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Nizar Salim : de l’armée à la restauration

Nizar Salim : de l’armée à la restauration

Société | -   Maoulida Mbaé

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“Je ne sais pas où je serai dans 10 ans. Si je m’agrandirai ou mettrai les clés sous la porte. Ce qui est sûr, c’est que même ruiné, je ne vais pas quitter le pays”

 

Il est onze heures et quart, jeudi 5 mars. Le “Tennis club”baigne dans un calme plat, loin, très loindu chahut des vendredis soirs. Seul un son de coupé-décalé vient rompre le silence, et tromper la fastidiosité des lieux. Le propriétaire du restaurant, Nizar Salim, 43 ans, nous accueille en haut des marches.

L’homme rend l’image du militaire qu’il fut pendant dix-neuf ans et demi en France, et qu’il est encore, nous dira-t-il,”dans l’âme”. Nous prenons place sur une table dans un coin de la terrasse, laquelle ouvre sur les terrains de tennis en contrebas. Les lunettes sur le front,ce franco-comorien se livre sur son enfance dans les îles,partagée entre le handball et la “passion” pour l’OM (Olympique de Marseille), jusqu’à son départ en France en 1996, après le bac.

”Enfant, j’ambitionnais déjà d’être militaire”, justifie-t-il son choix de s’engager dans l’armée française.

Frustration !

En presque 20 années de service,il aura sillonné le monde (Afghanistan, Bosnie, Kosovo, Macédoine, Grèce…) et amassé les décorations.

“Les dernières années,j’avais le mal du pays. Je voulais absolument rentrer”, confie-t-il. Quand il est revenu aux Comores fin 2016, il ne pensait pas du tout se lancer dans la restauration.“J’aurais aimé servir autrement le pays”, dit-il, quelque peu désabusé.

Nizar Salim pensait plutôt faire valoir son expérience militaire au sein des forces armées comoriennes,malheureusement

”ici on apprend que les choses ne sont pas carrées, mais rondes”.

Ceux-là même qui ont sollicité ses services l’ont fait tourner en rond, jusqu’à ce que”découragé”, il finisse par céder, six mois après son retour aux Comores, à l’appel de son frère pour se lancer dans le privé.

“Mon frère m’a mis à l’aise”, dit-il parlant d’Amine Salim, boss du Cœlacanthe, hôtel situé de l’autre côté de la route, juste en face de la Meck-Moroni.

Vendredi du “Tennis club”

Aujourd’hui, les affaires marchent plutôt bien, après des “débuts bien difficiles”.Le Tennis club compte à ce jour six employés fixes et cinq en extra, sollicités le week-end.

Le restaurant mise autant sur la qualité que sur les prix pour attirer la clientèle. “Le but était de créer un restaurant accessible, avec des prix au niveau de tout le monde. Que les Comoriens puissent avoir quelque part où aller”, explique Nizar Salim. Proposée à 3.000 francs, la salade de poulpe, spécialité du restaurant, fait le bonheur des clients. “Nous comptons des ministres parmi nos habitués”, lance-t-il, visiblement satisfait de ses deux chefs cuisiniers.

Et puis, il y a les “vendredis du Tennis club”, qui ont la côte chez les jeunes. La fréquentation a explosé depuis novembre 2017. A tel point qu’”il a fallu tripler la sécurité”. Il faut maintenant huit vigiles pour assurer la sécurité des quelquesdeux-cent jeunes qui se retrouvent sur la piste de danse,de 22 à 3 heures du matin, sous l’animation d’un Dj tout droit venu de Zanzibar. Ce “nouveau concept”, comme il l’appelle, fait ses preuves. Heureusement, puisque, à l’en croire, “des jeunes sans divertissement, c’est un handicap”. Mais, combien tout cela a-t-il coûté? Hochement de tête, petite moue, et puis avec le sourire… “C’est mon joker. Une petite somme disons. D’autant que je n’ai bénéficié d’aucune exonération”.

“Aventurier dans l’âme”

Dans tous les cas, celui qui se dit “aventurier dans l’âme” ne manque pas d’ambition. En plus d’être le président d’honneur du club de football de Selea en D2, d’où est originaire sa mère métisse, et d’être le fondateur de l’Association des supporters de l’OM aux Comores, l’ancien militaire compte se lancer… dans les randonnées.

À la longue, il espère faire du Tennis club un restaurant sportif, placarder des fanions de clubs de foot du monde entier, et ajouter d’autres écrans en vue de la coupe du monde et des Jeux olympiques

 “Je ne sais pas où je serai dans 10 ans. Si je m’agrandirai ou mettrai les clés sous la porte. Ce qui est sûr, c’est que même ruiné, je ne vais pas quitter le pays”. D’ici là, il a le temps de voir venir. Et, pourquoi pas, pour ce père d’une fille de quinze ans, se trouver une femme, lui qui est divorcé depuis bientôt dix ans. “Pour l’instant, j’observe”, s’amuse-t-il.

 

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