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Observatoire volcanologique du Karthala I Les hommes de l’ombre qui surveillent le volcan

Observatoire volcanologique du Karthala I Les hommes de l’ombre qui surveillent le volcan

Société | -   Abouhariat Said Abdallah

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Ils sont deux seulement à s’occuper de la surveillance volcanologique du Karthala. Un géophysicien et un ingénieur informatique. Ces deux techniciens se rendent au site du volcan, en moyenne 4 fois par mois, pour leur travail. Au début, ils effectuaient 7h de temps de marche pour s’y rendre. Puis en 2015, la route qui part de Mvuni ya Bambao sera tracée. Mais le chemin ne demeure pas pour autant praticable. Si pour eux le trajet est plus ou moins facile, il n’en est pas autant pour le travail une fois sur place. «Nous devrions être 10 au moins pour effectuer la surveillance du Karthala, nous demandons donc au gouvernement de se pencher sur cette question car parfois nous sommes dépassés», a expliqué l’ingénieur informatique de l’Ovk, Mogne Ali Moussa. Les deux techniciens rendent un hommage au Pnud qui appuie l’Ovk.

 

Ils sont deux. La trentaine largement dépassée. Ils travaillent depuis maintenant 11 ans pour l’Observatoire volcanologique du Karthala (Ovk). Lorsqu’ils ont commencé à travailler, avant que la route de Mvuni vers la zone du Karthala ne soit tracée, ils montaient au Karthala à pieds. Ils passaient pratiquement 7 à 8h de marche. Une fois arrivée, ils dormaient, c’est le lendemain qu’ils arrivaient à travailler. Depuis 2015, une route a été tracée, une route caillouteuse et difficilement praticable. Cependant, cette route leur permet de s’y rendre en voiture. C’est un ouf de soulagement pour ces deux jeunes hommes.


Shafik Bafakih, le géophysicien, se souvient encore de sa première visite au Karthala. «Nous avons effectué le voyage la nuit. Nous avons fait 7h de marche. Heureusement que c’était la nuit. Si c’était la journée, j’aurais fait demi-tour. Lorsque nous sommes arrivés, j’ai dormi une journée entière pour pouvoir récupérer et travailler», a-t-il relaté. Pareille pour Mogne Ali Moussa, l’ingénieur informatique de l’Ovk. Ce dernier ajoutera qu’»à la seconde fois où j’ai posé mes pieds sur le sol du Karthala, la première chose qui m’est venue à l’esprit c’est de démissionner à mon retour à Moroni». Onze ans plus tard, ils effectuent la montée en moyenne quatre fois par mois pour leurs observations. Parfois plus, parfois moins. Ils s’y rendent pour surveiller les mouvements du volcan. Ou pour recueillir les données, en cas de dysfonctionnement d’une des stations.


C’est le cas pour ce dimanche 25 septembre 2022. Assis à même le sol à la station Cabane, Moussa Mogne Ali se concentre sur la station sismologique. Il ouvre un grand boitier noir. À l’intérieur, on pouvait voir plusieurs câbles qui s’entremêlent, des batteries et autres matériaux. Il essaie de détecter le problème. Selon lui, «il y a un problème au niveau du format Gps. Nous sommes donc venus télécharger les données directement sur le Gps». Il affirme qu’à partir de l’observatoire sis au Cndrs, ils arrivent à détecter un problème ou savoir si telle station ne fonctionne pas.«Il se peut parfois qu’il y avait une forte pluie qui a occasionnée une défaillance au niveau de la transmission. Mais si le problème persiste au bout de trois jours, nous devons vite venir vérifier sur place ce qui se passe».

Suivre de près l’évolution du Karthala

C’est le cas de la station Cabane qui, depuis trois jours, ne transmettait pas les données. L’équipe a donc fait le déplacement. Sur place, l’ingénieur informaticien de l’observatoire découvre qu’il y a un problème au niveau du câble réseau. «Nous allons à l’observatoire pour le changer», indique-t-il avant de souligner que «malgré le fait que le matériel soit enfermé dans une boite, comme il n’y a pas de clôture, il est souvent endommagé. Les insectes peuvent entrer à l’intérieur. Parfois, les câbles sont coupés par les bovins qui circulent. Toutes les stations doivent être clôturées pour avoir un minimum de sécurité».


Moussa Mogne Ali déplore les vols à répétition du matériel de l’observatoire. L’ingénieur informaticien se souvient encore de ses premières activités dans ce job. «Nous transportions tous ces équipements et batteries sur nos têtes, on venait à pied, depuis Mvuni ya Bambao. On faisait 7h de marche. On restait 4 jours pour travailler. Imaginez le calvaire qu’on vivait», a-t-il fait savoir avant de poursuivre que «Dieu merci, maintenant la route est tracée, nous venons en voiture et sauf en cas de force majeur, on rentre le même jour. Avant, il était impossible de passer une journée seulement ici».


En tout cas, le rôle principal de ces deux techniciens est de faire fonctionner toutes les stations qui surveillent le volcan. En tout, elles sont 7, éparpillées dans plusieurs coins de l’île de Ngazidja. Ces techniciens ont pour autres missions de prendre les informations qui émanent des 7 stations, les compiler, les analyser et montrer la situation du Karthala à partir de ces informations. «Nous sommes deux à nous focaliser et à travailler sur l’aspect opérationnel. Mais nous pouvons demander de l’aide en cas de besoin. Toutefois, avec deux personnes seulement, ce n’est pas suffisant pour surveiller ce volcan», a souligné Shakif Bafakih. C’est ainsi que les deux techniciens insistent sur le manque de ressources humaines. «Deux personnes c’est vraiment insuffisant pour cette tâche. Souvent nous sommes dépassés, mais nous faisons le maximum. Normalement, nous devrions être toute une équipe», ont-ils fait part.

Plusieurs variations et fluctuations

Shafik Bafakih souligne qu’il y a plusieurs aspects de la volcanologie et aux Comores, il y a des personnes qui ont fait des études de certains domaines, mais il leur reste à faire des formations pour se spécialiser. Il regrette toutefois l’absence de politique de recrutement permettant de renforcer l’équipe de l’observatoire.Par rapport à l’alerte jaune, la vigilance est toujours de mise. «Chaque donnée est importante car nous sommes dans une situation d’incertitude. Nous sommes obligés d’avoir toutes les informations à temps pour pouvoir apprécier l’évolution du volcan», avance Shafik, temporisant toutefois que depuis le début de l’alerte jaune jusqu’à maintenant, l’activité a diminué et la situation est stabilisée, mais pas au point qu’on soit rassuré.«Il existe plusieurs phases pour l’alerte jaune. À ce stade, il y a plusieurs variations et fluctuations. La situation peut changer à tout moment. Donc même si l’activité est profonde, nous ne pouvons pas lâcher, nous devons toujours être vigilants», insiste Shafik. Et Moussa de renchérir que «dans ce poste, nous devrions être en moyenne 10 personnes, et nous ne sommes que deux à y travailler. Nous voudrions tirer la sonnette d’alarme à nos gouvernants que deux personnes pour surveiller le volcan Karthala c’est vraiment insuffisant».

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