La Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogue est célébrée tous les ans le 26 juin. Les Comores ne devraient pas faire exception à la règle. Les autorités et services concernés s’y préparent activement alors que l’usage des stupéfiants par les jeunes va crescendo. « Le ministère de la Santé et l’Organisation mondiale de la santé ont proposé la mise en place d’un comité intersectoriel de lutte contre la cigarette et la drogue qui regroupera représentants des pouvoirs publics et société civile », affirme Elhad Abderemane Boinafoumou, directeur du Réseau national anti-drogue.
La proposition, à l’en croire, a été bien accueillie par les autorités, notamment le ministre de l’Intérieur, Mohamed Ahamada Assoumani. «Nous ne devons plus nous contenter de célébrer la journée internationale. Il nous faut un vrai plan de riposte contre la délinquance», estime cet ancien gendarme aujourd’hui admis à la retraite. «Pour lutter contre les stupéfiants, il nous faut comprendre pourquoi de plus en plus de jeunes se droguent puis trouver des solutions. Se pose également la question de la porosité de nos frontières à travers lesquelles sont introduites des drogues toujours plus dangereuses», poursuit-il. Le pays ne devra plus se contenter de la répression qui a montré ses limites mais devra sérieusement se pencher sur la prévention.
«Une augmentation de 35 % des saisies»
Car selon une note technique concoctée en vue de la célébration prochaine et dont Al-watwan s’est procuré une copie, la situation est alarmante. «La consommation de drogues illicites connait une expansion inquiétante, touchant particulièrement les jeunes et les populations vulnérables. Le phénomène, longtemps sous-estimé, s’intensifie et se diversifie», alerte-t-elle en préambule. Les mémoires de fin de cycle de l’École nationale de médecine et de santé publique, portant sur l’épidémiologie des drogues en Union des Comores, ainsi que les statistiques des services de l’ordre et de répression, révèlent une recrudescence de la consommation de drogues dites dures (cocaïne, héroïne), ainsi que l’apparition récente de la Flakka, en provenance de Madagascar.
Le document révèle que «près d’un millier de jeunes ont été identifiés comme consommateurs réguliers dans les zones urbaines, notamment à Moroni, Mutsamudu et Fomboni ».Le document recense «167 usagers de drogues par injection, dont 3 % présentent des infections liées au Vih ou aux hépatites». Il signale également «une augmentation de 35 % des saisies de drogues de synthèse en deux ans », ainsi que l’apparition récente sur le territoire national de la Flakka, une cathinone hallucinogène récemment introduite dans l’archipel. À cela s’ajoute la banalisation inquiétante de l’usage du narguilé, souvent utilisé «comme support à des mélanges psychoactifs».
Le rapport mentionne aussi «le mélange de boissons énergisantes avec des médicaments détournés, provoquant des états d’euphorie suivis de fortes dépendances», un phénomène particulièrement observé dans le milieu estudiantin urbain, notamment à l’Université de Nvuni. Pire encore, 5 décès par overdose ont été recensés ces derniers temps, illustrant si besoin était l’urgence de prendre à bras-le-corps ce fléau. En tout cas, le pays compte désormais 3 médecins et 3 infirmiers, formés en addictologie au Centre hospitalier universitaire de la Réunion. Jusqu’ici, tous les malades souffrant de troubles addictifs et souhaitant s’en défaire se tournaient vers des médecins généralistes au pire, sinon vers un psychiatre.