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Organisation de l’Etat I Les actuels exécutifs des îles vus par des observateurs

Organisation de l’Etat I Les actuels exécutifs des îles vus par des observateurs

Société | -   Abdallah Mzembaba

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La Constitution de 2018 a-t-elle fragilisé les exécutifs insulaires ? Sont-ils devenus de simples faire-valoir ou ont-ils encore un rôle à jouer dans le développement local ? Regards croisés.

 

Depuis l’adoption de la constitution de 2018, les exécutifs insulaires peinent à trouver leur place dans le nouvel ordre institutionnel. Alors que la nouvelle loi fondamentale devait initialement renforcer l’unité nationale à travers une redynamisation de l’autonomie des iles, elle a au contraire «paradoxalement contribué à affaiblir l’autonomie des îles, en remettant en question l’utilité et l’efficacité de leurs gouvernements locaux». Mouigni Baraka Saïd Soilihi, ancien gouverneur de Ngazidja et leader politique, nous fait l’observation suivante : «Le séparatisme a été pris pour symbole puisqu’il est à l’origine de l’autonomie des îles avec la tournante», mais «la volonté centralisatrice du pouvoir actuel sous le président Azali Assoumani a étouffé l’esprit de partage et de coopération qui prévalait auparavant».


Les îles, qui jouissaient d’une «certaine autonomie et de la possibilité de gérer leurs propres recettes, se retrouvent aujourd’hui tributaires des décisions du pouvoir central». Cette situation entraîne non seulement une stagnation du développement local, mais aussi une réduction de leur influence. «Avec Azali, ce n’est pas l’esprit de partage, mais une centralisation du pouvoir», déplore l’ancien locataire de Mrodju.
De son côté, Abdou El Wahab M’sa Bacar, juriste, souligne que la dénomination de délégué, bien que couramment utilisée, n’est prévue nulle part dans le texte constitutionnel.

Confusion de rôles

«L’article 101 de la constitution prévoit seulement que le gouverneur est assisté dans l’exercice de ses fonctions d’un cabinet composé de sept membres dont un directeur de cabinet et d’un secrétaire général chargé de coordonner l’ensemble des services publics insulaires», précise-t-il. À Mwali, par exemple, la situation est particulièrement remarquable, avec la nomination de responsables de départements inexistants dans la Constitution, créant une superposition de portefeuilles et une confusion des prérogatives. «Le responsable du département est-il placé sous la subordination du délégué ?», s’interroge l’universitaire, soulignant les difficultés de hiérarchisation au sein des administrations insulaires.


«La centralisation accrue du pouvoir sous Azali Assoumani est perçue comme une menace par beaucoup», revient à la charge l’ancien gouverneur de Ngazidja. Selon lui, les Comores, pays insulaire par excellence, «se retrouvent avec un pouvoir hyper centralisé à Moroni, ignorant les aspirations locales. Le souhait des habitants des îles est que leurs îles soient autonomes, que le pouvoir soit décentralisé», insiste-t-il. Et de conclure ainsi : «Le manque de volonté politique et l’absence de respect pour les structures décentralisées ont conduit à une marginalisation progressive des exécutifs insulaires. Aujourd’hui, on ne sait même pas à quoi servent les gouverneurs n’en parlons plus des délégués qui ne figurent nulle part.»

Et les sirènes…

L’avis d’un autre observateur de la politique nationale, en l’occurrence l’avocat et ancien ministre Fahmi Saïd Ibrahim, n’est pas éloigné de celui de Mouigni Baraka. «Je pense que les leviers légaux pouvant être actionnés par les gouverneurs ont été vidés par la Constitution de 2018. Celle-ci a centralisé le pouvoir.

Après tout, nous sommes de culture administrative très française et donc très jacobine. Observez les gouverneurs sortants, qu’ont-ils pu faire hélas ? Même avec une vision et une volonté, c’eût été très difficile d’engranger des réformes et poser des actes pouvant structurer l’administration locale et mener une politique visible avec des résultats probants», tranche-t-il. Et de conclure avec cette pointe d’humour : « Il y a un mérite cependant : la présence des sirènes des gouverneurs dans nos différentes festivités. Cela fait plaisir aux mariés d’entendre les gouverneurs arriver lors de nos grands mariages, et même les petits mariages d’ailleurs. Ça nous honore de savoir qu’une haute personnalité, un gouverneur, s’est déplacée pour participer à ces cérémonies.»

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