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Mzevoti, un bouvier devenu spécialiste du volcan Karthala

Mzevoti, un bouvier devenu spécialiste du volcan Karthala

Société | -   Abouhariat Said Abdallah

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La première ascension au sommet du Karthala remonte en 1972. Et puis, il y est retourné 10 ans plus tard, en 1982. Son amour pour le volcan s’est intensifié au fil du temps. Retour sur les 40 ans durant lesquels qu’il brave les aléas en tant que guide principal du lieu les plus culminant et passionnant de l’archipel.

 

Né il y a presque 67 ans dans la localité de Mvuni-ya-Bambao, Mohamed Moisuli surnommé “Mzevoti” est un guide de montagne, qui s’est spécialisé dans l’ascension du Mont Karthala pour faire visiter le volcan. Agriculteur et éleveur de bovins, il s’est vu monté en lui cette passion de guide depuis 40 ans. Surtout, il tenait ce métier de son père qui l’a inspiré depuis sa jeunesse. Il était monté une fois avec lui lorsqu’on y chassait les bœufs en divagation (Mbe za msiru).

Mzevoti se remémore, sourire aux lèvres, de ce moment de 1982 qu’il a débuté son métier. “Je suis monté avec des médecins blancs qui travaillent au pays. L’un exerçait à Mbeni, l’autre à Mitsamihuli et le troisième à Fumbuni. Je les ai accompagnés au Karthala. C’est la première fois que j’ai fait ce travail officiellement, bien que je venais souvent avant”, confiait-il.


Enfant du terroir, il maîtrisait mieux la zone et aimait répéter que “kayiri udjua bavu hana udjua ndziya” (mieux vaut savoir se localiser dans un milieu que de connaitre un sentier). Au fur et à mesure que l’on monte en altitude, machette à la main, notre guide ramasse un sachet en plastique par ci, une bouteille vide ou une boite de conserve par-là démontrant son amour pour la nature.

Dans son effort de la montée au sommet du Karthala en compagnie des visiteurs, “Mzevoti” connait bien les lieux comme sa propre poche. Il indiquait quelle année tel sentier a été tracé et livre par cœur les détails de telle éruption et son contexte. “S’il y a plusieurs guides à Mvuni, mais je suis le seul à connaitre tous les chemins et sentiers menant au site du volcan, que ce soit dans le périmètre ou en dehors de la caldeira du volcan”, exprimait-il ainsi sa fierté.

Toutes les voies mènent au sommet

Sans transition, Mzevoti égrène les différentes voies d’accès au Mont Karthala. “Il y a celui qui vient de Nkurani-ya-sima dans la région de Mbadjini. Les visiteurs passant par Dimani, Washili et Bahani empruntent le même chemin, mais au retour, ils repartent par des sentiers différents”, dit-il. Raconter l’histoire des éruptions volcaniques aux visiteurs reste son domaine de prédilection. Aux abords de l’ancien cratère, le shungu shahale, Mzevoti montre des détails précis. “Vous voyez ces rochers-là, pointant son doigt vers l’intérieur de ce cratère géant , ils étaient 7 au total. Mais au fil des années et avec les éruptions successives, le sable s’y est entassé et les a ensevelis. Maintenant, il n’y a que 2 qui sont encore visibles”.


Une précision scientifique vient de Shafik Bafakih, le géophysicien de l’Ovk. Les séquences des dernières éruptions entre 2005 et 2006 (trois éruptions en cette période) montrent que le cratère a perdu entre 150 et 200 mètres de profondeur. Selon lui, le shungu shahale doit mesurer maintenant près de 300 m de profondeur. Mzevoti renchérit : “avant, le fond formait un disque rond au milieu, puis il y a eu, en juillet 1991, la montée des eaux dans le cratère qui ont couvert ce disque. Ensuite, des arbres ont poussé un peu partout, mais couverts aujourd’hui par les cendres”. Le guide du Mont Karthala a aussi indiqué que “c’est ici qu’est partie l’éruption phréatomagmatique de 2005, les déjections de cendres. C’était une grosse éruption. Tout était couvert de cendres qui s’étaient également dispersées dans plusieurs régions de Ngazidja”.

L’impressionnante coulée de lave de 2006

Mais ce qui a beaucoup marqué Mzevoti dans son métier de guide reste l’éruption de 2006. “Il y avait une coulée de lave. Celle-ci partait d’un côté à un autre, comme des vagues. C’était surprenant. Je me demandais comment sera le feu de l’Enfer s’il s’agissait ici de vagues d’une coulée de lave qui partait d’un rocher vers un autre. Je suis venu le troisième jour avec des australiens. Tout était englouti par les cendres”.


Mohamed Moisuli travaille principalement avec l’Ovk et le Bureau géologique. Il participe aux travaux de recherches, avec le second pour le chantier de la géothermie ou le premier dans des travaux de recherches pour améliorer la compréhension des risques du volcan. “S’il y a quelqu’un qui maîtrise la zone c’est bien lui”, témoigne Shafik Bafakih.


Aussi, il lui arrive de travailler avec d’autres institutions. “Je suis venu au Karthala pour la première fois avec des blancs lors de l’éruption de 1972”, se rappelle-t-il. “Puis, je venais avec un type de Nkurani-ya-sima en tant que guides, nous avons fait ensemble des reconnaissances de la zone. Mais maintenant chacun travaille de son côté”, ajoute-t-il. Mzevoti, cherchant toujours à faire connaitre les moindres détails du volcan, indique à l’intérieur toujours de l’ancien cratère : “Vous voyez la fissure là, c’est l’éruption de Singani en 1977 qui est partie de là”. En effet, on observe une grande fissure du haut vers le bas du trou béant.


D’une physique frêle et élancée, Mzevoti fait le parcours Mvuni-Karthala plusieurs fois par mois, en fonction de la demande des visiteurs et des besoins du travail. Ils partaient de Mvuni à 6 h et arrivaient au sommet vers 11 h. “La durée du trajet dépendait de l’allure des visiteurs”, devait-il préciser. Aujourd’hui, une route carrossable par véhicule tout terrain est aménagé jusqu’au sommet du Mont Karthala. Ce qui permet au guide principal de faire visiter les lieux à de hautes personnalités, notamment l’ancien ambassadeur de Chine, celui de France, le consul de France et d’autres encore.

Un homme qui porte le Karthala dans son cœur

Fouillant dans ses souvenirs, il raconte : “Une fois j’étais avec un géologue, nous avons passé un mois ici. Je descendais parfois au village et retournais le lendemain à pied. C’était en 2015”. Le problème c’était lorsqu’il pleuvait. “Une fois la pluie est tombée la nuit et nous étions obligés de plier les tentes et camper sur une montagne et y dormir”.


L’homme est aujourd’hui capable de décrire au détail près ce premier campement, là où ils faisaient le feu pour préparer à manger ou là où ils avaient érigé leurs tentes. “Il y avait des maisons ici. Nous étions 40”. Cette même année, il a tracé un sentier qui raccourcit l’accès rapide aux cratères en passant par convalescence.


L’homme du Karthala déplore, cependant, le comportement de ceux qui se permettent de jeter les sachets un peu partout. “Le comble, c’est que ce sont des bacheliers et des étudiants”, disait-il avant d’ajouter : “récemment, j’avais accompagné des étudiants de l’Ecole de santé. J’ai dû les sensibiliser de ne pas jeter les ordures n’importe où”. Il regrette également, les incendies déclenchés involontairement par les cultivateurs. “Une fois, j’ai dû venir en courant pour éteindre un feu devant la station, il y a de cela trois ans. Tant que le site ne sera clôturé, les stations ne seront pas en sécurité”, insiste-t-il.


Mzevoti loue le ciel car ce travail de guide de montagne fait bien vivre son homme. “Dieu merci, ça m’a apporté beaucoup de contributions pour accomplir mon grand mariage”, se montre-t-il ainsi reconnaissant. Il invite les Comoriens, particulièrement les autorités, à visiter le volcan Karthala pour se faire, du coup, une idée du danger potentiel qui nous guette et doubler les efforts de sa surveillance.

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