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Opinion : Dix mille naissances à Mayotte, un chiffre manipulable

Opinion : Dix mille naissances à Mayotte, un chiffre manipulable

Société | -   Contributeur

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"4 enfants sur 10 sont nés de parents étrangers”. Autrement, on peut lire que 6 enfants sur 10 sont Français. Rapporté aux dix mille naissances évoquées, cela nous permet de dire que 6000 enfants nés à Mayotte sont Français (...)

 

Dans son bulletin intitulé “Insee Flash Mayotte”, numéro 54 du mois d’août 2017, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) annonce qu’en 2016, il y a eu 9500 naissances à Mayotte. L’institut indique qu’il s’agit d’une “natalité record”» et ajoute que “les trois quarts des enfants nés en 2016 ont une mère de nationalité étrangère, comorienne pour la plupart”.Depuis, il n’y a qu’une seule lecture faite sur ces chiffres.

Une lecture politique

Pour justifier leurs attaques et souvent leur haine envers une partie de la population de l’archipel des Comores installée à Mayotte, les élus mahorais avancent ce rapport des “trois quarts”. Ainsi, dans sa proposition de loi présentée à l’Assemblée nationale française et enregistrée le 28 septembre 2005, soit 12 ans avant, le député Mansour Kamardine évoquait déjà que “80 % des accouchements à la maternité de Mamoudzou sont le fait de femmes étrangères en situation irrégulière”.

Dans le journal télévisé de France3, mis à jour le 14/03/2018, il est indiqué que “Pour lutter contre l’immigration illégale, le gouvernement réfléchit à un statut extraterritorial pour la materni té de Mayotte. Il voudrait ainsi dissuader les mères étrangères d’y accoucher afin que leurs enfants devienne des Français”.

Dans ce même journal, le porte-parole du gouvernement français, Benjamin Griveaux déclare que “quand vous avez un mois de RSA à Mayotte, c’est une année de revenu aux Comores”. Au niveau des réseaux sociaux, les attaques sont encore plus virulentes. Dans une revue intitulée [FDESOUCHE.COM] on peut lire une déclaration datée du 15/3/2018 par ces termes : Immigration : “Mayotte ne peut pas contenir toutes ces naissances. (…) On est en train de remplacer la population mahoraise”.

S’il est vrai que “trois quarts” représentent 75% d’un chiffre, sur le plan démographique il n’y a pas que les mères comme dénominateur commun. Ainsi, il est possible de lire autrement les dix mille naissances objet de toutes les spéculations à Mayotte.


Une autre lecture scientifique Etude quantitative et qualitative des caractéristiques des populations et de leurs dynamiques, la démographie prend en compte plusieurs paramètres dont celui de la natalité. Selon le même document de l’Insee, il est indiqué que :

“4 enfants sur 10 sont nés de parents étrangers”. Autrement, on peut lire que 6 enfants sur 10 sont Français. Rapporté aux dix mille naissances évoquées, cela nous permet de dire que 6000 enfants nés à Mayotte sont Français.

Autre remarque, en se basant seulement sur les mères étrangères par rapport à ces naissances (74%), ces chiffres de l’Insee cachent d’autres réalités : Il n’est pas indiqué le rang de naissance de l’enfant à Mayotte (1er, 2nd …enfant). Or, si une mère sans papiers accouche 3 enfants à Mayotte et qu’elle est comptée 3 fois clandestine, cela fausse la lecture de l’immigration.

Dans ce pourcentage des mères étrangères, il n’est pas précisé celles qui ont une carte de séjour ; ce qui change complètement la lecture de l’immigration clandestine. Il n’est pas non plus indiqué depuis combien de temps la femme était présente à Mayotte avant d’avoir un enfant.

Autre point, aucune indication sur les mères seules, or il est bien connu qu’à Mayotte beaucoup d’hommes, ayant la nationalité française, font des enfants avec des mères sans papiers et refusent de reconnaître ces enfants. Qu’en sera-til le jour où le test ADN et la pension alimentaire seront imposés à ces pères ?


Quant aux naissances hors mariages, si la proportion de mères étrangères est très élevée (95%), c’est parce que souvent les pères de ces enfants ont déjà une ou plusieurs femmes ailleurs. Il est aujourd’hui impossible de savoir le nombre d’enfants nés en dehors du cadre du mariage civil et religieux.

En définitive, si l’immigration dite “clandestine” pose des sérieux problèmes à Mayotte, il est plus objectif de comprendre qu’elle peut servir de manipulations en tout genre. Des aspects, pourtant fondamentaux comme ceux du droit, sont volontairement occultés. Or, une telle pratique n’aide pas à trouver les solutions les plus adaptées et pérennes pour les habitants d’un archipel condamnés à vivre ensemble.

Avant même d’ouvrir les yeux pour découvrir le monde qui les entoure, ces bébés sont déjà l’objet de rejets, de conflit et de haine de la part des adultes qui sont censés les protéger. Alors qu’à leur naissance ils sont déjà désignés comme “délinquants”, on peut se demander si ces bébés ne sont pas les premières victimes de cette haine venue d’ailleurs  ?

Comme le dit Jean-Jacques Rousseau : “La nature a fait l’homme heureux et bon, mais […] la société le déprave et le rend misérable”.

Mohamed Chanfi

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