La nouvelle direction générale de la Banque postale des Comores (Bpc) imprime ses marques, un mois après son installation. Elle doit toutefois faire face à une gronde de certains clients qui accusent la banque publique de « retards manifestes » dans l’octroi de crédits et des découverts. «Vous faites une demande, cela prend des jours voire des semaines, on n’a jamais vu ça. Qu’est ce qui se passe ? », s’est demandé un client, un employé d’un ministère, rencontré hier à l’entrée de la banque (Ex Snpsf, Moroni Port).
Les clients sinistrés en priorité
Les clients, habitués au traitement rapide de leurs dossiers, soit soixante-douze heures maximum, se voient contraints de faire des allers-retours sans succès. Un brusque changement de méthode qui irrite de nombreux clients souvent désabusés, mais qui restent malgré tout curieux pour savoir les raisons de cette lourdeur de procédure supposée. «Qu’ils nous disent pourquoi ils nous traitent de cette manière. Comment est-ce possible de faire des semaines sans aucune réponse», a lâché une autre cliente qui affirme avoir déposé son dossier de demande de crédit « depuis le 6 avril, avant l’Aïd el Fitr », soit presque un mois.
Approchée, la nouvelle directrice générale a, dans un premier temps, réfuté les informations selon lesquelles la Banque a gelé les crédits et les découverts. «C’est faux, nous signons tous les jours des demandes de crédits et des découverts au profit de nos clients. Mais nous accordons une grande priorité aux sinistrés de ces derniers temps et les sociétés qui ont d’énormes difficultés après les inondations», a souligné hier Hayate Hamadi Soulé, nommée le 15 avril dernier à la tête de la Banque postale des Comores (Bpc).
Respect de l’orthodoxie bancaire
À l’entendre, la banque n’a nullement pas cessé l’octroi des crédits, mais priorise ceux qui en ont vraiment besoin, plus particulièrement les sinistrés. Et ce, en faisant suite à une demande des autorités étatiques. «Il y a des sociétés impactées par les inondations. De nombreux employés n’ont pas été payés à cause de cela. Nous examinons les dossiers en fonction de nos capacités à répondre rapidement aux demandes de nos clients fortement impactés», a-t-elle éclairé. Selon elle, la nouvelle direction a besoin d’au moins «6 mois » pour « bien soutenir ces clients affectés et réorganiser les procédures d’octroi des crédits » avec un strict respect de l’orthodoxie bancaire dans un contexte de baisse des crédits bancaires. (Lire notre article sur le dernier bulletin de la BCC, page 5).
La nouvelle directrice générale, visiblement très attachée aux règles prudentielles, souhaite instaurer une vraie culture bancaire sur toute la chaîne de la banque postale tout en tenant compte des réalités comoriennes en la matière pour « mieux répondre efficacement aux aspirations de nos clients», selon ses mots. Elle souligne que la banque ne peut pas accorder un prêt à un client dont la situation de solvabilité demeure critique au risque d’enfreindre les lois en vigueur et exposer l’institution à de potentielles sanctions. «Une banque n’a pas le droit d’endetter un client au-delà des 33% de ses capacités de remboursement sinon elle sera réprimandable», a expliqué Hayate Hamadi Soulé.
Une nouvelle cure de procédure qui explique sans aucun doute ces longs délais de traitement des dossiers et probablement ces refus de prêts à certains clients dont la posture est en totale déphasage avec la vision de la nouvelle instance dirigeante. Si les mesures assumées par la nouvelle directrice restent légales, elles marquent toutefois une rupture avec la sociologie bancaire aux Comores avec «les facilités créées de bouche à bouche entre les clients et les agents en raison de leur proximité avec les dirigeants» de l’institution.
La jeune femme, elle, n’y souhaite pas suivre « la cadence et le rythme ancrés dans la tête des clients » tout en promettant « des lendemains meilleurs à ces memes clients » aussi longtemps que seront déployées l’ensemble des mesures. Face à la résistance au changement, elle compte bien aller au terme «des réformes utiles» à la nouvelle banque.
«Je ne veux pas qu’on me juge sur ces mesures mais sur les résultats qui en découleront. Je sais que ce n’est pas du tout facile au début. Mais je suis convaincue que ce que je fais aujourd’hui aura demain un impact positif sur la vie de nos clients. Je veux qu’on me juge sur mes résultats et non sur mes actions», dit-elle, se disant encore convaincue «que tout se portera à merveille pour l’ensemble de notre clientèle». Interrogée sur la date de lancement officiel des activités de la nouvelle société, Hayate Hamadi Soulé dit «attendre les instructions de l’Etat», actionnaire unique de la Banque postale des Comores.