Des journalistes comoriens ont organisé hier, lundi 6 août, un sit-in tout près de la place de l’indépendance pour soutenir leur collègue, Faiza Soulé Youssouf. Plusieurs journalistes, représentants de nombreux medias publics et privés, étaient présents. On notera toutefois l’absence des journalistes de l’Office de radio et télévision des Comores (Ortc). Ce sit-in avait pour but de tirer la sonnette d’alarme sur le climat régnant dans le pays, plus particulièrement la liberté d’expression. En toile de fond, « l’acharnement » dont est victime, la journaliste d’Al-watwan, Faïza Soulé Youssouf.
Depuis une semaine, l’ancienne rédactrice en chef d’Al watwan est la cible de propos insupportables du ministre de l’Information. Ces attaques viennent après avoir publié une vidéo sur sa page facebook dans laquelle, on y voit des taches de sang au sol au bureau de vote de Sanfil où a eu lieu l’agression contre le gendarme Ali Radjabou. Là, où a eu lieu l’attaque à la machette commise contre le gendarme Ali Radjabou. Alors qu’elle était chargée avec un collègue d’Al-watwan, de couvrir les opérations de vote dans la capitale, Faiza Soulé Youssouf apprend l’information et se rend sur les lieux alors qu’elle se trouvait à la station d’El-beit, à Moroni. Surprise et choquée par la scène, elle a posté sa vidéo comme pourrait le faire n’importe quel journaliste.
Enième sortie médiatique
La vidéo sera relayée en un clin d’œil. Jamais, elle ne savait que cette publication déclencherait un tollé ni qu’elle lui vaudrait une salve d’accusations venant d’une haute autorité.Tout commence le lundi 30 juillet, jour de la publication des résultats provisoires du référendum au Palais du peuple. Ce jour-là, le ministre, en charge des élections, critique Faiza sans le moindre ménagement pour avoir publié la vidéo. Il l’accusera « d’être membre du parti juwa », et d’avoir «terni» l’image du pays en publiant cette vidéo.
Mohamed Daoudou avait fait un lien entre les auteurs de cet acte et le parti juwa. Le mercredi, des journalistes ont publié un communiqué de soutien. Ils dénonçaient, l’attitude du ministre de l’Information. Cela n’a pas suffi. Dimanche dans la soirée, lors d’un entretien télévisé à l’Ortc, le ministre est revenu sur cette affaire et ciblera toujours les journalistes ayant été dans les parages, comme quoi cela pourrait expliquer quelque chose «Celle qui a publié la vidéo n’a pas respecté la déontologie. Mais on y reviendra …», a-t-il promis (en langue nationale). C’est la raison pour laquelle des journalistes comoriens se sont mobilisés hier, lundi, à travers un sit-in sur le parvis du Conseil de l’île de Ngazidja à Moroni pour envoyer «un message» à ceux qui seraient tentés «de bâillonner les journalistes».
Contre les pressions
Une position assurée par les médias présents sur place. «Si notre collègue est menacée, cela veut dire que nous le sommes tous, car nous exerçons le même métier. C’est pourquoi, nous avons fait le déplacement jusqu’ici pour lui apporter notre solidarité», a déclaré le rédacteur en chef du quotidien Masiwa, Toufeyli Maecha. Son confrère d’Al-watwan, Nassila Ben Ali a fait part de son «inquiétude».
«Les choses commencent à atteindre le summum. Celui qui a pu suivre l’entretien du ministre de l’Intérieur sur Ortc, dimanche, peut facilement constater l’ampleur. Au nom des journalistes comoriens, nous tenons à condamner, les manœuvres visant à empêcher les gens de la presse à faire leur travail. Comme il est stipulé dans les textes, un journaliste doit être laissé en paix, dans la liberté pour exercer. Malheureusement, les choses tendent à se compliquer. Il suffit de voir le cas de Faïza, pour comprendre les faits», a t-il déploré. Quant aux spéculations selon lesquelles la présence dans les lieux des faits de Faiza Soulé n’ait rien de hasard, le patron de la rédaction d’Al-watwan répondra ainsi. «Certains se demandent pourquoi, Faïza se trouvait sur place. Sachez que j’avais demandé à celle-ci et deux autres journalistes, de couvrir la capitale le jour du référendum. Alors, si elle s’est trouvée là-bas après avoir appris l’information, il n’y a rien de louche. Je trouve qu’elle a bien travaillé. D’ailleurs, l’équipe d’Al-watwan n’était pas la seule à se rendre dans le bureau. Un reporter d’Al-fajr et autres journalistes étrangers étaient tous là avant l’arrivée d’Al-watwan», a clarifié Nassila Ben Ali.
La correspondante de Rfi aux Comores, Aziza Mchangama, a poussé un coup de gueule. «Nous sommes là pour lutter contre les pressions exercées contre l’ensemble des journalistes plus particulièrement, Faïza Soulé. A qui l’on veut attribuer une part de responsabilité dans l’acte odieux commis lundi dernier [le lundi 30 juillet du scrutin, Ndlr] à l’en contre d’un gendarme juste parce qu’elle s’est rendue sur les lieux. Un fait tout à fait normal, car nous ne pouvons pas informer sans se rendre dans les endroits, pour récolter les éléments», a-t-elle dénoncé avec véhémence. «Est-ce que se trouver sur les lieux d’un acte quelconque fait de nous des complices», s’est-elle interrogée. Les différentes interventions déplorent le silence du Conseil national de la presse et de l’audio-visuel (Cnpa) depuis le déclenchement de cette affaire. Les journalistes présents demandent le respect de la liberté de la presse.