La couverture partiale des médias internationaux sur l’Afrique coûte au continent des milliards de dollars d’investissements directs étrangers. C’est ce qu’indique un rapport publié le 10 octobre dernier par l’Ong Africa No Filter et le cabinet de conseil en stratégie Africa Practice. Dans cette étude, intitulée «Le coût des stéréotypes médiatiques pour l’Afrique», il est révélé que le continent subit une « prime de préjudice » estimée à 4,2 milliards de dollars par an, rien que pour le service de la dette.
«Depuis longtemps, l’image de l’Afrique dans les médias est dominée par des stéréotypes tenaces », souligne le rapport, qui s’appuie sur une analyse quantitative et qualitative des répercussions financières d’une couverture biaisée, notamment en période électorale.«Nos résultats montrent que les pays africains attirent une attention accrue des médias lors des élections générales, mais celle-ci est disproportionnellement axée sur des problématiques négatives telles que la violence et la fraude électorale», explique l’étude. Selon le document, le terme «violence» est particulièrement associé à l’Afrique dans la couverture médiatique, surtout durant les périodes électorales.
Pour évaluer cet impact, les pays africains ont été comparés à trois nations non africaines présentant des profils similaires. Ainsi, le Kenya a été mis en parallèle avec la Malaisie, l’Égypte avec la Thaïlande, et l’Afrique du Sud avec le Danemark. Les résultats mettent en lumière les récits négatifs entourant les processus électoraux africains. L’étude montre que 88 % des articles de presse concernant le Kenya pendant les élections sont négatifs, contre 48 % pour la Malaisie. De même, en Égypte, 66 % des articles sont négatifs, contre seulement 32 % en Thaïlande. En dehors de ces périodes, les médias internationaux se concentrent principalement sur la pauvreté, les guerres et les conflits en Afrique, tout en occultant les progrès et réalisations positives du continent.
Taux d’emprunt élevés
L’étude établit également un lien direct entre la couverture médiatique et la perception du risque par les investisseurs, qui ajustent les taux d’emprunt en fonction du risque perçu. Plus les médias internationaux présentent les pays africains comme des destinations risquées, plus les coûts d’emprunt deviennent excessifs. À l’inverse, une couverture médiatique positive est associée à des rendements obligataires plus faibles.
Pour évaluer les économies potentielles sur le coût du service de la dette pour des pays comme le Nigeria, le Kenya, l’Égypte et l’Afrique du Sud, le rapport s’est appuyé sur des modélisations académiques. Ces dernières indiquent qu’une amélioration de 10 % de l’image médiatique d’un pays entraîne une diminution de 1 % des taux d’intérêt. Extrapolée à l’échelle du continent, cette influence représente une perte annuelle de 4,2 milliards de dollars due aux récits négatifs. «Ce montant pourrait financer l’éducation de plus de 12 millions d’enfants, vacciner plus de 73 millions de jeunes ou fournir de l’eau potable à deux tiers de la population du Nigeria», indique le rapport, qui insiste sur l’urgence de dépasser les stéréotypes nuisibles dans les reportages sur l’Afrique.
Ces récits biaisés ont des conséquences réelles : ils amplifient la perception du risque et conduisent à des coûts d’emprunt excessivement élevés, même pour des pays africains ayant une bonne notation de crédit. Le document conclut que cette couverture disproportionnée sert davantage les institutions de crédit, en justifiant des conditions de prêt injustes imposées aux États africains.