Le pays s’apprête à élire le 14 janvier prochain son président de la République ainsi que ses trois gouverneurs. Et il n’est un secret pour personne que le climat actuel est un peu anxiogène, deux semaines après l’ouverture de la campagne. Au-delà des menaces de troubles qui planent, il y a aussi la question de la sécurisation du scrutin, devenue source de préoccupation de tous les acteurs, notamment la société civile. C’est dans ce cadre que de nombreuses organisations citoyennes ont lancé «Karalala» dans le seul but de garantir la vérité des urnes. Les « craintes de fraudes» auraient entrainé un certain déni chez une partie de la population, au point de la dissuader de se rendre dans les isoloirs. «L’élection du président de la République et des chefs des exécutifs des îles est un enjeu trop important pour ne pas rester indifférents.
Ainsi, des organisations représentant la société civile se sont convenues que si les Comoriens devraient se rendre aux urnes, il est de leur devoir d’appeler de contribuer à la sérénité du scrutin et exiger la sécurisation du vote», soutient Kamal ’Eddine Saindou, membre de la plateforme. Ces «sentinelles » appelant à la vigilance et à l’éveil des citoyens dans ces élections, afin de ne pas rééditer «la mascarade de la présidentielle de 2019» qui, selon Kamal, a entrainé l’affaissement de la démocratie avec comme corolaire la crise politique qui se poursuit aujourd’hui encore. «Tout cela a conduit le pouvoir à imposer sa politique par l’arbitraire», regrette-t-il.
L’ancien journaliste qui milite au sein de la société civile depuis quelques années confirme que leur plateforme appréhende des fraudes le 14 janvier prochain. «La fraude électorale s’est malheureusement installée dans la culture politique. 2019 a été le summum de la mascarade, même si le pays a connu d’autres situations analogues sous différents régimes. Donc, nous craignons que la fraude se perpétue, d’autant que le processus électoral est mal engagé dès le début et n’est pas conforme au code électoral», a ajouté ce membre du collectif de la Troisième voie, une des organisations à l’origine de la création de Karalala. D’autres organisations telles que Ngos’hao, font également partie des initiateurs de cette démarche.
Le jour du vote, les sentinelles se mobiliseront pour obtenir des élections «sereines» et sécurisées, comme ils le promettent. Même si depuis qu’il a été révélé sur les réseaux sociaux, l’élan Karalala n’a pas obtenu directement un accueil unanime de la part de certains internautes, pensant que la mission semble irréalisable. «Nous avons l’ambition de peser suffisamment pour que les institutions impliquées dans les élections remplissent leur mission correctement et nous évitent une nouvelle humiliation, qui serait encore plus terrible de par notre positionnement actuel au sein de l’Union africaine», insiste Kamal. En effet, excepté les deux scrutins présidentiels de 2006, tenus sous forte sécurisation internationale, la plupart des élections postindépendance ont dans leur majorité fait l’objet de contestation. Pour le vote du 14 janvier, l’électorat, traumatisé d’une part par les évènements de 2019, et les discours selon lesquels les dés seraient déjà pipés d’autre part, augmente le risque d’un rejet.
Engagement des citoyens
La stratégie de «Karalala» pour atteindre ses objectifs se résume ainsi : «Nous comptons d’abord sur l’éveil des électeurs pour qu’ils refusent de se faire déposséder de leur droit de choisir leurs dirigeants par les urnes. Les bénévoles que nous continuerons de recruter dans tous les camps, veilleront ensuite au bon déroulement des opérations électorales.Enfin, nous réunirons les moyens techniques possibles pour suivre le décompte des bulletins depuis les bureaux de vote, jusqu’aux instances électorales afin de s’assurer que les résultats qui seront donnés par les autorités électorales correspondent à l’expression réelle des électeurs», a énuméré Kamal’Eddine Saindou, dans un entretien accordé à Al-watwan le samedi 30 décembre, au nom des «sentinelles».
Techniquement, le Karalala dit être prêt. En revanche, la plateforme se demande encore si les citoyens s’engageront ou pas. «Car il est important pour les électeurs de comprendre que leur degré d’engagement sera déterminant dans la sécurisation de leurs voix. Le défi est de surmonter la crise de confiance qui s’est installée entre les citoyens et les institutions, notamment l’administration électorale», a relevé notre interlocuteur.