Ces derniers temps, sur les réseaux sociaux et ailleurs, la même antienne : un véhicule qui tombe en panne, vraisemblablement, à cause du carburant. «Je mettais de l’essence dans une station de la capitale. Quand j’ai allumé le moteur pour partir, j’ai remarqué un bruit bizarre en même temps qu’une perte de puissance. C’était comme une prise de convulsions, j’ai eu très peur. J’ai directement contacté mon mécanicien qui l’a réparée », témoigne une usagère. «La réparation m’a coûté 50 000 francs», se lamente-t-elle.
Une épidémie de panne-moteur
Youssouf, qui a eu le même problème, abonde dans le même sens. « Ma 3008 ne répond pas du tout pourtant le garagiste m’a dit qu’il avait réparé la panne. Désormais, quand je vais quelque part, j’emprunte des voies détournées pour éviter les routes en pente même si cela doit me mettre en retard. Les pentes sont devenues ma hantise, parce que ma voiture ne parvient pas à monter», se plaint-il.
Toyota, Peugeot, Suzuki, Renault, aucune marque de voiture ne semble être épargnée par cette épidémie de panne-moteur. Le petit voyant orange clignote souvent sur le tableau de bord. «Ces dernières semaines, la majorité de mes clients rencontrent des problèmes liés au carburant », assure ce garagiste installé au sud de la capitale. Fahar poursuit : « Injecteurs, bougies, pompes à essence… Ce sont les pièces les plus touchées, qu’il faut nettoyer ou changer ».
Les consommateurs tournent leur regard vers les stations-service et la Société comorienne des hydrocarbures (Sch). Comme c’est souvent le cas dans ce genre de situation, les gérants des stations et l’entreprise publique se renvoient la balle. Jeudi 19 septembre, l’inspecteur général de la Sch nous a reçus à son bureau. Il officie également comme directeur par intérim depuis quelques années, le tenant du titre étant à l’étranger pour soins de santé. Azihar Ahmed est formel : le carburant qu’il a reçu est exempt de tout soupçon.
«Au port de chargement et de déchargement, on a prélevé des échantillons que nous avons analysés dans nos laboratoires. Les produits commandés répondaient à nos spécifications. Aucun problème n’a été décelé», a-t-il déclaré. «D’autres analyses sont effectuées une fois les produits pétroliers dans nos cuves parce qu’ils peuvent être contaminés. Ici aussi, aucun souci n’a été signalé. C’est de là qu’il y a eu l’autorisation de mise en consommation », a poursuivi notre interlocuteur.
Un jeu de ping-pong
S’il devait y avoir un problème, selon lui, il faudrait le chercher en dehors de l’établissement qu’il dirige. L’air de rien, il s’est demandé si ce ne sont pas les cuves des stations-service qui n’ont pas été purgées. «Certaines n’ont pas de système de purge», a-t-il affirmé. «Les pompistes laissent-ils le carburant se décanter après sa livraison, comme il le faudrait, avant de commencer à le vendre aux clients ? », s’est-il interrogé.
Al-watwan a contacté les gérants de plusieurs stations de la capitale, tant celles ayant une bonne réputation que les autres. Eux aussi sont formels : c’est le carburant commandé qui serait de mauvaise qualité. «Nous purgeons nos cuves. La pompe à essence est devenue d’un jaune soutenu. C’est le produit qui fait ça. J’ai même des pompistes qui ont des lésions sur la peau, provoquées par l’essence qui les brûle », assure ce responsable joint au téléphone. Il rajoute de fil en aiguille : «Si c’était à cause des cuves non purgées, le problème ne serait pas commun comme c’est le cas actuellement mais circonscrit à quelques stations».
Un autre, également contacté au téléphone, dit peu ou prou la même chose. «Je sais que le produit de la dernière livraison est très fort. Je pense qu’il y a plus de soufre que la norme autorisée. Si c’était un problème des stations, cela ne les concernerait pas toutes. Les responsables de la Sch et du ministère de l’Energie le savent, en aucun cas ils ne vont reconnaitre que leurs produits sont de mauvaise qualité », a regretté cet autre interlocuteur. «En fait, seuls des produits analysés par un laboratoire indépendant nous départageraient », a-t-il ajouté.
Ces deux sources affirment également que la direction de la Sch examine les modalités pour changer son fournisseur de produits pétroliers. Une information qui ne nous a pas été livrée par l’inspecteur général, qui, à plusieurs reprises, n’a pas manqué de tarir d’éloges à l’endroit d’ADDAX, le fournisseur en question.