L’exécution des décisions de justice, les viols sur mineurs, la cybercriminalité ainsi que les infractions commises à l’étranger ont constitué les principaux points abordés par le procureur de la République, Abdou Ismael, lors d’une conférence de presse tenue jeudi dernier au parquet de Moroni. Entouré du commandant de groupement de la gendarmerie de Ngazidja et de plusieurs huissiers de justice, le procureur a tenu à apporter un éclairage sur les problématiques liées à l’exécution des décisions judiciaires. Il a rappelé les nombreux obstacles entravant l’exécution des jugements, notamment le refus de la partie condamnée de se soumettre à la décision du tribunal, ou encore l’exigence faite par les huissiers de justice d’une réquisition du parquet avant toute intervention.
Le magistrat s’est longuement attardé sur le rôle du tribunal de première instance et sur la portée des jugements qu’il rend.Selon Abdou Ismael, le tribunal de première instance est la juridiction compétente pour trancher en premier ressort les litiges entre particuliers. Les jugements qui y sont rendus qu’ils émanent d’un cadi ou d’un juge de droit commun – peuvent être assortis de différentes modalités. «Le jugement peut porter la mention exécution provisoire, auquel cas il est immédiatement applicable, sauf si la partie perdante fait appel en saisissant le juge de l’exécution pour solliciter un sursis. Ce dernier peut alors accorder un délai supplémentaire, suspendant temporairement l’exécution de la décision», a-t-il expliqué.
Usage des réquisitions
Dans le cas contraire, lorsque la décision ne bénéficie pas de l’exécution provisoire, « elle devient exécutoire à l’expiration du délai de recours », a précisé le procureur. Toutefois, la partie gagnante doit alors notifier la décision à son adversaire par voie d’assignation. « Elle doit se munir d’un certificat de non-appel délivré par le greffe de la juridiction ayant statué sur l’affaire, ainsi que de l’original du jugement», a-t-il ajouté.Le procureur a tenu à rappeler que même lorsqu’un jugement est confirmé en appel, il conserve la valeur de titre exécutoire, même si un pourvoi en cassation est formé. Il a souligné que dans la hiérarchie des normes, l’arrêt de la Cour d’appel prime sur une simple réquisition du parquet. Le chef du parquet a déploré, par ailleurs, «un usage excessif, parfois injustifié», des réquisitions. À l’en croire, ces dernières ne devraient être délivrées que lorsque les auxiliaires de justice rencontrent une résistance sur le terrain les empêchant d’exécuter une décision définitive. «Dans ce cas, le parquet délivre une réquisition après constat, sous procès-verbal, dressé par un huissier et un gendarme, afin de leur apporter l’assistance nécessaire», a-t-il détaillé.
Abdou Ismael a également fait part de sa volonté de mettre fin aux longues files d’attente devant son bureau, composées de personnes demandant des réquisitions, notamment des huissiers. « Je tiens à préciser que le parquet ne délivre pas de réquisitions à des civils. Je ne donne d’instructions qu’aux forces de police et de gendarmerie. Ces documents leur sont exclusivement destinés pour assurer leur protection lors des opérations d’exécution », a-t-il insisté. Il a mis en garde contre le refus d’exécuter une décision de justice, précisant qu’il s’agit d’une infraction continue pouvant donner lieu à une procédure de flagrant délit.
Hausse fulgurante des viols
Le procureur de la République a tiré la sonnette d’alarme quant à l’augmentation préoccupante des agressions sexuelles, particulièrement les viols sur mineurs.
Selon lui, en 2023, le parquet avait enregistré «60 cas de viols sur mineurs, contre 71 cas de violences sexuelles » signalés aux services compétents en 2024. «Que faire, alors que la justice ne ménage aucun effort pour punir sévèrement les auteurs de ces crimes ?», s’est-il interrogé, appelant à la mobilisation de tous : leaders d’opinion, imams, chefs de village, pour enrayer ce fléau qui gangrène la société.S’agissant des infractions commises en dehors du territoire national, le procureur a rappelé que la loi pénale comorienne s’applique à tout crime ou délit commis par un citoyen comorien à l’étranger.Concernant notamment les cas d’abus de confiance, M. Ismael a assuré que le parquet de Moroni est compétent pour poursuivre l’auteur, quel que soit le lieu où l’infraction a été commise.