logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

Opération Wuambushu I Des témoins affirment avoir bien vu «des refoulés»

Opération Wuambushu I Des témoins affirment avoir bien vu «des refoulés»

Société | -   Faïza Soulé Youssouf

image article une
A Mroni, au centre de Mutsamudu, il n’était question que de la reprise des liaisons maritimes entre l’île comorienne de Mayotte et Anjouan mercredi 16 mai. Tous affirment que parmi les passagers, il y avait des personnes expulsées. Le gouvernement soutient qu’il n’y a eu que des candidats volontaires au départ.

 

La reprise des rotations de la Sgtm (Société de gestion et de transport maritime), entre l’île comorienne de Mayotte et Anjouan, a occupé l’essentiel des conversations dans la capitale anjouanaise, le lendemain jeudi. A Mroni, au cœur de Mutsamudu, les citoyens rouspètent. Ils disent ne pas comprendre pourquoi des personnes expulsées de Mayotte ont été admises ici. «Ils ont publié les actes administratifs et multiplié les déclarations publiques pour dire que seuls seront acceptés ici les volontaires au départ, mais moins de 48 heures plus tard, ils font le contraire de ce qu’ils avaient annoncé», accuse Ali Soilihi Chawal-Eddine.

Lui assure avoir vu de ses propres yeux « des Comoriens expulsés de Mayotte », qui auraient quitté le port «sous bonne escorte en passant par un portail dérobé». «L’Etat comorien ment », dénonce Chawal, occupé à peindre les murs d’un des jardins de Habomo. L’homme ne décolère pas, lui qui a vu, selon son chiffre, « 4 expulsés».

Il pointe du doigt ce qu’il considère

Au niveau de la poste, non loin de là, il y a un autre jardin, plus spacieux, mais qui laisse moins passer le soleil, avec des herbes folles. Ici logent des personnes expulsées de Mayotte qui n’ont pas d’ancrage sur l’île de Ndzuani. Nous y rencontrons 2 d’entre eux qui refusent de s’exprimer. L’un est allongé, un bras lui barrant le visage, l’autre est assis et fume une cigarette. Un Mutsamudien assis sur un des bancs en béton nous affirme qu’« ils viennent de Ngazidja » et qu’ «ils ont été refoulés depuis un petit moment déjà ».


A la mairie de Mutsamudu, l’édile de la ville ne cache pas son inquiétude. Bouchrane Zarouki a multiplié les interventions médiatiques pour dire son opposition à l’opération Wuambushu. Il nous reçoit dans son bureau. Il trouve que la reprise des liaisons maritimes entre les 2 îles, distantes de 70 kilomètres, est trop rapide. « Il aurait fallu, en amont, négocier avec les acteurs de manière à rendre rationnelle cette action qui allait être menée, d’autant plus que nous n’avons aucune garantie concernant les gens qui ont été expulsés de Mayotte», estime-t-il. Lundi, le porte-parole du gouvernement avançait que «les mécanismes d’identification des volontaires au départ vont être clarifiés ».

 

Si ces mécanismes sont désormais connus des autorités, elles se sont alors abstenues d’en faire la plus petite communication. «Hier, il y a eu 16 reconduits, c’est un peu ce qui a toujours existé», affirme le maire. Il pointe du doigt ce qu’il considère être un bémol. «La police aux frontières comoriennes, au lieu de se contenter de collecter les informations basiques aux services d’immigration, aurait dû essayer d’aller plus loin de manière à ce qu’on sache qui sont les expulsés, d’où ils viennent, ce qu’ils faisaient, est-ce que ce ne sont pas des violeurs, des voleurs, des assassins… », déplore le premier magistrat de Mutsamudu, qui estime être, plus que tout autre, victime des conséquences, avec notamment la montée «d’une criminalité d’un nouveau genre» dans sa ville.


Mercredi en début de soirée, le porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidie, soutenait mordicus que seuls des refoulés volontaires avaient été admis au port de Mutsamudu. «Clairement et nettement, il n’y a eu que des départs volontaires. Selon la réglementation en France, on ne peut forcer personne à embarquer dans un avion ou à monter dans un bateau si l’on n’est pas consentant».

Commentaires