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Projet e-Administration Omar Chehani : «Cette réforme renforcera la transparence, la confiance et la performance de notre administration»

Projet e-Administration Omar Chehani : «Cette réforme renforcera la transparence, la confiance et la performance de notre administration»

Société | -   Mairat Ibrahim Msaidie

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Lancé le jeudi 16 octobre, le projet e-Administration ambitionne de moderniser l’administration comorienne. Al-watwan s’est entretenu avec le directeur de la Fonction publique, Omar Chehane, qui a fait part des principaux objectifs de cette initiative.

 

Quels sont les principaux objectifs du projet e-Administration ?

La modernisation de l’administration est un processus continu. Ce projet vise d’abord à réorganiser l’architecture institutionnelle de la gestion des ressources humaines. Nos administrations souffraient de lourdeurs, d’un manque de maîtrise des effectifs, d’une faible visibilité des besoins en emploi et en compétences. Depuis la révision constitutionnelle de 2018, la volonté de consolider l’administration tout en favorisant la décentralisation et la déconcentration des services s’est affirmée. L’objectif est d’unifier l’administration tout en rapprochant les services publics des citoyens. Nous devons aussi organiser la gestion du personnel public : du recrutement à la retraite, en passant par la carrière, les affectations et les mutations.

Trop souvent, des recrutements ou des départs en retraite se font sans coordination entre les ministères et la Fonction publique. Ensuite, il vise à mieux valoriser les compétences existantes. Beaucoup d’agents possèdent des savoir-faire que l’administration n’exploite pas, faute d’une bonne affectation. Enfin, numériser les systèmes d’information relatifs à la gestion des ressources humaines. Cette digitalisation permettra de fluidifier les procédures et de planifier plus efficacement les carrières. Le projet s’étend sur trois ans, le temps de poser des bases solides et durables.

Le projet prévoit la création d’un guichet unique en ligne et la numérisation des procédures. Comment ces dispositifs vont fonctionner dans la pratique ?

L’administration comorienne souffre d’une lenteur importante. Pour une simple signature, un dossier passe parfois par un long circuit. Le guichet unique numérique vise à simplifier tout cela : l’agent n’aura plus à se déplacer d’un service à un autre. La dématérialisation réduira considérablement les échanges de documents papiers, les allers et retours et les pertes de temps. Cela permettra également de mieux économiser les ressources. Par exemple, dans le cas d’un congé maladie, les délais actuels de traitement sont tels qu’il arrive parfois que l’agent soit déjà rétabli avant d’obtenir son autorisation. De telles situations appartiendront désormais au passé.

L’un des enjeux évoqués est l’interopérabilité entre ministères et institutions. Comment comptez-vous garantir le partage sécurisé des données entre les différentes administrations ?

Effectivement, c’est un enjeu central. Les ressources humaines sont le cœur du fonctionnement des ministères. Grâce à la numérisation des procédures, chaque direction pourra suivre en temps réel l’évolution des dossiers. Aujourd’hui, il arrive qu’un agent dépose un dossier à la Fonction publique sans en informer son ministère d’origine, créant des incohérences. L’objectif est d’unifier les systèmes d’information. Cela n’est pas synonyme de centraliser, mais mieux coordonner. Un enseignant à Dimani, par exemple, ne devrait pas avoir à se rendre à Moroni pour obtenir une simple information. Concernant la sécurité, une protection absolue n’existe pas, mais nous mettrons en place plusieurs dispositifs de sécurisation des données à travers un nouveau système d’information biométrique intégrant photos, signatures et empreintes digitales. L’idée est de digitaliser entièrement les dossiers des agents pour garantir leur traçabilité et leur fiabilité.

Comment l’e-Administration va-t-elle faciliter concrètement la vie des citoyens, notamment ceux vivant dans les zones rurales ou ayant un accès limité à Internet ?
C’est un chantier progressif. Le projet s’inscrit dans une politique plus large de décentralisation, voulue par le gouvernement. À terme, les citoyens pourront accéder plus facilement aux services publics sans devoir se déplacer jusqu’à Moroni. Les nouvelles technologies et les campagnes de sensibilisation accompagneront cette transformation.

Où en est l’élaboration du cadre juridique nécessaire à la protection des données personnelles dans ce nouveau système numérique ?

Ce volet ne relève pas directement de notre direction. Il est suivi par les départements et ministères compétents. Toutefois, nous collaborons étroitement avec eux pour que la gestion des informations des agents soit conforme aux normes de sécurité et de confidentialité.

La réussite du projet repose aussi sur les ressources humaines. Comment préparez-vous les agents publics à cette transition numérique et à l’utilisation des nouveaux outils ?

Chaque projet s’accompagne nécessairement d’un volet formation. Avant même le lancement officiel du programme, 75 agents ont déjà été formés à la gestion des ressources humaines, sur le territoire national. Nous comptons poursuivre cette dynamique en formant les directions des ressources humaines sur l’élaboration des fiches de poste et l’utilisation des outils numériques. La réussite du projet repose sur la formation continue et l’accompagnement de nos agents.

Le projet bénéficie du soutien de l’Union européenne et d’Expertise France. Quelle est la répartition des rôles entre ces partenaires et l’État comorien dans sa mise en œuvre ?

Le financement du projet est assuré par l’Union européenne, tandis que sa mise en œuvre est coordonnée par la Direction de la Fonction publique, avec l’assistance technique d’Expertise France. C’est une collaboration étroite, basée sur le transfert de compétences et le renforcement des capacités locales.

Quelles sont les principales difficultés à anticiper ou à surmonter pour réussir cette transformation numérique de l’administration ?

Toute réforme rencontre des résistances au changement, surtout dans une administration ancienne et habituée à des pratiques traditionnelles. Il faudra donc beaucoup de communication et de sensibilisation pour faire comprendre les avantages du numérique. Mais je reste confiant : l’administration existe pour servir le citoyen. Si chacun comprend cet objectif, nous réussirons cette transformation.

À long terme, quelles retombées attendez-vous de cette réforme sur la gouvernance publique, la transparence et la confiance des citoyens envers l’État ?

Je suis convaincu que cette réforme renforcera la transparence, la confiance et la performance de notre administration. Avec la solidarité et la coopération de tous, nous aurons une administration ordonnée, moderne et tournée vers le citoyen. C’est notre ambition et notre responsabilité.

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