Aux Comores, la période de juin à août ne rime pas seulement avec vacances scolaires, mais également avec une effervescence particulière autour des mariages. Sur l’île de Mwali, ces unions sont accompagnées de traditions culturelles fortes, parmi lesquelles la fleur de jasmin, localement appelée anfu, tient une place centrale. Symbole d’amour, d’honneur et de respect, cette fleur devient l’élément clé de nombreuses festivités.
Le jasmin est en effet indispensable pour la confection des mwau, les colliers de fleurs portés par les hommes, et des suradji, leurs équivalents féminins. Ces ornements floraux, méticuleusement tissés à la main, sont offerts ou portés lors des danses traditionnelles telles que le la danse du taureau (ngoma gnombé) ou le diridji, ainsi que lors de cérémonies d’accueil à l’aéroport ou au port. Houda Chamsi, une femme au foyer de Fomboni, partage son expérience : « Préparer un mwau, c’est une vraie preuve d’amour et de respect envers nos maris ou proches. Cela demande du temps et des moyens. On passe deux à trois jours à cueillir les fleurs, puis une à deux heures à les assembler. Si on ne cultive pas le jasmin, on doit l’acheter.»
Le jasmin ne représente donc pas seulement un symbole culturel, mais aussi une véritable source de revenus. À Fomboni, plus de 20 femmes s’affairent chaque jour à la confection des colliers. La demande est si forte durant les vacances qu’il devient parfois difficile de s’approvisionner. Madame Hadidja, vendeuse à Salamani, explique : « Un mwau déjà prêt peut coûter entre 10 000 et 15 000 francs comoriens. Si on achète simplement les fleurs, cela peut revenir à 5 000 francs. Mais certaines femmes, disposant de petits moyens, achètent des petits tas à 100 francs, juste pour faire plaisir à leurs maris.»
Cette activité, bien que saisonnière, joue un rôle non négligeable dans l’économie locale.
Elle offre une autonomie financière à de nombreuses femmes et valorise le savoir-faire traditionnel. Toutefois, la dépendance aux mariages pose des défis. « S’il n’y a pas de mariages, nous souffrons, car la demande chute », confie une vendeuse du marché de Fomboni. En somme, à Mwali, le jasmin n’est pas qu’une fleur.