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Port de Mutsamudu Le président du syndicat des agents s’explique sur la crise qui y sévit

Port de Mutsamudu Le président du syndicat des agents s’explique sur la crise qui y sévit

Société | -   Sardou Moussa

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Une énième grève est en gestation au Port international Ahmed Abdallah Abderemane. Eponger les arriérés de salaire, redresser la société et penser à la carrière de ses employés sont encore et toujours les sujets au menu. Avec le président du syndicat des agents du port de Mutsamudu, Ahmed Abdou Mdjanga, Al-watwan tente de pénétrer dans cette grogne chronique, dans un des établissements publics les plus décriés pour leur gestion interne.

 


L’on parle depuis la semaine dernière d’une énième grève ici au port de Mutsamudu. Les mêmes revendications je suppose… ?



Le 3 novembre 2017, nous avions fait grève. Un protocole d’accord a été proposé, lequel devait être signé par le directeur d’Eppam [Etablissement public du port autonome de Mutsamudu, ndlr], notre syndicat, le ministère des Transports ainsi que l’Asc [Anjouan stevedoring company, la société manutentionnaire].

La grève a été suspendue, pour permettre l’avancée des négociations et des travaux de restructuration de la société. Quand venait le moment de signer ledit protocole, les dirigeants se sont rétractés. Mais pour nous le document est toujours valable.

 


Que contient ce protocole que le ministère et la direction du port évitent de signer ?



Jusqu’au 31 décembre 2017, la direction d’Eppam devait éponger quatre mois d’arriérés de salaire de l’année écoulée. De janvier à mars 2018, elle est tenue d’éponger les arriérés de 2016, six mois au total, et faire en sorte que le paiement des salaires devienne régulier.

Dans ce protocole, nous demandons notre affiliation à la Caisse de retraite, la définition d’une grille salariale, les avancements de salaire… Puisque la société n’a plus de conseil d’administration, il nous a paru nécessaire qu’une commission indépendante soit désignée pour contrôler sa gestion, en attendant la mise en place de ce dernier, que nous avons revendiquée instamment.

Nous avons aussi demandé le respect de la hiérarchie, ou encore la sécurisation des recettes dans un compte. Aucune de ces propositions n’a été jusqu’à présent traduite en acte. Le mois dernier, la direction nous a ponctionné de l’argent pour notre cotisation à la caisse de retraite, mais à notre grande surprise, quand nous sommes allés le vérifier auprès du directeur régional de la caisse, celui-ci nous a affirmé que rien n’a été versé.

 


C’est bien le directeur de la caisse qui vous l’a affirmé ?  



Oui. Il a dit qu’il n’a reçu aucun sou venant d’Eppam. Il n’y a pas que cela. Dans une récente rencontre avec le président de la République, ce dernier a soutenu qu’Eppam ne versait aucun rond dans les caisses de l’Etat.

Ce qui nous étonne puisque l’on nous a toujours prélevé l’Impôt général sur le revenu. En ce moment nous vivons également au sein de cette société un problème encore plus grave : le comité de direction est divisé en deux clans rivaux.

Il y a le clan du directeur et ses hommes, à savoir le directeur des ressources humaines, le chef personnel, la caissière et d’autres agents, et d’un autre côté celui du comptable, auquel se greffent le directeur général adjoint, le directeur technique, le contrôleur financier et d’autres. Aujourd’hui, si un agent exécute une tâche confiée par le directeur, il est sanctionné par le comptable, et vice versa.


D’où vient cette querelle ?



L’on ne nous dit pas la vérité… Chaque camp vous sert un argumentaire pointu, qui vous laisse perplexe. Le peu que nous sachions, c’est que le comptable exige que les états de salaires soient élaborés au sein du service de la comptabilité, comme cela a toujours été le cas.

Ce dernier se les dispute donc avec la direction, et à la fin ils ont fini à la direction des ressources humaines. Au sein de cette entreprise, il n’y a pas d’harmonisation de dépenses : le directeur et le comptable, chacun de son côté, engage ses propres dépenses sans en rendre compte à l’autre.

C’est vraiment le désordre. Cette guerre de chefs a failli envahir également la sphère des subalternes, heureusement que notre syndicat a su la déjouer, en expliquant aux collègues que nous ne devions pas nous en mêler.

Et au lieu par exemple de former des secouristes, plus utiles au sein d’une entreprise comme la nôtre, le directeur a dépensé de l’argent pour former des agents en arts martiaux.

 


Vous avez évoqué l’entrevue que vous avez eue avec le chef de l’Etat. Il semble qu’il vous a dit être prêt à remplacer le directeur si c’est lui qui pose problème. Que lui avez-vous répondu ?



C’est plutôt le vice-président en charge du ministère des Transports qui s’était dit prêt à remplacer les actuels dirigeants si c’est d’eux que viennent les problèmes. Nous n’étions pas là pour enfoncer quelqu’un mais pour chercher des solutions à des problèmes. Et puis ce n’est pas le syndicat qui nomme ces gens, ce ne sera donc pas à lui de demander leur révocation.

Toutefois, en ce moment même une pétition est en train d’être rédigée pour demander au gouvernement de les dégager, car cela fait quand même un an que cette crise dure au sein du comité de direction.

 


Il y a ce que vous avez revendiqué dans le protocole, mais le ministère aurait de son côté son propre plan de redressement de la société. En avez-vous eu vent ?



Le plan de redressement que le directeur général, le secrétaire général du ministère ainsi qu’un conseiller de l’autorité portuaire de Moroni nous ont communiqué dans une réunion à la gare maritime consistait en gros à arriver au paiement régulier des salaires sans être obligés de licencier.

Pour cela il fallait réduire les dotations en carburant et autres crédits téléphoniques inutiles. Et il est vrai que, rien que cela aurait suffi à renflouer nos caisses. Vous savez, je connais des employés de cette boîte qui, en ce moment même où je vous parle, se trouvent dans leurs boutiques.

Pourtant à la fin du mois, ils percevront leurs salaires et leurs quatre-vingt mille francs de dotation de carburant. Sachez aussi que la société n’a pas de voitures, mais le directeur, le comptable, (etc…) louent leurs voitures personnelles à la société.

Et vous savez quoi encore ? On paie le loyer de certains dirigeants, qui habitent leurs propres maisons, à Mutsamudu même où ils travaillent. Franchement, expliquez-nous ce genre de redressement !

 


L’on parle d’Eppam, d’Apc (Autorité portuaire des Comores), de Piaaa (Port international Ahmed Abdallah Abderemane… Toutes ces appellations servent-elles à désigner l’établissement portuaire de Mutsamudu ?



Les statuts de cet établissement que nous connaissons jusqu’à présent sont ceux d’Eppam…

 


Et pourtant Eppam remonte au temps du séparatisme ; ces statuts placent donc l’établissement sous tutelle de l’autorité de l’île…



Justement. Nous attendions du ministère qu’il élabore d’autres statuts pour remplacer ceux d’Eppam, mais cela n’a pas été fait. La situation est la même qu’avec Electricité d’Anjouan.

Et puis, je voudrais justement revenir sur une chose : l’on dit que notre boîte est saturée, avec, dit-on, quatre cents agents dedans. Eda en a combien ? Six cents. Et c’est une société qui, contrairement à la nôtre, a énormément de dépenses à faire, et pourtant elle a pu redresser sa situation. Les dépenses que nous supportons ici sont essentiellement les dotations des dirigeants.

L’entretien du remorqueur demande seulement quatre cent cinquante mille francs mensuels. Les prédécesseurs des dirigeants actuels avaient construit une gare maritime, un mur de sécurité… ces derniers n’ont rien fait jusqu’à présent. Alors où va l’argent ?


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