Vivement contesté, l’arrêté du ministre de l’Education nationale portant nomination au grade de professeur d’université de quatre maîtres de conférences de l’Université des Comores (Udc) continue de faire couler beaucoup de salive.
Paradoxalement, dans ce tourbillon, le ministère a jusqu’ici brillé par…son silence. Alors que la directrice de cabinet nous invitait à «attendre le retour du ministre (alors en voyage à l’extérieur), car c’est un sujet trop sensible», le secrétaire général, fraichement promu, disait ne pas encore «maitriser ce dossier».
Quand Al-watwan l’a contacté avant-hier, le ministre a, lui, nié toute existence de cet arrêté. A l’en croire, il y a «un projet allant dans ce sens, consistant à procéder à des nominations, mais rien n’a été finalisé». Sauf qu’une copie de cet arrêté dément cette assertion d’Abdou Mhoumadi. On nage donc en plein délire !
La loi est claire
En effet, le fameux texte existe bel et bien (arrêté N°17-153/Menera/Cab, du 28 février 2017), mais il est contesté tantôt pour des raisons économiques, les répercussions financières étant énormes, tantôt pour des motifs administratifs.
On reproche d’abord aux quatre anciens maîtres de conférences «de ne pas répondre aux critères d’un professeur d’université». Mais, que disent les textes ? La loi N°14-024/Au adoptée le 14 juin 2014 est claire sur le sujet, notamment dans son quatrième chapitre sur les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Selon l’article 60, pour être nommé professeur d’université «l’enseignant-chercheur (doit être) titulaire d’un doctorat, d’un statut de maître de conférences et d’une habilitation à diriger des recherches (Hdr) avec 4 années d’expérience dans l’enseignement supérieur ou dans la recherche ou être titulaire d’un doctorat, d’un statut de maitre de conférences et d’un titre de travaux reconnus équivalant à l’habilitation à diriger des recherches.»
Membre de la commission d’équivalence nationale (Cen), qui examinait les candidatures, Moussa Saïd est formel : «nous avons eu, trois mois durant, à étudier plusieurs dossiers de postulants au statut de professeur. A la fin, nous avons gardé cinq dossiers car, pour l’heure, seuls eux répondent aux critères nécessaires». Il s’agit de Djaffar Mmadi, Saïd Bourhani Abdallah, Ahmed Ouleid, Mohamed Rachadi Ibrahim et Abdoulhakim Mohamed Chakir.
Mensonges et incompréhensions
Cette commission, composée de Mohamed Toihiri, Moussa Saïd, Mbaraka Abdallah Charif, Ainoudine Sidi et Saïd Ali Thaoubane, a remis son rapport au ministre de l’Education. Ce dernier, dans un premier arrêté, a promu quatre enseignants, en excluant Abdoulhakim Mohamed Chakir, au grade de professeur avant que ledit arrêté ne soit annulé (pour des raisons financières, les perceptions financières des bénéficiaires étant revues à la baisse).
Par la suite et à la grande surprise générale, Abdou Mhoumadi «a re-signé un autre arrêté, toujours daté du 28 février qui revoie à la hausse les perceptions financières des quatre professeurs».
Pourquoi Abdoulhakim Mohamed Chakir a-t-il été retiré de la liste des enseignants retenus par la Cen? Chacun y va de son explication. Pour certains, «la raison serait politique» tandis que pour d’autres, c’est l’incompréhension.
Questions sans réponses
C’est le cas de l’intéressé lui-même. Joint au téléphone, il affirme ne pas comprendre pourquoi il a été exclu alors que la Commission juge qu’il mérite, au même titre que les quatre autres, le titre de professeur.
Un avis que partage Moussa Saïd : «si l’on s’en tient aux raisons techniques, il répond parfaitement aux critères et c’est pour cela que nous l’avons proposé. Néanmoins, le gouvernement a le pouvoir de ne pas tenir compte de nos propositions pour des raisons financières, morales ou autres, mais c’est à lui de s’expliquer les raisons de cette décision».
Dans tous les cas, Abdoulhakim Mohamed Chakir a saisi le Syndicat national des enseignants de l’Université des Comores (Sneuc). «J’ai toujours cotisé, toujours répondu présent aux exigences du Sneuc, mais si aujourd’hui, il n’est pas capable de défendre mes intérêts et assiste impuissant à cette injustice, alors je ne vois pas l’intérêt d’être syndiqué.
J’ai donc décidé de quitter le Sneuc à la fin de l’année». Hassane Youssouf, secrétaire général du Sneuc, explique, pour sa part, «avoir tout fait à notre niveau pour résoudre ce problème, sans succès pour l’instant. S’ils doivent bénéficier du statut de professeur, alors ils en bénéficieront tous.
Mais, dans l’état actuel des choses, nous estimons que personne ne mérite ce grade de professeur, c’est sans doute pour ça que le ministre et le président Bourhani ont fait passer l’arrêté en catimini sans l’approbation du gouvernement notamment.»
A l’en croire, le secrétaire général du gouvernement «nous a dit que les raisons ne sont pas politiques. C’est juste que les personnes en question ne répondent pas aux critères».
Le Sneuc ne se dit pas contre la nomination de ces enseignants, «mais cela doit suivre les règles et les textes et surtout nous devons avoir des professeurs dans les domaines où le besoin se fait ressentir ce qui n’est pas le cas avec les quatre personnes désignées ici».
Nous avons essayé d’interroger Idaroussi Hamadi, sans grand succès. Moussa Saïd, lui, tient à préciser que «contrairement à ce qui se dit, le président Bourhani ne s’est pas nommé professeur ; nous avons étudié son dossier et l’avons retenu comme l’ensemble des quatre autres postulants».
En attendant, certaines questions restent encore sans réponses. Pourquoi Saïd Bourhani Abdallah a appliqué l’arrêté ministériel, malgré tout ce tohu-bohu? Pourquoi ledit arrêté n’a pas reçu l’approbation de tout le gouvernement ? Pourquoi Abdoulhakim Mohamed Chakir n’y figure pas, malgré les recommandations de la Cen ? Et, surtout, pourquoi Abdou Mhoumadi va jusqu’à nier l’existence du texte? Affaire à suivre….