Les Mawadja (Mashudjayi wa Djana) ont tenu parole. Ce dimanche, la ville de Mitsamihuli accueillait le colloque initié par ce collectif qui lutte pour faire connaitre les très nombreux précurseurs de l’Indépendance méconnus alors que dans quelques jours, le pays s’apprête à célébrer en grandes pompes son accession à la souveraineté.Ce rendez-vous a vu la présence de nombreuses personnalités comme celle du gouverneur de l’île de Ngazidja, Mze Mohamed Ibrahim, l’ancien vice-président, Idi Nadhoim, Amina Hassanaly, figure importante de la société civile ou encore le président de l’Union des Chambres de Commerce, Chamsoudine Ahmed. Il est modéré par Nadia Tourqui et Papa Abdou-Issa.
Le jour du colloque coïncidant avec le triste anniversaire du crash de la Yemenia Airways survenu il y a 16 ans, la cérémonie a débuté par une prière pour les 152 victimes. Pour rappel, il eut une survivante : Bahia Bakari.
Peu après, la foule s’est levée pour entonner, un bras sur le cœur, l’hymne national. Les interventions furent nombreuses. Ce qui ressort notamment des différentes prises de parole, c’est la conscience politique des élèves et de la jeunesse en générale des années 1960 et 1970. De sa connexion aux mouvements de libération qui agitaient le monde et le continent africain. Les premiers partis pro-indépendance qui voient le jour dans les années 1960 comme le Mouvement de Libération Nationale des Comores (Molinaco) le Parti Socialiste des Comores (Pasoco). Des partis qui avaient su à un moment de l’histoire, taire leurs divergences au profit de l’intérêt commun qui était la quête de l’indépendance.
«Graver dans le marbre»
Des suggestions furent avancées pour graver dans la pierre le nom des femmes et des hommes qui se sont battus pour la libération du pays. «Que ce jour, le 29 juin, soit décrété comme celui de la commémoration des précurseurs de la lutte», a avancé d’une voix enflammée Mohamed Assoumani, notaire à la retraite. Dans le même ordre d’idées, il a, également, proposé qu’un lieu porte le nom d’Abdou Bakari Boina (indépendantiste de la première heure décédée en 2018, nldr) et leader du Molinaco ou encore pour que soit décernée une médaille à titre posthume à Mohamed Abdourahmane, dit Mhishimiwa qui galvanisait les Comoriens au cri de «Mkolo nalawe» (colon dégage, Ndlr). En tous cas, les initiateurs de ce colloque l’ont dit et répété : «ce qu’il convient de faire, c’est de célébrer tous les héros, Ahmed Abdallah sans conteste mais également tous les autres».
Ces autres sont nombreux. Buhari Abdoulwahab, Touroune Ahamada, Mohamed Fazul, Abida Ali Chebane, Abdoulkader Hamisi, Abdou Zakaria, Ali Youssouf Alwaht, ou encore Ahmed Djoumoi Mbaraka, cette liste étant loin d’être exhaustive. Dans sa prochaine livraison, Al-watwan reviendra sur la biographie de certains d’entre eux.Le colloque qui a duré toute la journée de dimanche a vu aussi les témoignages de Mbae Toyb et Amina Hassanaly. Ils se sont longuement appesantis sur la grève de mars 1968. Les deux intervenants furent à l’époque des jeunes lycéens au Lycée Saïd Mohamed Cheikh et prirent part au mouvement de contestation. Al-watwan reviendra également mercredi prochain sur cette contestation inédite qui marqua durablement le pays.
«Susciter le débat»
Youssouf Moussa, a pris la parole par visio-conférence de l’île comorienne de Mayotte, n’ayant pas pu faire le déplacement. Il expliqua que lors de la grève de mars 1968, il se trouvait déjà à Montpellier en France pour ses études. «J’ai évidemment soutenu le mouvement». Et suite à cette contestation, l’Association des Stagiaires et Étudiants Comoriens (Asec, une organisation estudiantine en France qui forma de nombreux leaders) dont il est membre organise un congrès. «La résolution suivante fut adoptée : l’indépendance des Comores sans conditions», devait notamment rappeler l’un des leaders emblématiques du Front démocratique. «Avant même la grève de 1968, sentait déjà que la révolte contre la présence française gagnait du terrain», a-t-il soutenu.Au terme de cette conférence qui fut, à certains moments, laborieuse, Ali Moindjié, journaliste à la retraite et membre des Mawadja devait rappeler que le plus important était le débat. «Nous ne prétendons pas détenir la vérité ou les vérités mais ce que nous voulons, c’est susciter le débat». Pari réussi?