Considérée comme étant «le principal obstacle» qui freine le développement du pays, la justice comorienne fait parler d’elle dans toutes les couches sociales. Aux yeux des justiciables comoriens, les principaux maux qui rongent cet appareil reposent sur plusieurs points parmi lesquels, «la corruption, la non-exécution des peines, la lenteur liée à la non rédaction des jugements, la violation de certaines règles de bases, liées au respect de la procédure», d’après des professionnels du droits.
La liste est longue. En dehors de ces maux vus de l’extérieur, l’organisation et le fonctionnement de la justice souffrent de plusieurs problèmes de dysfonctionnement internes, dont le justiciable les passe sous silence. Il s’agit, entre autres, de la question de l’équipement de l’appareil dans son ensemble, des effectifs des magistrats dans les Cours et tribunaux, la formation continue et régulière des juges et conseillers, ainsi que leurs auxiliaires. A ces éléments, s’ajoute un point, pas du tout anodin, mais qui intéresse de loin les justiciables à savoir les conditions de vie et de travail des magistrats.
La réunion de ces éléments fragilise le système judiciaire du pays et ouvre la voie à toutes les derbies», note un auxiliaire de justice. On constate l’instauration d’une culture d’impunité qui rend le pays moins attractif aux yeux des investisseurs étrangers. Redorer l’image de cet appareil constitue un énorme défi pour tous les Comoriens, en particulier, au nouveau ministre de la Justice et Garde des Sceaux.
Formations régulières des magistrats
Interrogé sur les moyens et sa stratégie à entreprendre pour inverser cette mauvaise image, le nouveau patron de la justice qui a déjà pris fonction, Djaé Ahamada Chanfi a déclaré à la presse à l’issue d’une visite de courtoisie des membres du barreau de Moroni, qu’il ne va pas dire ce qu’il compte faire, car ce qu’il compte faire est déjà là. «Les hommes, les moyens et la politique du gouvernement que nous devons aller de l’avant. Si je dis redorer, cela ne veut pas dire que l’image est ternie à ce point comme le laisse entendre les gens », a-t-il cadré.
Du coté des magistrats, beaucoup doit être fait car il manque un peu de tout. Sans évoquer la question de la motivation, la résolution des problèmes d’équipements, d’effectifs et la multiplication des formations contribueraient beaucoup à l’organisation et à l’administration de la justice.
Traitement correct des salaires
Quant au bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Mohamed Abdouloihabi, la question de l’amélioration de la justice, ne doit en aucun cas, signifier un changement des juges. «Il faut avant tout améliorer le fonctionnement de toutes les institutions qui travaillent avec la justice afin que chacune ait sa place, son rôle et ses moyens pour travailler. Les magistrats doivent avoir les moyens pour travailler correctement, avoir des formations régulières afin de leur permettre de comprendre les plaintes et toutes les nouveautés qui surgissent dans la profession».
Sur la question des conditions de vie des magistrats, l’avocat plaide pour un traitement correct des salaires. «Si le magistrat ne peut pas vivre décemment, il sera tenté et ne pourra jamais faire son travail correctement. Il faudrait aussi améliorer les conditions de travail des auxiliaires de justice et les conditions de détention» dit-il. Au sujet des auxiliaires de justice, les greffiers estiment que le nouveau ministre doit avoir en tête, l’idée d’améliorer leurs conditions de vie et de travail avec un plan de carrière ambitieux.
Il serait mieux d’envisager une réforme des textes afin de donner la possibilité aux greffiers qui auront effectué dix ou quinze ans de carrière d’aspirer à devenir magistrats après une formation de recyclage.
La question de la révision des textes et de la formation continue est également sollicitée chez les notaires. Pour Me Monadro Mzé, la réforme des textes est nécessaire pour le bien de la profession. «Il faut également renforcer la collaboration et les liens de travail avec la justice dans le but de réduire les difficultés existant entre la justice, les justiciables et les notaires surtout dans le domaine foncier. La justice doit nous donner notre place au sein du système afin de nous permettre de jouer pleinement notre rôle».
Pour les huissiers de justice, leurs demandes se référent à la formation et à une amélioration des conditions de travail. Quant aux justiciables, Mze Mohamed Soulé, sortant de l’Université, déplore l’état des bâtiments qui abritent les tribunaux.
Pour lui, «la construction d’un palais de justice et d’une maison d’arrêt sont plus que nécessaire». A son tour, Amina Bacar Said, également sortante de Mvuni pense qu’il faut mettre l’accent sur le principe d’inamovibilité, de la morale, de l’intégrité et de la probité des juges. Selon-elle, pour éradiquer la corruption dela justice, une enquête de moralité doit être faite au préalable avant le recrutement du juge afin de se garantir de son indépendance, loin des pressions politiques.