacité dans la gestion des fonds collectés ?

Je tiens à rassurer tout le monde : l’association ne demande aucune cotisation de ses membres pour financer ses activités. Toutefois, il y a presque deux ans, nous avons convenu d’organiser deux événements majeurs par an : une cérémonie d’anniversaire et un majlis, au cours desquels nous collectons des fonds destinés à financer des projets préétablis. Par exemple, l’argent récolté lors du dernier anniversaire a été entièrement dédié à Mayotte, suite au cyclone Chido. Ce fonds n’a pas été versé dans les comptes de l’association, mais a été directement remis aux concernés. Je profite de cette occasion pour remercier les présidents des mosquées de Pamandzi et Mtsapere qui ont accepté les dons collectés par Uzuri Wadini, en partenariat avec le gouvernement comorien, qui nous a beaucoup aidés, notamment pour l’acheminement des aides à Mayotte. Nous avons mis en place des règles de transparence que nous nous efforçons de respecter. Avant même de créer l’association, je me suis fixé l’objectif de garantir 70 % du budget par mes propres moyens. Si des aides extérieures arrivent, elles sont les bienvenues, mais cela n’affecte pas les activités de l’association.

Où en êtes-vous avec l’appel au don lancé à l’occasion du 5e anniversaire pour réhabiliter les mosquées et madrasas endommagées par le cyclone Chido à Mayotte ?

Lors de la célébration du 5e anniversaire de l’association, nous avons lancé un appel à don pour soutenir Mayotte, une île qui nous a toujours soutenus. Je tiens à souligner que les donateurs les plus généreux de l’association proviennent principalement de Mayotte. Grâce à leur soutien, nous avons pu construire des écoles coraniques à Ngazidja, Ndzuani et Mwali. Lors de l’appel au don, nous avons collecté 40 000 euros (près de 20 millions de francs) destinés à la réhabilitation de deux mosquées : Pamandzi et Mtsapere. Les fonds ont été remis directement aux responsables des associations en charge de la reconstruction. Je tiens à remercier chaleureusement le gouvernement comorien pour son aide précieuse dans cette opération. Que Dieu bénisse tous ceux qui ont contribué, même modestement, à cette collecte.

 

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