Hier, mercredi, correspondait au premier jour de la dernière dizaine du mois de ramadhwani aux Comores, et la fièvre des préparatifs de la fête de l’Aïd-el-fitr monte déjà dans les rues de la capitale, Moroni. Rien que le long de l’axe du rond-point Ajao au rond-point Salimamoud, au nord de la ville, l’affluence des vendeurs, acheteurs et badauds donne des allures d’une grande rue commerciale. Mais loin de comparer ce parcours à la célèbre grande rue commerciale de Shanghai, en Chine, la différence significative serait qu’à Moroni piétons et véhicules se disputent la chaussée.L’intervention des agents des forces de l’ordre, gendarmes et policiers, s’avère plus que nécessaire pour ouvrir le passage à certains endroits.
Aux marchands ambulants et ceux de l’informel habitués des trottoirs, s’ajoutent les commerçants formels qui cherchent à déstocker leurs magasins, à cette occasion. Tout le monde se rivalise en moyens et techniques de communications, à coup de mégaphones et autres haut-parleurs pour porter loin leurs voix. Chacun y va avec son slogan de publicité pour vanter son article, avec une certaine pointe d’humour. Comme ce vendeur de jouets sur la voie publique qui interpelle les passants à s’acheter «un pistolet pour que l’enfant puisse tirer sur sa maman».
Délier la bourse et acheter à bon prix
Une opération de communication qui semblerait avoir fait effet. Au passage à un endroit, les pleurs d’un petit garçon tenu la main par sa maman interpellent l’attention de certains individus auxquels la mère répond que celui-ci veut qu’on lui achète un pistolet. La musique à fond devant certains étales, le bruit des moteurs et klaxons des véhicules et les cris des vendeurs et acheteurs, entretiennent une ambiance de vacarme d’un bout à l’autre de la rue commerciale. Tous les genres des musiques, des chants arabes et kaswida religieux aux autres sonorités musicales modernes, animent l’espace. Sur des flancs de murs d’enceinte d’établissements et devantures de maisons et magasins et à même le sol, des articles variés sont exposés à l’ombre, pour certains chanceux, et sous le soleil, pour la plupart.
Difficile d’éviter dans la cohue une collision avec ces brouettes chargées à ras-bord d’articles divers des marchands «toworenge». Ces vendeurs qui font le tour des lieux en criant à tue-tête, à qui veulent les entendre, pour délier les bourses et acheter à bon prix. Le tohu-bohu est plus amplifié encore par les échanges verbaux entre passants qui se sont malencontreusement accrochés, certains ne pardonnent même pas un simple coup de coude reçu au flanc dans cette bousculade. Heureusement, ces altercations ne durent qu’en moins d’une minute, en général, et la vie continue. Circulez… Il y a aussi ces connaissances qui s’interpellent à distance pour se saluer.
En dépit du retard de paiement des agents de l’Etat, à ce jour, la foule ayant déjà envahi la rue commerciale ne se plaint pas du tout des prix proposés car la qualité va avec le prix et chacun trouve son compte dans la panoplie des articles mis en vente à l’approche de la fête. Aux stands de l’habillement, la friperie soulage les portemonnaies les moins garnies. L’on étale, çà et là, des boubous, des pantalons et chemises, et même des hijab et autres habits pour hommes et femmes.
Un marché aux puces dans la capitale
Les chaussures, toutes qualités, modèles et marques confondues, pullulent dans la rue et aux abords du grand marché Volovolo. Autant d’articles sont mis en vente dans cette vaste foire. Une sorte de marché aux puces avec ce bric-à-brac vendu le long de la rue et ses ruelles adjacentes. Un jeune vendeur, installé sur le trottoir jouxtant le stade Ajao, joue le mannequinat avec les costumes qu’il vend. Il appelle les passants à s’acheter le modèle de costumes qu’il portait déjà au prix de 15.000 francs, la pièce. Un marchand ambulant que nous avons croisé avec sa brouette, et dont des agents de police tentent de repousser pour ouvrir la voie aux véhicules, propose des shiromani à 2.500 francs, l’unité. Comme ce jeune qui arpente la rue avec des habits dans ses mains et qui invite à acheter pour les enfants. Tel dans une jungle, chaque vendeur cherche à imposer sa force de séduction pour vendre.
Un enregistrement diffusé sur haut-parleur invite à «acheter des robes à 2.500 fc ; des boléros vendus à 3.000 fc sont soldés à 2.000 fc et ceux qui étaient à 5.000 fc sont cédés à 3.500 fc. Venez visiter un solde sans égal.» «L’enfant mérite d’être vêtu et chaussé», réclame un vendeur en guise de slogan pour attirer la clientèle à son étalage.
Mais ce n’est pas seulement l’habillement pour l’Aïd, il y a ceux qui proposent le linge des maisons et d’autres ustensiles ménagers. «Moustiquaires de trois places à quatre côtés», lance un marchands assis au milieu d’un attroupement d’acheteurs et autres badauds, et un peu plus loin nous tombons sur une brouette bourrées de draps.
La vaisselle comme la brocanterie sont aussi présentes dans la rue. Des services de table dans un vaste choix comme des vieux outils divers sont vendus, à cette occasion.
Cette année, comme à chaque approche de la fin du ramadhwani, les marchés de Moroni et les abords sont difficilement accessibles. Les jours à venir, surtout quand les agents de l’Etat auront perçu leurs salaires, la rue risque d’être encore plus grouillante. L’Aïd ce sera dans huit ou neuf jours, selon l’apparition du prochain croissant lunaire.