A l’aube de cette nouvelle année, se remettre en cause et prendre de nouvelles résolutions s’annonce indispensable. À l’heure où les autorités chantonnent et annoncent partout leur volonté d’atteindre l’émergence à l’horizon 2030, il est indispensable de repenser notre manière de travailler et de tourner le dos au journalisme axé sur le seul compte rendu. À huit ans du souhait d’aboutir à l’émergence annoncée, il est temps de se poser les bonnes questions et surtout de se demander si le pays peut se développer sans une fluidité de l’information.
Sans une vraie presse et un journalisme professionnel. Je ne vous apprends rien, les journalistes sont des leaders d’opinion et non des caisses de résonance. Ce n’est pas pour rien qu’on appelle les médias le “quatrième pouvoir”. Ce pouvoir, on ne l’offre pas aux journalistes. C’est un combat de tous les jours, qu’il faut mener et gagner à chaque instant sans jamais se reposer sur ses lauriers.Le journalisme dans notre pays détient en son sein de grands noms qui ont fait leurs preuves et payé le prix de leurs libertés, voire plus pour qu’émerge (pour revenir à l’émergence) un quatrième pouvoir fort et indépendant.
Aujourd’hui, pour de multiples raisons et à quelques exceptions près, nous nous contentons du compte rendu pourtant dépassé par de nombreux collègues dans le monde. Rares sont ceux, du public comme du privé, qui peuvent, pour telles ou telles raisons, s’aventurer à mener des enquêtes. L’investigation est délaissée. La censure est partout et n’est plus seulement politique. Certaines personnes ne peuvent plus être critiquées dans les médias et certaines nations sont aussi intouchables. C’est l’omerta totale. On préfère donc, peut-être par lâcheté ou dépit, regarder ailleurs ou s’attaquer à des cibles moins virulentes et plus accessibles.
Aussi, nous préférons les diverses et très nombreuses cérémonies et inaugurations voire les conférences de presse et autres points de presse où souvent les organisateurs viennent nous rabâcher leurs “vérités” que nous prenons pour argent comptant sans jamais ou presque demander des preuves ou chercher à recouper l’information. Pire, dans ce genre d’événement, certains journalistes s’offusquent quand il y a beaucoup de questions. C’est dire…
Le journalisme, c’est connu, ne nourrit pas son homme. Mais la réalité nationale est encore pire puisque (même si le nouveau Code a prévu des subventions pour les médias du privé) les conditions de travail des journalistes sont quasi inexistantes. Alors pour subsister, les conférences et les points de presse sont malheureusement les seuls points de chute ou presque. Les “per diem” qui y sont distribués sont ainsi les bouées de secours qu’ont les journalistes pour avoir un semblant de vie dans un pays où la crise économique et la vie chère ne cessent… d’émerger. Cette précarité tue le métier. Les interviews commandées ou clés USB comme on aime à le dire sont aussi monnaies courantes.
Difficile de se faire respecter quand, disons-le, on se prostitue et on se donne au plus offrant. Le métier va mal. Et pour ne rien arranger, émergent (encore) de nouveaux acteurs qui sont sous d’autres cieux appelés lanceurs d’alertes, mais qu’ici prennent comme par magie, le titre de journalistes.S’ensuivent des dérives et des directs à n’en plus finir même si certains, il faut le souligner, se démarquent et font un travail remarquable. Pourquoi autant d’anarchie dans un métier aussi noble ? Le jeune Syndicat national des journalistes aux Comores n’a pas les moyens de mener un tel combat et ce n’est d’ailleurs pas son rôle.Le Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa) n’a pas également les moyens de remplir sa mission et donc de réguler le secteur.
Alors dans cette anarchie, nous assistons chaque jour, impuissants, à la naissance de nouvelles pages Facebook prétendument d’informations.
En même temps, comment les contester quand les autorités, ministres et autres directeurs accrocs aux directs justement, les invitent et font d’eux des acteurs à part entier du secteur médiatique national ? À l’aube de cette nouvelle année, il en va de notre crédibilité, chers collègues, de repenser notre métier. Personne ne viendra le faire à notre place.
Les Mohamed Inoussa, Mohamed Hassani, Faouzia Ali Amir, Ali Moindjié, Aboubacar Mchangama, Kamal Saindou, Hassani Madjwan, Ahmed Ali Amir, Kamardine Soulé et autres ont mené leurs combats avec brio.L’heure est venue pour nous de reprendre le flambeau et de livrer bataille pour un journalisme digne et respecté parce que dans l’état actuel des choses, il n’y a pas de quoi être fier et nous sommes tous responsables.
Bonne année à tous.