C’est une nouvelle étude académique qui met en lumière les drames humains qui se produisent dans le bras de mer séparant Ndzuani et Maore. Le 6 décembre dernier, à l’Université Sorbonne nouvelle Paris 3, le journaliste Youssouf Ahamada Saif a soutenu une thèse qui aborde, sous un autre angle, ce différend territorial aux conséquences désastreuses. « La médiatisation de la crise migratoire à Maore/Mayotte2 consécutive à «l’immigration clandestine» (*) » est le thème choisi par cet ancien journaliste de l’Ortc dans la capitale française.
« Ce travail, au-delà̀ du strict cadre universitaire, est le fruit de conjonctures personnelles et de l’intérêt que je portais, depuis de nombreuses années déjà̀, à la question de l’île comorienne de Maore, aux problèmes des accidents en mer entre Ndzuani et Maore, causés par le visa Balladur, et aux rudes conditions de vie rencontrées par les Comoriens non mahorais à Maore », explique le confrère qui, tout comme tant d’autres Comoriens, a perdu des membres de sa famille dans ce cimetière marin, considéré comme l’un des plus funestes au monde. «Cette thématique, a ajouté Youssouf Ahamada Saif, est aussi un devoir de mémoire pour les milliers de Comoriens qui disparaissent depuis 1995 dans nos eaux, sous le silence «génocidaire» de la France, de la communauté internationale et des autorités de Moroni».
Cinq médias
Docteur en Sciences de l’information et de la communication, depuis le 6 décembre, Youssouf Ahamada Saif a passé plus de 15 ans de sa vie à mener des recherches sur la question de « la crise migratoire » à Maore. Cette problématique ne se serait pas posée aujourd’hui si la France n’avait pas porté atteinte à « l’intégrité territoriale des Comores », rappelle cet ancien journaliste d’Africa 24. «Ma thèse étudie, d’un point de vue pragmatiste, la médiatisation comme problème public de la crise migratoire mahoraise», détaille le natif de Vanadjou Itsandra, qui exerce depuis 2019 en tant qu’attaché temporaire de renseignement et de recherche à la Sorbonne Paris 3.
Auteur d’un livre intitulé, « naufrage aux larges de Mayotte », publié en 2017 aux éditions Cœlacanthes, Youssouf Ahamada Saif reconnait que les médias comoriens, comme ceux de l’étranger, ont contribué́ à la mise en lumière de la cause comorienne et de cette tragédie innommable. Pendant ses recherches, il s’est penché sur trois médias français (Médiapart, Mayotte hebdo et l’Humanité) et deux quotidiens nationaux à savoir Al-watwan et La Gazette des Comores. « Comme le cas d’Al-watwan, le seul fait que Mayotte Hebdo soit un journal édité dans un territoire administré par la France et bénéficiaire des aides allouées par l’État français à la presse, pose considérablement des problèmes sur l’objectivité́ et la neutralité́ de ses publications », relève celui qui a présenté entre 2010 et 2012, le journal télévisé de l’Ortc.
Au cours de notre entretien, l’ex-rédacteur en chef d’Ortega Live a déploré également « les manipulations de masse et la désinformation sur la crise migratoire » observées dans certaines chaines françaises et comoriennes. « Certains journalistes, peu soucieux de leurs lecteurs ou auditeurs, choisissent délibérément de ne pas rapporter les accidents maritimes, estimant que le public est déjà au courant. Ils oublient en revanche que celui-ci ne suit pas forcement l’actualité́ quotidiennement pour savoir qu’il y a eu énormément de morts et que l’on s’en passe de certains », fait observer Youssouf Ahamada Saif, qui regrette au passage que des Comoriens osent parler de « peuple » mahorais, par exemple, alors que l’on sait très bien que Maore, Ngazidja, Mwali et Ndzuani constituent un seul peuple comorien.
Né le 18 mars 1987, Youssouf Ahamada Saif a passé sa scolarité aux Comores jusqu’à obtenir sa licence à l’Université des Comores, dans le département de lettres modernes françaises (Lmf). Sélectionné en 2012 pour étudier à l’Université de la Sorbonne dans le cadre d’une convention qui liait cet établissement et l’Udc, Youssouf Ahamada Saif vit toujours en Francen
(*) : Les termes et expressions «Immigration clandestine », « Migratoire » ou « Clandestins » sont interdits dans les colonnes du journal Al-watwan en parlant de l'île comorienne de Mayotte.