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opinion I À inflation sauvage, des sanctions sévères

opinion I À inflation sauvage, des sanctions sévères

Société | -

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Quand on discute avec les grossistes, certains répondent qu’ils vendent conformément aux prix homologués. Tout n’est pas vrai. Un contrôle sérieux le démontrerait. Par contre, il ne fait aucun doute que les détaillants et autres revendeurs abusent trop. Le tout sur fond d’un raisonnement à l’emporte-pièce, à savoir l’augmentation des frais de transport. Dans Moroni, on est passé de 200fc à 300fc le taxi. 100fc d’augmentation. Comment alors comprendre que des gens revendent 17500fc le carton d’ailes de poulet acheté à 12500fc, arguant que le transport est cher ?

 

Dans son allocution, lors de la présentation des vœux du nouvel an au chef de l’État, le gouverneur d’Anjouan, Anissi Chamsidine, a interpellé le gouvernement en déclarant, je cite : “ Si l’État fixe à 350f le litre de pétrole lampant, que la population puisse l’acheter effectivement à 350fc”. “Si l’État fixe à 400fc le kg de riz ordinaire, que la population puisse l’acheter effectivement à 400fc”. On pourrait renchérir en disant que si l’État fixe à 1100fc le kg d’aile de poulet, qu’on ne nous le vende pas à 1750fc ou plus. Et on pourrait ainsi multiplier à l’infini les exemples de produits de première nécessité que personne n’achète aux prix fixés par l’État.

L’État doit prendre ses responsabilités

Ce qu’a dit le gouverneur Anissi Chamsidine vient rappeler que l’État a l’obligation de faire respecter les prix qu’il fixe. Nous, consommateurs et citoyens ordinaires, demandons tout le temps le suivi du respect des prix homologués. Aujourd’hui, c’est une autorité qui interpelle le Président de la République. Son message est limpide : pour lutter contre les abus, l’État doit prendre ses responsabilités. Étonnamment, un peu moins d’un mois après l’annonce faite par le ministère de l’économie de contrôler les prix des produits de première nécessité, la montagne semble avoir accouché d’une souris. Les nouveaux prix ont été tant bien que mal affichés, les gendarmes sont descendus sur le terrain juste pour faire un peu de sensibilisation et la boucle était déjà bouclée.


Comme d’habitude, aucun changement n’a été constaté. Les prix sont demeurés les mêmes. Pour certains produits, ils ont même carrément augmenté. C’est devenu une habitude : les consommateurs subissent la flambée sauvage des prix, le gouvernement annonce des mesures pour en contenir les effets mais dans les faits les choses restent en l’état. Quand alors vont cesser les sempiternels coups d’épée dans l’eau auxquels on assiste régulièrement ? Quand on regarde l’arrêté portant nouveaux prix des produits de première nécessité et les prix pratiqués sur le marché, le décalage est scandaleux. L’abus est flagrant.

A l’inflation mondiale s’ajoute une inflation inventée de toutes pièces par des hors la loi

Personne ne respecte ces prix, surtout les détaillants et autres revendeurs. Ils réalisent ainsi des bénéfices excessifs parce qu’ils ne sont contrôlés par personne. C’est pourquoi l’État doit marquer sa présence car on a l’impression d’être dans un pays de non droit. Les commerçants, grossistes et détaillants, ne peuvent plus ainsi passer outre les prix homologués et jouir d’une impunité totale. Ce n’est pas possible. Il faut faire quelque chose. Pour de vrai. Et pas les habituels effets d’annonce. Et pas ces mesures sans lendemain auxquelles on nous a habitués. Pas ces mesures analogues à de la poudre de perlimpinpin. C’est vrai que l’inflation est une réalité mondiale indéniable. Chez nous, cependant, à l’inflation mondiale s’ajoute une inflation inventée de toutes pièces par des hors la loi, défiant régulièrement l’État et plongeant l’écrasante majorité des familles comoriennes dans l’incapacité de joindre les deux bouts.


Quand on discute avec les grossistes, certains répondent qu’ils vendent conformément aux prix homologués. Tout n’est pas vrai. Un contrôle sérieux le démontrerait. Par contre, il ne fait aucun doute que les détaillants et autres revendeurs abusent trop. Le tout sur fond d’un raisonnement à l’emporte-pièce, à savoir l’augmentation des frais de transport. Dans Moroni, on est passé de 200fc à 300fc le taxi. 100fc d’augmentation. Comment alors comprendre que des gens revendent 17500fc le carton d’ailes de poulet acheté à 12500fc, arguant que le transport est cher ?

La même galère assortie de la même rengaine

Beaucoup profitent plutôt de l’inaction des autorités pour vendre à des prix exorbitants. Combien de temps les gens vont pouvoir tenir ? C’est du suicide. N’ayons pas peur des mots. Il faut donc se rendre à l’évidence : on aura beau dénoncer l’inflation qui gangrène le pays depuis la révision à la hausse des prix des produits pétroliers mais rien n’y fera. On aura beau exhorter les gens à se conformer à la structure des prix mais rien ne changera. On continuera à scander des slogans hostiles à l’encontre des commerçants véreux et à décrier leur “indécence” mais la caravane passera. Le ministère de l’économie pourra organiser une énième conférence de presse pour annoncer des mesures d’encadrement des prix mais les consommateurs continueront de subir. Ce sera toujours pareil. La même galère assortie de la même rengaine.


Si des mesures draconiennes et dissuasives ne sont pas prises pour stopper l’hémorragie, beaucoup de ménages ne survivront pas. Et bientôt le préjugé qui voudrait qu’aux Comores les gens ne mendient pas pourrait se voir très vite battu en brèche. Il faut en finir avec ce laxisme ambiant qui pousse des gens sans scrupule à nous tordre ainsi tous les jours les cous, s’enrichissant ainsi sur notre dos. On ne le dira jamais assez : l’État doit prendre ses responsabilités pour de vrai et cesser de se complaire dans cette fuite en avant consistant à vouloir ériger la population en gardienne de la structure des prix. Si on ne s’attaque pas au mal par les racines, les choses resteront en l’état jusqu’à ce que périssent ceux qui seront incapables de suivre cette cadence infernale. Il n’y a qu’une seule véritable solution pour endiguer ce fléau inflationniste à vocation sauvage : punir avec la plus grande sévérité ceux qui abusent, notamment par des amendes lourdes et même par des peines de prison. Saisir par la force les produits vendus hors des prix homologués et les vendre comme il se doit. Car, l’impunité enracine le mal. Il faut des sanctions exemplaires.

On contribue grandement à normaliser les abus

En effet, si l’État fixe des prix et qu’il se trouve des gens qui décident d’appliquer les leurs par trop de rapacité, ils sont des hors-la-loi et par conséquent ils doivent être sanctionnés. En pareille situation anarchique, on ne peut plus se contenter seulement de faire des rappels à l’ordre dont tout le monde sait qu’ils sont sans effets. On ne peut plus continuer à répéter à qui veulent l’entendre qu’il ne faut pas acheter si les prix sont excessifs. Par de telles incantations, on contribue grandement à normaliser les abus.
Tant que la population continuera à acheter en dehors des prix fixés par l’État, les efforts du gouvernement pour conjurer l’inflation seront sans aucun effet. C’est une évidence : les gens respectent la loi quand ils savent qu’autrement ils seront punis. Le droit sans la force génère l’anarchie. Le problème de la vie chère aux Comores n’est pas seulement un problème d’inflation à l’échelle mondiale. C’est aussi et surtout un problème d’impuissance de l’État à user de la force pour faire respecter le droit. En cas d’abus, il faut appliquer la formule de la tolérance zéro.Il n’y a que de cette façon que le gouvernement peut aider la population à supporter les impacts de l’inflation mondiale.

Chabane Mohamed, un consommateur en colère. Mooni, le 11 janvier 2023.

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