La désignation des juges dans les différents postes sans la consultation du conseil supérieur des magistrats est-elle légale vu que celui-ci ne fonctionne pas? La question mérite une réflexion. En tout cas, le 16 novembre dernier, le ministre de la Justice, Moussa Mahoma, a nommé Kamar-dine Aliani juge de l’application des peines auprès du tribunal de première instance.
Son rôle tel que défini dans l’article 722 du code des procédures pénales est de déterminer pour chaque condamné les principales modalités de son traitement pénitentiaire concernant trois circonstances : le placement à l’extérieur, la semi-liberté et les permissions de sortir.
Il peut également prendre l’initiative de faire établir une proposition de libération lit-on dans ce même article. Un décret en date d’avant-hier 27 février portait la nomination de Mohamed Soilihi Djae comme étant substitut général près de la cour d’appel de Moroni.
Ces deux personnes n’exerceront surement pas les mêmes missions, mais elles ont quelque chose en commun, leur désignation n’a pas eu l’avis du conseil des magistrats, qui existe mais n’a jamais fonctionné.
Et le statut des magistrats
L’article 8 de la nouvelle loi de 2016 sur le conseil supérieur de la magistrature dispose que “ le conseil arrête les noms des magistrats proposés à la fonction des magistrats du siège à la cour suprême, de premier président de la cour d’appel et enfin du président du tribunal de première instance. Il donne son avis pour la nomination de magistrat aux autres fonctions de siège.”
Pour Maitre Moudjahidi Abdoulbastoi, cette disposition n’a jamais été appliquée. Il citera l’article 39 de la loi portant statut de la magistrature de 2005, selon lequel, les auditeurs de justice reconnus aptes aux fonctions judiciaires sont nommés juges suppléants par décret du président de l’union en réunion du conseil supérieur de la magistrature. Suivant le rang de classement d’une liste qui leur est proposée.
Indépendance de la justice
Toujours est-il que le conseil lui-même n’est pas effectif bien que bon nombre de ses membres soient déjà désignés. Quid des multiples nominations survenues durant tout ce temps? L’absence de conseil constitue-t-elle une raison valable pour continuer dans ce laisser-aller ? Les nominations des juges devraient-elles être interrompues au risque de paralyser la fonction de l’administration judiciaire ?
Il revient au chef de l’Etat, premier magistrat du pays de veiller à la mise en place du conseil supérieur de la magistrature, a plaidé l’avocat. Avant de rappeler que
les décrets de nominations dans la sphère judiciaire sont entachées de nullité, aussi longtemps que l’institution n’aura pas été mise place. Au début, la raison évoquée pour justifier le non fonctionnement du conseil de magistrature avait comme raisonnement l’inexistence de la cour suprême vue que certains membres devaient être issus de cette cour, aujourd’hui cet argument ne tient plus.
Un avis partagé par Maitre Abdou Elwahab Msa Bacar, selon qui le conseil caractérise à lui seul l’indépendance de la justice en ce qui concerne les désignations des magistrats.
Organe disciplinaire des magistrats
Cet avocat estime que les nominations opérées juste après la mise en place du conseil sont “écornées”. “La mise en place de ce conseil est une avancée majeure en démocratie. Mais le fait qu’il ne soit pas effectif jusqu’à lors remet en cause l’indépendance de la justice” a fait savoir cet enseignant maitre de conférence à l’Université des Comores.
Il précisera aussi que cette instance émet deux sortes d’avis. Un premier qui est conforme c’est-à-dire le conseil donne son accord avant la désignation du magistrat. Autrement dit, l’autorité voulant nommer un magistrat doit se conformer à l’avis du conseil.
Le deuxième type d’avis par contre est simple. Il s’applique aux magistrats du parquet. Le procureur général, Youssouf Ali Djaé n’y voit pas une contrainte dans ces avis du conseil. Il reconnaitra tout de même que ce dernier peut proposer ou donner un avis sur la nomination d’un magistrat. Le président n’est pas lié au choix du conseil a-t-il insisté.
Pourquoi cet organe n’est toujours pas opérationnel? Le procureur estime qu’il s’agit d’une question de moyens. Le conseil existe déjà, d’ailleurs a-t-il donné comme exemple, il a une secrétaire générale à savoir, Nadhuima Youssouf, ancienne présidente de la cour d’appel de Moroni.
“La volonté politique est là car cela fait partie de la charpente du chef de l’Etat. Reste donc au ministère de la Justice d’accélérer les choses”, a-t-il fait savoir. Me Abdou Elwahab Msa Bacar soulèvera une mission primordiale que le conseil est censé remplir. Il est l’organe de recours.
A l’en croire, si un citoyen souhaite déposer un recours contre un magistrat, il doit le faire auprès du conseil. Une sorte d’organe disciplinaire pour les magistrats selon les termes de Youssouf Ali Djaé.