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Pour que Chazna ne soit morte pour rien

Pour que Chazna ne soit morte pour rien

Société | -   Abdallah Mzembaba

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Chazna est partie parce que nous avons lamentablement failli à notre devoir. Parce que nous n’avons pas su la protéger. Parce que notre système de santé est dans un piteux état. Et parce que personne ne paie pour ces erreurs. L’hôpital de Mitsamihuli n’est plus que l’ombre de lui-même, depuis plusieurs années. Cela semble pourtant convenir à toutes et à tous et surtout, de manière incroyable, à l’équipe en place qui n’estime pas avoir à se remettre en cause.

 

On croit avoir tout vu dans ce pays, puis arrive ce genre de tragédie où on se fait le triste constat que nous avons tous failli. Tous. Un père de famille a lancé un appel à l’aide pour sauver sa fille unique qui avait besoin d’oxygène. Cette aide ne viendra jamais. Sa petite fille de onze ans décédera un peu plus d’une heure après. Difficile d’imaginer que l’hôpital de Mitsamihuli, censé couvrir deux, voire trois régions, soit dépourvu d’oxygène. C’est le minimum vital. Et dans ce malheur, on apprend que la directrice de l’établissement est «en mission à l’étranger». Ce qui s’est passé à Mitsamihuli vendredi soir est une honte pour notre pays et les générations de gouvernants qui se sont succédé depuis l’indépendance.


Chazna est partie parce que nous avons lamentablement failli à notre devoir. Parce que nous n’avons pas su la protéger. Parce que notre système de santé est dans un piteux état. Et parce que personne ne paie pour ces erreurs. L’hôpital de Mitsamihuli n’est plus que l’ombre de lui-même, depuis plusieurs années. Cela semble pourtant convenir à toutes et à tous et surtout, de manière incroyable, à l’équipe en place qui n’estime pas avoir à se remettre en cause.


Il y a quelques mois, il y a eu un accident de la route. Les dirigeants de ce même hôpital ont refusé́ de mettre «l’ambulance» à disposition des blessés. Pourquoi ? Parce qu’il fallait d’abord payer comme si les futurs accidentés étaient au courant qu’ils allaient avoir besoin de cette «ambulance». Il y a moins d’un mois, un prématuré́ est mort parce que né à Mitsamihuli et qu’il n’y a pas de couveuse là-bas. Il fallait nécessairement l’envoyer à El-maarouf. Comme Chazna, la quarantaine de kilomètres qui sépare Mitsamihuli de Moroni lui a été fatale. Ce petit ange est mort à l’entrée de l’hôpital El-maarouf dans «l’ambulance» qui le transportait.


A El-maarouf non plus, la situation n’est guère meilleure. C’est en effet dans ce même hôpital qui n’a de référence que le nom, que l’artiste Adina est mort, pour ces mêmes problèmes d’oxygène accouplés à de la paperasse administrative qui est venue empirer une situation déjà chaotique.Les multiples «projets de développement» prônés par les uns et par les autres devraient d’abord passer par notre survie et par rien d’autre. Alors commençons par le minimum vital avant de voir grand. Il est inadmissible que des gens continuent de mourir faute d’oxygène…à l’hôpital ! Si construire des hôpitaux est nécessaire, encore faut-il qu’il y ait les conditions nécessaires tant en personnel qu’en matériel pour qu’ils puissent remplir pleinement leurs fonctions. Parce que pour l’heure on est bien loin du compte.


Et devant tant de défaillances, les plus fortunés et les plus puissants d’entre nous partent à l’étranger comme l’a fait le gouverneur de Ndzuani, Anissi Chamsiddine, puisse Dieu l’accompagner dans ses soins. Mais n’allez pas croire que ces évacuations soient toujours possible. Il y a quelques jours, Omar Mouhsine, célèbre homme d’affaires, déplorait sa prise en charge à l’hôpital de Samba. Il en est mort peu de temps après. Il y a trois jours, la femme du directeur de cabinet de ce même Anissi Chamsiddine est morte à cause… d’une panne de courant… à l’hôpital. C’est une honte.


A l’hôpital de Mitsamihuli, comme dans bien d’autres établissements de santé, l’oxygène, ce minimum vital, est tout simplement un luxe et c’est un problème parmi des dizaines d’autres. L’hôpital de Bambao Mtsanga n’est plus que l’ombre de lui-même.Notre système de santé est un désastre, c’est une évidence. Mais, le pire c’est que cela ne semble aucunement préoccuper grand monde, et moins encore ceux qui devraient l’être au premier chef. Quand une ambulance est dépourvue d’oxygène il devient un simple véhicule. Quand un hôpital n’a pas d’oxygène, il devient un mouroir.

Et quand ces manquements ne sont pas punis, nous devenons tous des complices de ces gens censés fournir aux médecins et à l’hôpital les meilleures conditions possibles pour remplir leurs missions.Ces erreurs n’ont pas lieu d’être. Quand elles surviennent, les responsabilités doivent être établies pour que cesse enfin cet amateurisme fatal. Les coupables doivent payer pour que cessent ces erreurs qui n’ont pas lieu d’être. Et des solutions doivent être trouvées dans les meilleurs délais pour que Chazna ne soit morte pour rien.

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