“Hunu Ntsudjini ritsudjiha, yemagoba yo mendji, henamdru ngupviro yiloyashinda” (Ntsudjini, nous sommes purifiés, les portails sont nombreux, chacun passe où il veut), a chanté Abdou Mhadji, un célèbre chanteur de Twarab, originaire de cette ville historique, la ville aux multiples cultures, pour décrire sa ville natale, ville aux sept portiques. Située au nord-est de Moroni, dans la région d’Itsandra, au centre ouest de Ngazidja, Ntsudjini est une ville créée au XIV ème siècle (AP. JC) par la région d’Itsandra après une consultation de tous les walimu (marabouts) de la région, si on en croit notre interlocuteur.
Cette idée a pris naissance pour unifier les trois royaumes d’Itsandra de l’époque, à savoir, Bedja la Hamanvu, Bedja la Mbadani et Bedja lahe Itsandra yabaki. Ainsi, les walimu d’Inya Fwambaya s’étaient retrouvés à Itsandra mdjini et ont décidé de lâcher un coq dont le chant décidera de l’endroit où la ville devait être construite. Celui-ci s’arrêtera et se mettra à chanter sur une place nommée “Pvwa m’mwe” au sud-est de Ntsudjini actuel. Le coq rebroussera chemin et son trajet aurait donné l’idée de l’endroit aux dirigeants de l’époque. “C’est la région qui a décidé de fonder la ville. Et le nom de Ntsudjini veut dire que la ville est purifiée de toutes les mauvaises choses, notamment, la servitude”, explique Mohamed Bakri Saïd Abdallah, professeur d’arabe et éducation religieuse au Lycée Saïd Mohamed Cheikh.
Le premier roi installé dans la nouvelle cité, roi de toute la région d’itsandra et l’Inya Fwambaya, fut Ntibe wa Nkandzu. “Ntibe” fut aussi un titre qui voulait dire, à l’époque, roi des rois. Il sera succédé par Mgongwa et Msafumu Djimba Dalandze qui fut également roi de la région de Hamahame. Plusieurs rois se sont succédés. On peut citer ainsi Wa Bedja wa Seha la Djumbe, Fumu Mvundza Mbanga, Djumwa M’ba Nguzo, Fumnau wa Kori, Fe Fumu, Bwana Fumu Kalwauso et … MsaFumu. Ntsudjini est surnommé “Ntsudjini ngome”, la ville aux remparts. C’est le roi Fumnau wa kori qui aurait construit ce rempart pour empêcher les invasions et les razzias malgaches qui déportaient des comoriens pour aller les vendre ou les faire travailler comme esclaves.
Le rempart de Ntsudjini comporte sept portails et neuf “Bunari” ou “Bunau-lharis”, des petites cabanes pour les sentinelles. Elles sont généralement placées près des portails, mais plus haut que ces derniers. Les sept portails sont “Goba lo Mbaleni”, “Goba la Djufudjuu”, “Goba la Mdjendje wanyoshi”, “Goba la Madzawendzi”, “Goba la Yizimbuzi”, “Goba la Salama” et “Goba la Trandzikowa”. Le plus célèbre est Goba la Salama qui veut dire le portail de la paix. Il s’agit du portail qui servait d’entrée pour la ville. “Au cas où les étrangers ont de mauvaises intentions, les prières écrites par dessus le portique protège la ville et ses habitants”, a raconté notre interlocuteur avant de montrer en outre que les guerriers passaient toujours par cet endroit avant d’aller à la guerre.
“Bunarishenda”
Même si il y a d’autres tribus actuellement, la ville de Ntsudjini est formée de douze lignées principales, à savoir, Yinya Mwankodo, Yinya Yitambi, Wenya N’ndji, Wazazini, Wa Mwiyinani, Wa yinya mwalimwa yilezo, Wenyamdrwa bedja, Wa kwiyini, Wa Mababani, Wa Nkurani, Wa Bangwa et Wa Shwambadju. Toutes ces lignées, ont, selon Mohamed Bakri Saïd Abdallah, leurs sens. Par exemple, en ce qui concerne “Wa yinyankodo”, il s’agit du premier lignage de la ville après le lignage royal. Celui vient de la descendance de la princesse Mwa Nkodo, une des filles du roi Ntibe wa Nkandzu. “Wa Mwiyinani incarne la lignée des wanazioni (les ulemas). Cette dynastie a pris la place de “Wanashihali” à qui revenait la “fatha” (une des prières les plus considérées aux Comores).
Ntsudjini est connu pour plusieurs choses, notamment pour ses “Sharif”, descendants du prophète. A Ngazidja on connait deux principales familles de Sharif, Abu Bakri Bin Salim et Djamalu’layli. La première vient de Hadhramoth, au Yémen. De là à Pate, Zanzibar puis Domoni ya Ndzuani avant de venir à Ngazidja avec Ahmed Al-Mihdhoir qui s’est marié avec une des princesses de Dahwa Mhadju de Ntsudjini. Pour la seconde, elle vient toujours de Hadhramoth. C’est la tribu de Mwinyi Bahassane. Ce dernier a enfanté vingt-quatre hommes qui ont agrandi la lignée Ahlu’lbayti.
En ce qui concerne la religion, Ntsudjini reste le berceau du chafiisme aux Comores. Après avoir appris aux côtés de Mchamiwa buna (wa Ibn Kalam originaire de Liban), Mwigni Bahassane a enseigné l’islam de rite chafiite à plusieurs disciples qui l’ont par la suite transmis à d’autres disciples.
“C’est ainsi que le chafiisme s’est propagé dans le pays”, a explique ce professeur d’arabe et d’éducation religieuse. Quant aux twarikas (confréries), celle du Shaduliyat al-yashrutwiyat s’est implantée aux Comores à travers Abdallah Daroueche, originaire de Ntsudjini. Ce dernier l’a enseigné à Mohamed Bin Cheikh Al-Maarouf. L’autre twarika du Qadiriyat aurait été emmené par un autre Cheikh de Ntsudjini, Muhammad Bin Ahmad Mdjassiri qui aurait appris aux côtés de Sayyed Omar Kulatayin disciple de Cheikh Ouessou Bin Muhammad Al-Qadiry.
Pour la petite histoire, le twarab aurait été également transporté de Tanganyika par Muhammad Ali Magongo en 1920. Il est originaire de Ntsudjini. Il a enseigné l’utilisation des instruments musicaux de l’époque à plusieurs comoriens d’autres villes, comme Mitsamihuli, Moroni et autres. Ntsudjini Ngome a enfanté la première femme reine qui a dirigé à l’époque un royaume. Il s’agit de Wa Bedja Wa Seha La Djumbe.