Née le 24 octobre 1990 à la maternité de Moroni, Royidat Hassane est une jeune femme originaire de Memboidjou dans le nord de Mitsamiouli qui incarne aujourd’hui une voix déterminée et courageuse dans la lutte contre les violences basées sur le genre (Vbg) aux Comores. Son parcours, à la fois personnel et militant, est celui d’une femme forgée par les épreuves, éveillée par l’injustice et engagée dans la transformation sociale.
Après un baccalauréat série A obtenu au lycée La Pléiade, Royidat poursuit des études supérieures à l’Université des Comores, où elle décroche une licence en droit. Pourtant, bien au-delà des diplômes, c’est son vécu et sa sensibilité face aux injustices, notamment au harcèlement en ligne comme dans la vie réelle qui façonnent son engagement. Elle connaît trop bien les remarques, les attaques gratuites et les jugements portés par ceux qui ignorent ce que signifie réellement subir le harcèlement. Loin de la réduire au silence, ces expériences ont au contraire, renforcé sa détermination.
Royidat choisit de transformer la douleur en force. Membre active de deux associations, l’une œuvrant pour les droits humains et les Vbg, l’autre dédiée spécifiquement à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, elle s’inscrit dans une dynamique de dénonciation, de prévention et de sensibilisation. Elle y apporte une énergie constante et une conviction profonde : «la société doit changer, et la honte doit changer de camp », dit-elle.
«Briser le tabou»
Au cœur de son engagement, Royidat milite activement au sein de ces deux associations complémentaires qui partagent le même objectif : dénoncer, prévenir, sensibiliser et accompagner les victimes, chacune avec une méthodologie adaptée. La première, Petit Z’Anges des Comores, est implantée localement. Elle apporte un soutien direct aux victimes, notamment grâce à la présence d’une psychologue qui les suit à leur demande ou à celle de leurs responsables. Une approche essentielle dans un contexte où peu d’espaces de parole sécurisés existent.
Les bons réflexes
La deuxième s’appelle Mvukisho Ye Masiwa, et elle propose une thérapie appelée Mwendo wa Dzihiro. Elle est basée en France, car sa fondatrice est franco-comorienne, mais «elle collabore avec nous, membres vivant sur place». Chaque année, elles organisent des marches thérapeutiques, de prévention, de sensibilisation et de dénonciation dans les îles. «Nous venons tout juste de clôturer, à Hetsa Hambou, la 4ᵉ édition, qui s’est déroulée à Anjouan, là où la première édition avait commencé. Cette marche favorise la cohésion sociale, la confiance en soi, la détermination, la sensibilisation, la prévention et la prise de conscience.
Elle permet également aux victimes de se libérer d’un fardeau qui pèse depuis longtemps, devant nos membres formés pour écouter leurs témoignages. Nous avons sillonné villes et villages pour apprendre aux habitants les bons réflexes face à un potentiel agresseur et comment le reconnaître. Nous avons également expliqué aux parents ce qu’ils doivent absolument savoir et faire pour protéger les enfants, jeunes filles et garçons, de ces prédateurs.»
Portée par cette vision, elle développe aujourd’hui un projet personnel ambitieux : des ateliers destinés aux parents et aux enfants pour apprendre à reconnaître les comportements dangereux, connaître les gestes à éviter face aux potentiels agresseurs, et instaurer une relation de confiance permettant aux enfants de parler librement. Une initiative essentielle dans un contexte où les tabous, le silence et la stigmatisation protègent encore trop souvent les agresseurs.
Pour Royidat, l’objectif est clair : faire évoluer les mentalités, briser le tabou qui gangrène la société comorienne et replacer la responsabilité là où elle doit être. «Chez nous, c’est la victime qui est insultée, alors que cela devrait être l’inverse», rappelle-t-elle avec force. «Ce sont les agresseurs, les violeurs et les harceleurs qui doivent être pointés du doigt, condamnés et tenus responsables et non jamais les survivantes.»
