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Métiers techniques : une seconde chance pour les oubliés de l’enseignement général

Métiers techniques : une seconde chance pour les oubliés de l’enseignement général

Société | -   Mairat Ibrahim Msaidie

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Face au décrochage scolaire, des écoles de seconde chance offrent aux jeunes en difficulté des formations techniques et pratiques. Une valorisation des métiers manuels qui redonnent espoir à tous.

 

Dans une salle animée de l’École supérieure des arts et métiers, des jeunes gens manipulent câbles et tournevis. D’autres, concentrés, s’exercent à la décoration d’un gâteau ou à la pose de carrelage. Ici, pas de longues dissertations ni de calculs abstraits : la pratique est reine. Ces jeunes, longtemps écartés du système éducatif classique, retrouvent goût à l’apprentissage.Pendant des années, beaucoup d’enfants comoriens en difficulté scolaire ont été laissés pour compte. Livrés à eux-mêmes, certains ont fini dans la rue, étiquetés comme « incapables » ou «sans avenir». Aujourd’hui, une nouvelle dynamique s’installe : celle des écoles de seconde chance.

 

Ces établissements offrent à ces jeunes une formation technique et manuelle, adaptée à leurs aptitudes, mais surtout à leurs rêves. Dans un pays où la réussite reste souvent associée aux diplômes, ceux qui échouent à l’école se sentent exclus, marginalisés. «Nous avons tendance à négliger ces enfants, alors qu’ils possèdent des compétences précieuses», déplore le directeur de l’École supérieure des arts et métiers, Abdou El Anziz Abdallah. Ce dernier insiste sur la nécessité d’un engagement collectif. «Il faut que le secteur privé s’implique davantage pour sensibiliser sur l’importance des formations techniques», suggère-t-il. Pour lui, il est urgent de changer le regard porté sur ces jeunes. «La société doit comprendre qu’il existe d’autres voies de réussite, notamment dans les métiers manuels», plaide-t-il. Inspiré par les modèles éducatifs observés à l’étranger, il a imaginé, avec son équipe, un programme mêlant théorie et pratique.Les formations proposées vont de la mécanique automobile à la coiffure, en passant par la plomberie, la peinture, la pâtisserie ou encore l’électricité bâtiment. «Nous avons ouvert ces filières pour répondre aux besoins du pays et offrir une seconde chance à ceux qui se sentaient exclus du système», explique le directeur.

Des jeunes motivés et inspirés

Depuis trois ans, plus d’une vingtaine de jeunes ont déjà suivi ces formations et trouvé leur voie. «C’est peut-être peu, mais je suis convaincu que nous allons évoluer et que nos mentalités changeront», confie-t-il avec un sourire.Parmi les élèves, Nimoune Naike, 19 ans, manie les fils électriques avec assurance. Il se souvient de ses difficultés passées. «J’ai toujours aimé l’électricité. Ici, je fais enfin ce qui me passionne, et cela me motive à donner le meilleur de moi-même», assure-t-ilUn peu plus loin, Maissara Soilih, originaire de Kuwa ya Mitsamihuli, suit un cours de pâtisserie. Elle rêve déjà d’entreprendre. «À chaque fois qu’on veut un gâteau, on doit aller jusqu’à Moroni. J’aimerais changer cela et ouvrir une pâtisserie chez moi», affirme la jeune femme. Ces parcours traduisent une lente mais réelle évolution des mentalités : les métiers techniques ne sont plus vus comme un échec, mais comme une voie d’avenir.


Dans la cour, Maman Abdou, mère d’un jeune élève, observe fièrement les travaux d’électricité. Elle ne cache pas son soulagement. «Beaucoup d’enfants errent dans les rues parce qu’ils ont arrêté l’école. Pourtant, ils ont du potentiel. D’autres pays ont évolué grâce aux métiers techniques. Nous devons ouvrir les yeux et encourager nos enfants à faire ce qu’ils aiment», constate celle-ci.Pour Abdou El Anziz Abdallah, ces écoles incarnent bien plus qu’un projet éducatif : elles représentent une promesse. En revalorisant les métiers manuels et l’apprentissage pratique, elles redonnent dignité et confiance à une jeunesse longtemps délaissée.
«Chaque enfant a quelque chose à offrir. Il suffit de lui donner la possibilité de le montrer», conclut-il.

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