Le quartier de Magudju à Moroni s’est réuni, hier pour rendre hommage à Ali Adili et Boinaidi Mnamdji, deux anciens soldats de la garde présidentielle (Gp) et “également martyrs tombés sous les balles des mercenaires” dirigés par Robert Denard. Contrairement aux années précédentes, cette édition 2020 a été marquée par des prières et des invocations “pour le repos des âmes des deux martyrs” et non aux traditionnels discours et autres cérémonies. Après la lecture de la sourate 36, Yassin et de diverses invocations, les deux orateurs de la cérémonie ont rendu hommage à ces deux enfants du quartier qui ont versé leur sang pour dire non à l’oppression subie tout au long du régime grâce notamment à la mainmise des mercenaires de Bob Denard.
“Ne les oublions pas”, ce slogan revient depuis 33 ans et est une manière pour les jeunes de Magudju de garder vivant Ali Adili et Boinaidi Mnamdji. Lors de cette cérémonie, Ustadh Bahaoudine Saïd Abdallah, a axé son intervention sur ce slogan en insistant sur “le devoir de mémoire en l’honneur de ces deux martyrs”. Selon lui, pour maintenir vivant leur mémoire, “la mairie doit attribuer leurs noms à certaines ruelles du quartier”. Ainsi, les générations futures seront curieuses de savoir pourquoi ces ruelles portent leurs noms et de cette manière l’histoire d’Ali Adili et Boinaidi Mnamdji sera connue de tous. Dans son mot de remerciement, Mohamed Saïd Abdallah Mchangama s’est aligné sur l’intervention d’Ustadh et a montré la nécessité d’écrire l’histoire de ces martyrs pour les futures générations.
Depuis décembre 1987, 33 ans déjà, le quartier se mobilise pour prier et honorer la mémoire de ces soldats, sauvagement assassinés par les mercenaires de Bob Denard. Les corps criblés de balles des deux jeunes gens, à l’époque âgés respectivement de 26 et 31 ans, ont été acheminés dans leurs familles pour les obsèques sous la surveillance des éléments de la Gp qui ordonnaient aux familles et à toutes personnes venant accompagner les dépouilles vers leurs derniers demeures de ne pas verser la moindre goutte de larme ou encore manifester une tristesse. A la sortie de la cérémonie, Ahamada Moindjié, alias Bayard et un des survivants des mercenaires a déclaré qu’il est triste de constater que leur histoire est passée sous silence.
Le 30 novembre 1987, Ali Adili, Ibrahim Gaya et Boina Idi Mnadji, sont assassinés par les mercenaires et leurs corps balancés dans leurs quartiers le lendemain, 1er décembre. Ils symbolisent la révolte des soldats comoriens contre douze ans de règne de Bob Denard mais aussi l’horreur de ces mercenaires aux Comores.
La première mutinerie contre les mercenaires au sein de l’armée date du 8 mars 1985. 24 soldats comoriens de la Garde résidentielle (Gp) avaient prévu de prendre le contrôle du camp de Kandani dirigée par les mercenaires français de Bob Denard. Ils ont été arrêtés. L’un d’eux, Jean Saïd meurt sous la torture quelques heures seulement après son arrestation. Il a été enterré dans la même nuit au camp d’Itsundzu, sans aucune forme de cérémonie. Condamnés à perpétuité à la suite d’un procès expéditif pour “complots contre la sûreté de l’Etat”, ils ne seront libérés qu’après l’assassinat du président Abdallah.
Après la tentative du 8 mars 1985, d’autres soldats de la Garde présidentielle se révoltent et tentent de s’attaquer aux mercenaires et de libérer les 23 soldats pour “mener ensemble l’insurrection”. Malheureusement, les mercenaires avaient été prévenus de l’opération. Trois d’entre eux, Ali Adili, Gaya et Boina Idi seront exécutés et les corps remis à leurs familles dans une mise en scène qui restera l’un des symboles de l’horreur de cette décennie. Boina Idi a été tué par balle. Gaya et Adili ont été torturés à mort. Les trois corps ont été emballés dans des sacs et balancés en pleine journée sur les pas de la porte ou dans le quartier d’origine des défunts.