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Opinion I Des atouts naturels des Comores pour émerger

Opinion I Des atouts naturels des Comores pour émerger

Société | -

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L’agriculture, la pêche et le tourisme demeurent indéniablement les secteurs porteurs de l’émergence du pays. Ils sont des atouts naturels.

 

Un ami et ancien ambassadeur auprès de l’Union des Comores m’a fait observer un jour que «le système d’alternance au sommet de vos Etats» -ces pays, auparavant qualifiés du Tiers-monde et, aujourd’hui, gratifiés pompeusement de Pays en voie de développement pour cacher la réalité de leur misère -«n’est pas adapté au développement escompté». Je crois qu’il y a une certaine vérité dans cette assertion du diplomate, particulièrement, pour les Comores. Et j’ajouterai même que la politique de donation ou la diplomatie de la mendicité érigée en politique de développement dans beaucoup de pays du continent, notamment, ne résout en rien les multiples crises qui rongent les populations.


Le continent aurait besoin d’une vision durable et multiplicatrice de la continuité de l’Etat. Cette voie reconnue idéale pour mieux émerger. Il faut surtout faire sortir les pays de ce cercle infernal d’un éternel recommencement sans lendemain meilleur pour les peuples. Il faudrait instaurer, plutôt, une culture de reprise des actions entamées par les régimes précédents pour le seul intérêt de la Nation.

C’est dire que rempiler un second mandat pour un régime ne serait, en aucun cas, jugé abusif si et seulement si le pays et son peuple gagneraient sur tous les plans. Les droits et les devoirs devront être protégés et respectés ; l’alternance dans un climat apaisé et la continuité des projets de développement garanties pour l’intérêt général. Il faut, pour cela, que les hommes et les femmes qui prétendent gouverner les Etats dans cette partie de l’hémisphère sud proposent des projets de société qui se veulent ambitieux de résoudre les difficultés socioéconomiques des pays et leurs peuples, toutes couches confondues.

Un plan de développement adapté à la réalité

Dans notre pays, hormis la courte expérience du régime révolutionnaire (1975 – 1978) avec son plan quinquennal, le fameux Pula yamaendeleo ya maha mitsanu, aucun autre régime n’a produit un plan de développement adapté à la réalité du pays. Comme partout sur le continent, ce sont de gros catalogues d’idées pondus dans les salons et salles de réunions des hôtels, sans véritable incidence sur le sort des pays auxquels ces documents sont destinés. Souvent l’expertise internationale sollicitée n’y apporte que du copier-coller d’objectifs inatteignables à certaines mesures.


Au bout de ses quarante-six ans d’indépendance, les Comores font partie des rares pays qui ne maîtrisent pas encore son industrie de fabrication, ne serait-ce que d’un clou pour soulager la souffrance des menuisiers et autres artisans qui doivent s’armer de patience à attendre l’arrivée probable d’un navire au port de Mtsamdu ou de Moroni. Les pénuries des produits dits de première nécessité continuent de hanter encore la population à longueur des années. Le poulet, la viande et même le poisson, des fois, manquent cruellement sur le marché, faute d’une bonne organisation des secteurs avicole, pastoral et de la pêche. Le sel vient exclusivement de l’extérieur pour un archipel qui baigne dans un océan le plus salé de la planète.


Le pays vit, en effet, une dépendance presque totale de l’étranger. Les quelques initiatives privées entreprises çà et là dans le passé n’ont jamais abouti pour diverses raisons. Loin de pratiquer une politique protectionniste, l’Import a pris le pas sur l’Export et le marché intérieur reste inondé de produits qui asphyxient la production locale. Les îles exportent essentiellement de la vanille, de l’ylang-ylang et du girofle dont les prix dépendent de leur fluctuation sur le marché international. Dans un passé récent, des unités de fabrication ont vu le jour, au fil des temps, dans l’archipel mais n’ont pas tardé à s’évanouir à jamais. De l’habillement à la tôlerie en passant par d’autres productions industrielles. Nous avons en mémoire, entre autres, l’expérience de Confection industrielle des Comores (CIC) qui offrait des habits de qualité cousus «Made in Comores» ; Secatol qui proposait des tôles fabriquées dans le pays ; la fabrication du savon ou la production de Bimbo, cette marque d’une boisson fabriquée aux Comores.

Concurrence, étroitesse et manque de compétitivité

Des industries qui seraient victimes de nombreux goulots d’étranglement. Parmi tant d’autres, la concurrence générée par le flux massif de l’Import, l’étroitesse du marché intérieur et le manque de compétitivité de nos produits locaux qui demeure toujours un défi majeur de l’économie comorienne. Cependant, dans le tissu industriel des Comores différentes petites unités, à encourager, tentent encore de se relever et résistent à ces aléas du climat économique. Il s’agit, en l’occurrence, de sociétés de production d’eau minérale, de transformation et conditionnement des produits cosmétiques sur la base des huiles et parfums comoriens, de production de matelas, de fabrication de tôles et de fers, de fourniture d’énergie, de production de gaz domestique, du BTP, de production de Yaourt et autres produits laitiers.


Tout en accompagnant cette éclosion de la petite industrie locale comme valeur ajoutée, la promotion et la valorisation de la production dans les secteurs clés du développement du pays, à savoir la pêche, l’activité agro-pastorale et le tourisme – les atouts naturels de l’économie des Comores -seraient les véritables leviers de l’ascension vers l’émergence. Des pays comme le Brésil et l’Afrique du Sud se sont appuyés, entre autres, sur une agriculture diversifiée et sur d’importantes autres ressources pour intégrer le club plus convoité du BRICS.

Eviter l’erreur du régime révolutionnaire

Potentiellement, l’économie du pays reste dominée par le secteur agricole avec un climat tropical humide rendant la terre généreuse. Cependant, la densité de la population est telle que les nombreuses exploitations familiales sont de petite taille et l’accès à la terre est un enjeu crucial pour bien des familles. D’une agriculture fortement de subsistance, les cultures vivrières, avec la pêche artisanale et le petit élevage, représentent 80 % de la production agricole. Ainsi, à défaut de puissantes sociétés agricoles ou de pêches, mettre en place des coopératives dans les filières de l’agriculture, l’élevage et la pêche seraient des leviers d’action et catalyseur indéniable de l’émergence. Et comme cette agriculture artisanale est moins rentable - et pour éviter l’erreur du régime révolutionnaire de nationaliser les propriétés foncières privées – l’extension des espaces cultivables à mettre à la disposition des coopératives agricoles passerait par des contrats de location des terres. Le regroupement des pêcheurs en coopératives dotées de moyens de travail modernes serait aussi une solution palliative à une pêche artisanale moins productive.


En effet, la pêche demeure la seconde activité traditionnelle des Comores. Destinée à la consommation intérieure, elle fait travailler près de 6% de la population active. Le secteur est, cependant, très prometteur et peut être très rentable au niveau socio-économique. Il suffit de lui faire bénéficier d’une organisation et d’un soutien de l’Etat en matière d’investissements, pour la fabrication de bateaux de pêche, la construction d’infrastructures, la conservation et la commercialisation des produits de la mer. A ce point, la revitalisation du projet de création de la Société nationale de pêche, sise à Vwadjuu, servirait de point d’ancrage à cette vision.


Par ailleurs, de nouvelles activités se développent vers de nouveaux secteurs tels que le tourisme. Ce dernier a de grandes potentialités car le patrimoine naturel et culturel des Comores est exceptionnel. Mais de nombreuses contraintes entravent le développement de cette activité, notamment la capacité hôtelière insuffisante, le manque de routes et d’aéroports, l’absence de ligne aérienne directe entre les Comores, l’Europe et d’autres nombreuses destinations de par le monde. A cet effet, des chantiers devront être engagés pour que le tourisme soit aussi un facteur de l’émergence du pays.

En outre, des projets d’écotourisme, proches des populations et respectueux de l’environnement, sont mis en place et devront être encouragés. L’archipel a aussi d’autres atouts qui forcent son admiration, s’agissant de sa flore et faune endémique ainsi que des zones protégées pour mieux sauvegarder la biodiversité terrestre et marine.
Il est permis, cependant, de croire qu’atteindre l’émergence tant souhaitée ne pourrait pas être une chimère, à condition que les projets de développement économique soient bien orientés et soutenus à tous les niveaux, car un pays émergent est défini comme étant celui qui connait une forte croissance économique sans pour autant que le niveau de développement de la population soit égal à celui des pays riches du Nord.


Mohamed Soilihi Ahmed
Grand reporter
salehmohamed01@yahoo.fr

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